À l’occasion du séminaire doctoral du Cercle de Recherche sur le Moyen-Orient (CCMO), qui s’est tenu le 07 juin 2022 au Collège de France, la chercheuse Nitzan Perelman* abordait la manipulation du concept de la démocratie à propos de la démocratisation du discours nationaliste israélien. Un concept qui se répand dangereusement bien au-delà du cas d’Israël.


 

Toute démocratie se fonde sur un débat d’idées, sans lequel elle irait à sa perte. Pourtant, depuis bientôt trois ans, avec la crise sanitaire liée au coronavirus suivie de la guerre en Ukraine, le concept de propagande, qui fait ordinairement référence à cette tentative consciente de persuasion, trouve aussi tout son sens dans les mouvements inconscients sous-jacents au traitement de la question politique par les médias.

 


 

Résumé de l’intervention : Si le pinkwashing est la manipulation de l’engagement des droits LGBT visant à donner une image progressiste à un objectif qui ne l’est pas, alors le democraticwashing peut être interprété comme la manipulation du concept de la démocratie et de sa représentation positive dans la communauté internationale afin de camoufler des actions et processus non démocratiques.

Ce concept, que j’entends développer dans le cadre de ma thèse portant sur la démocratisation du discours nationaliste israélien, renvoie à un aspect majeur dans ma recherche. Il s’agit de la relation ambivalente de l’État israélien avec la communauté internationale (ou plutôt occidentale) : d’un côté, il entend ressembler de plus en plus aux Occidentaux et aux valeurs qu’ils promeuvent, mais, de l’autre, il existe une grande méfiance envers cette communauté et ses valeurs dans la mesure où celles-ci risquent de mettre en danger l’existence de l’État d’Israël en tant que foyer national du peuple juif.

Le democraticwashing obéit à une volonté de rapprochement avec la communauté internationale lorsqu’il est utilisé comme stratégie de légitimation de certains actes ou discours de la politique israélienne. Cette stratégie est mise en œuvre non seulement à l’extérieur dans les échanges avec les représentants de pays étrangers, d’organisations internationales ou au service de la Hasbara (le terme désigne la diplomatie publique de l’État d’Israël) mais aussi à l’intérieur : à la Knesset1, dans les médias, dans les discours des hommes politiques, etc. Si à l’échelle internationale, le democraticwashing se fixe pour but de présenter une image progressiste d’Israël, le gouvernement peut y recourir pour gagner le soutien du peuple : si toutes ses actions sont démocratiques, alors il ne fait qu’exprimer la voix du peuple.

Ce concept, qui se trouve au cœur de ma recherche, ne concerne pas uniquement le cas d’Israël : il peut caractériser une multitude de phénomènes dans le monde, à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale.

Nitzan Perelman

Dessin de Serge Dehaes

 

Nitzan Perelman

* Nitzan Perelman est doctorante en sociologie politique à l’Université Paris Cité. Elle est diplômée du Master recherche « Histoire des relations internationales et des mondes étrangers » de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses axes de recherche concernent le nationalisme, la démocratie et ses usages, le discours public et la société israélienne.

 

 

Notes:

  1. La Knesset est le parlement monocaméral (à une seule chambre) de l’État d’Israël siégeant à Jérusalem.
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