La crise s’amplifie dans les prisons françaises où la suppression des parloirs, le manque d’information, et de moyens de protection et d’hygiène créée une situation explosive. Plusieurs établissements ont connu des incidents allant parfois jusqu’à l’émeute. Au niveau régional altermidi a recueilli le témoignage d’un détenu en proie à la peur et à aux rumeurs.


 

Être confiné, n’est pas une situation exceptionnelle pour tous. Pour les personnes détenues, c’est même la norme. Nous connaissons tous la situation de nos prisons, surpeuplées, faute d’une utilisation plus rationnelle des peines de substitution pour de petits délits. Nous savons aussi combien il est difficile d’être soigné en prison. Or, depuis quelques semaines, nous avons connaissance que les prisonniers ne sont pas à l’abri du virus.

 

Il y a déjà des morts. Le premier, c’était à Fresnes, la semaine dernière, un homme de 74 ans. Depuis, les détenus qui reçoivent les infos par la télévision ont peur. Ils entendent parler des précautions à prendre contre ce fléau et constatent que les gestes barrières, le lavage des mains, une hygiène qui permet de se préserver, ce n’est pas pour eux.

Maintien des fouilles au corps, mais fermeture des parloirs, voire des appels téléphoniques dans certains cas, ont été la première réponse. Le personnel pénitentiaire n’est pas logé à meilleure enseigne, qui entre et sort, permettant peut être une nouvelle dissémination du virus. Eux aussi ont peur.

D’aucuns ont demandé, voire exigé que les prisonniers en fin de peine, ceux condamnés pour de petits délits, soient libérés, afin de soulager les effectifs. C’est le cas de l’avocate Khadija Aoudia, qui a porter plainte contre la ministre de la justice. L’avocate plaide pour désengorger les prisons « les multirécidivistes pour des affaires de vol, d’infractions au code de la route, de trafic de cannabis doivent être remis en liberté, cela représente 50 % de la population carcérale. Qu’on leur mette un bracelet électronique et qu’on les confine ».

La ministre entend “agir sur la tension carcérale”, alors que certaines maisons d’arrêt font l’objet d’une surpopulation chronique. Elle a détaillé les dispositifs pour désengorger les prisons, dont “entre 5000 et 6000 personnes devraient pouvoir bénéficier”. Les détenus concernés sont “Ceux dont le reliquat de peine est inférieur à deux mois pourront être placés en confinement à leur domicile. Ceux qui sont à six mois de leur fin de peine pourront voir cette peine transformée en travail d’intérêt général”

Les autres, les longues peines, se révoltent contre une situation inquiétante, et c’est ainsi que la semaine dernière, plusieurs établissements ont connu des émeutes – vite réprimées – amenant la ministre et le gouvernement à projeter une répression encore plus féroce. Des incidents ont éclaté dans plusieurs établissements pénitentiaires, notamment à Grasse, Béziers, Draguignan, au Mans et à Lille-Sequedin, Uzerche… Si dans la plupart des cas le mouvement s’est limité à des refus de réintégrer les cellules, il y a eu dans certains établissements des mouvements d’émeutes contre lesquels l’administration a requis l’intervention des Équipes Régionales d’Intervention et de Sécurité (ERIS). Devant des mouvements générés par l’inquiétude, suite à la suppression des parloirs, la ministre ne parle que de répression, et n’envisage la sortie que des prisonniers malades et des fins de peine, sans précision.

 

Confinés, la peur au ventre

X est détenu depuis plus de 20 mois, en attente de jugement. Nous avons pu recueillir son témoignage. « Il y a beaucoup d’angoisses, les gens ont très peur. » Alors qu’une rumeur prétendait que les prisonniers allaient bénéficier d’un accès internet, il dément « Y’a rien, plus d’appels téléphoniques, plus de parloirs. Internet ? Mais les téléphones sont interdits ! Y’a plus rien, c’est chaud, ça ne tiendra pas comme ça ». Sur l’état d’esprit des prisonniers, « c’est chaud, il y en a qui parlent d’émeutes… les surveillants n’ont pas de masques, rien, pas de gel hydroalcoolique. Les surveillants, ils veulent plus parler avec nous, ils ont peur aussi pour eux… » Sur la surpopulation, « nous, on est deux par cellule, mais y’a certaines prisons c’est six par cellules, même parfois 9… Et il y a sûrement des détenus contaminés, mais ils veulent pas nous le dire ».

Depuis ce témoignage, on a donc prévu de libérer des malades et des fins de peine. Mais pour ceux qui sont en préventive comme notre témoin depuis plusieurs mois, c’est le maintien en détention. Si en terme de confinement, on peut penser que cela ne change pas leur quotidien, c’est mal connaître les relations de dépendances que vivent les détenus. Sans le personnel pénitentiaire, ne serait-ce que prendre une douche est impossible dans certains établissements. Sans téléphone, parloir, et même cantine, les seules nouvelles de l’extérieur sont les chaînes de télé qui crachent l’angoisse du moment à des gens qui se retrouvent sans nouvelle de leurs proches.

À l’instar des pensionnaires des EHPAD, les détenus, comme les gardiens, se retrouvent sans moyens de protection face à l’épidémie qui pourrait bien les atteindre aussi pourtant. Au tout début du confinement, des juges ont condamné des gens à entrer en prison, sans même savoir si ces personnes étaient touchées par le virus. Dans les deux cas, une même impression, celle du sacrifice de populations non rentables.

Christophe Coffinier

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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.