Traditionnellement les associations de La Paillade organisent une manifestation en janvier pour rassembler les habitants à l’occasion de la nouvelle année. À l’initiative de membres du collectif Stop Loi Sécurité Globale Montpellier, le réalisateur Djigui Diarra est venu hier débattre de son film « malgré eux ».


 

Malgré la sclérose sociale dans laquelle nous plonge la gestion de la crise sanitaire, les acteurs associatifs, notamment du secteur de l’éducation populaire, ont reconduit hier ce rendez-vous dans le respect des règles qui s’imposent à tous pour affirmer l’expression culturelle dans le quartier.

Le DAL (association de locataires) et la LDH de l’Hérault sont à l’initiative de cette soirée citoyenne associant les habitants de La paillade et différents membres du collectif Stop Loi Sécurité Globale Montpellier. Le réalisateur invité, Djigui Diarra, a répondu présent pour un double rendez vous dans le quartier. Dans l’après-midi, une première projection suivie d’échanges s’est tenue dans les murs de AJPPN (Association Jeunes Photos Paillade Nord). En début de soirée, Kaina TV a accueilli dans ses locaux une seconde projection débat retransmise en directe sur les réseaux sociaux.

Après un premier film réalisé à la sortie de la Fémis en 2015, le jeune réalisateur qui a grandi à Grigny signe son second film. « J’ai tourné en septembre 2017. Pour mon deuxième film, je voulais faire un film d’utilité publique, qui montre comment ça se passe chez moi et qui puisse servir à un grand nombre. J’ai pensé à mon vécu et aux gens de mon entourage et très vite la question des violences policières s’est imposée. À l’époque du tournage il y avait les affaires Adama et Théodore Luhaka à Bobigny et puis celle de Fatouma K., mère de famille qui a perdu un œil à la suite d’un tir de grenade de désencerclement. Je pense que le film peut faire écho dans tous les quartiers parce que c’est une réalité que nous partageons depuis longtemps. Ce problème de violence existait déjà avant ma naissance. »

 

Débat Kaina.TV Photo DR altermidi

 

Parmi les habitants présents certains plus âgés confirment : « Aujourd’hui on s’intéresse à la violence parce qu’elle touche les centres-villes, mais ça fait plus de quarante ans que la situation est figée dans les quartiers. La politique de la ville a brassé beaucoup d’argent. Elle a été profitable pour beaucoup de monde sauf pour les intéressés. » D’autres évoquent le temps de la police de proximité supprimée depuis 2003 par Nicolas Sarkozy : « Cela ne résout pas le problème en profondeur mais l’approche était différente il y avait un lien, on se connaissait. On pouvait même jouer au foot ensemble... »

Le film de Djigui Diarra nous montre le vécu ordinaire des jeunes de cité. Saisie avec réalisme, la captation cinématographique qui s’adapte aux moyens d’expression propres aux jeunes et à leur l’environnement nourrit l’intensité dramatique. Pointer une réalité qui craint d’être démasquée n’a pas rendu la tâche facile. « Mon premier producteur trouvait que c’était trop violent. Moi je voulais que le film soit juste, ne pas adopter une position victimaire. C’est dur de financer un projet comme celui-là mais trouver de l’argent pour acheter du pain c’est dur aussi. Je n’ai pas fait de demande au CNC qui aurait souhaité arrondir certains aspects. On est partis sur un financement participatif et puis j’ai trouvé une productrice qui m’a suivi. »

Plus qu’une dénonciation de la violence, notamment policière, le film « Malgré eux », projeté en avant-première avant sa diffusion sur Canal Plus, pointe le processus qui la sécrète. Djigui Diarra privilégie le contexte quotidien des jeunes d’un quartier. Le réalisme marque les esprits et maltraite la représentation de la violence des cités véhiculée par les grands médias qui focalisent sur les conséquences spectaculaires de ces effets en aveuglant totalement les causes politiques. Malgré les nombreux exemples de courage, d’engagement, de sacrifice individuel, de remise en question des acteurs, y compris des policiers, le film nous aiguille vers une évidente inégalité démocratique et trace la portée d’un échec national.

Jean-Marie Dinh

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.