Après la Covid-19, une nouvelle épidémie semble frapper notre société, c’est celle des manifestations officiellement non contaminantes. Si certains événements se retrouvent, soit interdits, soit soumis à des règles sanitaires auxquelles ils ne peuvent se soumettre faute de moyens, on peut dire que, au vu du contexte, c’est une bonne chose. Sauf que certaines autres rencontres bénéficient d’arrangements administratifs avec le virus, ce que nous avons un peu de mal à comprendre.


 

Nous avons vu passer les annonces douloureuses des annulations, non seulement dans notre département mais aussi dans tout le pays. D’après le dernier bilan de Santé Public France du mercredi 9 septembre 2020, notre nation fait état de 30 morts en hôpital en 24h. On recense ce mercredi 9 septembre 2020, 30.794 décès au total et 8.577 nouveaux cas de contaminations sur la journée. C’est alarmant. Il est donc bien nécessaire de prendre des mesures qui, dans la mesure de nos connaissances actuelles, permettent de protéger au mieux la population.

Comme nous l’avons vu le 7 septembre à Nîmes, ce deux poids, deux mesures qui consiste à autoriser certaines manifestations et en interdire ou empêcher d’autres est extrêmement blessant pour des militants associatifs fortement engagés dans l’émancipation culturelle et les rencontres citoyennes. Qu’on interrompe des manifestations ne devient un problème que lorsque d’autres sont maintenues sans barriérage ni comptage du public au mètre carré près (ce qui est demandé dans le protocole sanitaire : une personne pour quatre mètres carrés).

Face à ces incohérences obscures, qui contrastent avec les déclarations médiatiques fortes et les coups de menton de nos élus et préfets, nous n’avons d’autre solution que le ressentiment. En effet, comment comprendre ? Si, au début du confinement, nous avions adhéré collectivement à ces mesures, l’accumulation des improvisations opportunistes d’État nous a tous bien douchés. Il est resté, malheureusement, intacte dans les comportements, toute la face noire de l’humanité, celle qui met les intérêts personnels au centre du monde, celle qui est responsable de la famine, de la guerre, de la destruction de l’environnement, de tous les trafics et intégrismes.

On l’a vu, on le sait, c’est officiel, l’économie passe d’abord : « Relancer l’économie et lutter contre le chômage, c’est l’objectif prioritaire de ce plan », vient de préciser le premier ministre, Jean Castex, sur RTL. Le tourisme a donc, à cette fin, été porté à bout de bras tout l’été, même s’il contribuait à disséminer le virus. Le monde associatif est, lui, simplement considéré comme un supplétif accessoire, en dehors des grands schémas mercantiles, à disposition, ce qui est très bien exposé dans le courrier nîmois précédemment cité. Mais nous devions illustrer notre propos d’un exemple concret, celui des JEP. Qu’est-ce donc ? Les Journées Européennes du Patrimoine sont « des manifestations nationales et internationales annuelles, instaurées actuellement par plus d’une cinquantaine de pays. Elles permettent au public la découverte de nombreux édifices et autres lieux qui ne sont souvent qu’exceptionnellement ouverts au public, ou de musées dont l’accès devient alors gratuit ou à prix réduit ». Beaucoup de monde en profite. Quel est le rapport ?

Vous allez comprendre en lisant ce texte, qui a été transmis par les agences régionales du Ministère de la Culture à toutes les structures participant à la manifestation des 19 et 20 septembre 2020 :

« Le ministère de la Culture a sollicité la semaine dernière auprès du Centre interministériel de crise une dérogation pour les sites participants aux Journées européennes du patrimoine. Cette dérogation a été accordée.

La seule inscription des sites participants est considérée comme suffisante. Le ministère de la Culture procédera à la transmission en préfecture des informations saisies et validées par les DRAC et DAC. Les responsables des sites participants n’auront aucune démarche complémentaire à effectuer auprès de la préfecture.

Comme chaque année, une circulaire commune des ministères de l’Intérieur et de la Culture sur les Journées européennes du patrimoine sera adressée très prochainement aux préfets. Cette dérogation à l’obligation de déclaration préalable y sera explicitée ».

Mais chaque jour voit arriver de nouvelles mesures qui divergent des précédentes. Les journées du Patrimoine (12 millions de visiteurs), annulées à Bordeaux, sont pour le moment maintenues dans de nombreuses villes, y compris à Paris et Marseille. Cette dernière ville serait toutefois, selon les dernières informations, « au bord » de l’annulation de la manifestation, en raison des chiffres inquiétants de cas de coronavirus dans la région. D’autre part, certains lieux, partout en France, seront fermés en raison des manifestations de gilets jaunes qui se tiennent au même moment. L’office de tourisme de Montpellier annonce ainsi que l’Arc de Triomphe, le Mikvé (vestiges de l’ancien bain rituel juif), les jardins du Peyrou et l’hôtel de ville seront fermés au public à partir de 13 heures. Pour toute la journée de samedi, toujours en raison des manifestations (et non de l’épidémie qui a pourtant été la cause de l’annulation de nombreux autres événements) l’Université de Montpellier a elle aussi décidé de fermer au public deux de ses sites emblématiques : le Jardin des Plantes, à côté du Peyrou, et un peu plus bas le bâtiment historique de la Faculté de Médecine, près de la cathédrale.

Rien n’est aussi désespérant que de ne pas trouver une nouvelle raison d’espérer.Nicolas Machiavel

 

Thierry Arcaix

 


Illustration : Carte postale ancienne. Chambre des Députés par Maurice Guérin vers 1930. Mutilés, Paysans, Ouvriers, Fonctionnaires chassons les profiteurs.


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Thierry Arcaix a d’abord été instituteur. Titulaire d’une maîtrise en sciences et techniques du patrimoine et d’un master 2 en sciences de l’information et de la communication, il est maintenant docteur en sociologie après avoir soutenu en 2012 une thèse portant sur le quartier de Figuerolles à Montpellier. Depuis 2005, il signe une chronique hebdomadaire consacrée au patrimoine dans le quotidien La Marseillaise et depuis 2020, il est aussi correspondant Midi Libre à Claret. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages dans des genres très divers (histoire, sociologie, policier, conte pour enfants) et anime des conférences consacrées à l’histoire locale et à la sociologie.