A compter du 1er février, le Royaume-Uni ne sera officiellement plus membre de l’UE. Le pays n’a donc plus voix au chapitre dans les décisions prises à Bruxelles. Au demeurant, la période de transition qui durera jusqu’à la fin 2020 entraînera un statu quo en matière de circulation des personnes et des marchandises. Les médias européens s’interrogent sur la nature des relations futures avec Londres, et se demandent qui souffrira le plus des conséquences du Brexit.

 
L’émotionnel a eu raison du rationnel

The Times (GB)

The Times explique pourquoi, aux yeux de ses partisans, le Brexit ne peut être qu’une réussite :

«Pour ses protagonistes comme Michael Gove, Boris Johnson et Nigel Farage, le Brexit n’a jamais été un projet économique. Il s’agissait d’un projet philosophique, au risque de vider le terme de son sens. Le Brexit a été un mouvement de libération, et c’est bien là tout le secret de sa réussite. Il prouve ce qu’Aristote soulignait dans sa Rhétorique : un appel émotionnel fonctionne mieux qu’un appel rationnel. Décrire le Brexit comme une libération du joug européen est la garantie que le projet ne pourra jamais être interprété comme un échec. Car si le Brexit signifie séparer le droit britannique du droit européen, la mise en œuvre de la sortie de l’UE est déjà en soi la garantie du succès.»

 

Un acte d’automutilation inouï

The Irish Times (Irlande)

Le Royaume-Uni sera le perdant du Brexit à tous égards, analyse The Irish Times :

«A l’époque moderne, nul autre Etat s’est automutilé de façon aussi insensée. Le Brexit appauvrira le Royaume-Uni, même les calculs du gouvernement britannique le prévoient. Mais le réel appauvrissement a une dimension beaucoup plus grande. Les libertés civiques des Britanniques seront restreintes. La voix du pays sur la scène internationale sera affaiblie et sa réputation de pays ouvert et tourné vers l’avenir fortement atteinte. … L’UE restera certes le principal partenaire commercial et les Etats membres ses alliés les plus proches. En tant qu’Etat européen, le Royaume-Uni sera affecté d’une manière ou d’une autre dans pratiquement tous les domaines-clés par la politique européenne. Mais il ne pourra plus exercer son droit de regard.»

 

L’Europe ne peut pas se permettre d’avoir un nouvel ennemi

Les Echos (France)

L’UE devrait résister à la tentation de se venger du Royaume-Uni pour avoir claqué la porte de l’UE, met en garde le quotidien économique Les Echos :

«Affaiblir le Royaume-Uni, en l’isolant ou en surtaxant ses exportations, ne ferait que nous affaiblir nous aussi. Est-il besoin de rappeler que si Londres déclinait et perdait son siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU, Paris n’aurait aucune raison de conserver le sien ? En ce début d’année 2020, il faut espérer que les vingt-sept fassent tout pour garder le Royaume-Uni au plus près de ce qu’il était jusqu’alors : un pays qui respecte nos normes sociales et environnementales et fasse briller les valeurs européennes. Menacée par la Chine, maltraitée par les Etats-Unis, l’Europe ne peut pas se permettre l’émergence d’un nouvel ennemi à ses portes.»

 

Des PME laissées pour compte

Revista 22 (Roumanie)

L’hebdomadaire Revista 22 de l’ONG roumaine Grupul pentru Dialog Social pense que les PME seront les plus grandes victimes du Brexit :

«Les grands groupes mondiaux qui ont des succursales en Grande-Bretagne s’en tireront relativement à bon compte. … Ils s’y préparent depuis longtemps. Les PME, en revanche, seront frappées de plein fouet. Autrement dit, les entrepreneurs dynamiques qui incarnent l’essence du dogme conservateur. … En réalité, qu’ils soient Tories ou Labour, les politiques n’ont jamais bougé le petit doigt pour ces entreprises. Les jobs de consultants ou les postes au conseil de sécurité dont les politiques rêvent à l’issue de leur mandat ne viennent pas des petites entreprises. Ils viennent des multinationales, qui sont mises au pilori publiquement, mais qui ont un téléphone rouge avec tous les politiques.»

 

Les alliés de l’UE au sein du Royaume-Uni

De Morgen (Belgique)

Dans les négociations qui se profilent, l’UE devrait surtout miser sur le soutien de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord, toutes deux désireuses de rester dans l’UE, conseille De Morgen :

«Les Ecossais et les Nord-Irlandais envisagent la tenue de référendums pour quitter le Royaume-Uni. Le prix qu’ils exigeront pour renoncer à une sécession sera une relation commerciale durable et étroite avec l’UE. Si le Premier ministre Boris Johnson reste sourd à la raison et aux exhortations de ses régions, il entrera dans l’histoire non seulement comme le Premier ministre qui aura tracé une nouvelle frontière maritime dans la Manche, mais aussi celui qui aura laissé partir les Ecossais, se retrouvant seul comme un empereur nu.»

 

Un Brejoin n’est pas exclu

El País (Espagne)

Il faudrait attendre dix ans avant de songer à une ré-adhésion, croit savoir l’historien Timothy Garton Ash dans El País :

«Quelles sont les chances de voir le Royaume-Uni revenir dans le giron de l’UE ? Cette question n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour. Nous aurons besoin de cinq années pour découvrir les implications réelles du Brexit, et cinq années de plus pour voir comment il fonctionne au quotidien. En attendant, l’UE aura changé. Je suis confiant que les Britanniques commenceront vers 2030 à considérer la possibilité d’un retour. Non pas par peur ou par frustration, mais parce qu’ils auront alors mieux compris et pourront accepter plus sereinement qui ils sont et où ils en sont. Mais cette possibilité dépend aussi du pouvoir d’attraction et du dynamisme de l’UE dans dix ans par rapport à aujourd’hui. A ce stade-là, et pas avant, il sera crédible de passer du discours sur le Brexit à celui sur le Brejoin.»

 

Source Euro/topics

Photo La Grand-Place de Bruxelles, illuminée aux couleurs de l’Union Jack, le soir du 30 janvier. (© picture-alliance/dpa)

Voir aussi : Rubrique UE,

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