Le bras de fer se poursuit entre la direction du Canard enchaîné et la section du SNJ-CGT suite à la plainte déposée par le journaliste Christophe Nobili affirmant que la compagne d’un ancien administrateur de l’hebdomadaire avait bénéficié pendant vingt-cinq ans d’une rémunération du journal sans y avoir travaillé.


 

Le Canard enchaîné a déposé plainte contre X, estimant avoir été victime d’une « perquisition numérique illégale » portant « atteinte à l’ensemble des piliers de notre État de droit » s’agissant d’une entreprise de presse, a appris, jeudi 21 mars, l’Agence France-Presse (AFP) de la part de sa direction.

En cause : un PV établi par la brigade financière dans le cadre de l’enquête sur l’emploi fictif au sein du “Canard” (dite « affaire Escaro »), mentionnant qu’un enquêteur s’est connecté à la première page des archives du journal. Et donc potentiellement à des « données nettement plus confidentielles », selon les déductions de la direction qui a ensuite écrit à ses journalistes que leurs ordinateurs avaient pu être mis en péril.

« Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire dans l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien. » C’est ce « théorème de Pasqua », un bon client du Canard Enchaîné, qui semble inspirer aujourd’hui la direction du même Canard Enchaîné, son président Erik Emptaz et son administrateur délégué Hervé Liffran, dans une fuite en avant judiciaire, tacle la section du SNJ-CGT.

La plainte déposée par le palmipède et enregistrée le 5 mars auprès de la procureure générale de Paris a été déposée pour « introduction, extraction et reproduction frauduleuses des données » de son système informatique et « faux en écriture publique avec la circonstance aggravante qu’il a été commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ».

Le SNJ-CGT apporte dans un communiqué daté du 23 mars des détails sur le déroulement de l’enquête. « Cherchant à savoir si le fantôme Édith Escaro figurait parmi les rédacteurs du journal, et si cette titulaire d’une carte de presse du “Canard” y avait commis quelques articles, l’enquêteur a tenté de consulter ses archives. Las, le malheureux n’a jamais été plus loin que la page de garde, dénombrant les journalistes, où Edith Escaro, en effet, ne figure pas. Il n’a pas pu accéder au contenu de la base de données du “Canard” qui n’est consultable, contrairement à celle des autres journaux, que depuis ses locaux. Et ne contient, au demeurant, que des articles déjà publiés. »

 

Dans un communiqué le syndicat des journalistes contre-attaque

 

En réalité, le but de la plainte échafaudée par la chefferie du “Canard” est double :

  • créer un incident de procédure dans l’espoir de différer à nouveau, voire d’invalider tout ou partie du procès qui attend Michel Gaillard et l’ex-directeur Nicolas Brimo, renvoyés en correctionnelle en octobre prochain pour abus de biens sociaux à des fins personnelles, faux et usage de faux, etc.
  • noircir le journaliste Christophe Nobili à l’origine de ce procès, en l’accusant d’avoir « balancé aux flics », comme cela lui a déjà été dit en interne, faute d’avoir réussi à le virer, après deux rejets de l’inspection du travail et un refus implicite du ministre du Travail.
  • Faut-il voir dans cette procédure, dont Michel Gaillard et Nicolas Brimo sont les principaux bénéficiaires et qui contribue à leur défense personnelle aux frais du journal, une énième preuve que la direction actuelle agit sous l’influence de Gaillard Michel et Brimo Nicolas ?

 

La section SNJ-CGT pose la question qui fâche

 

Faut-il voir dans cette procédure, dont Michel Gaillard et Nicolas Brimo sont les principaux bénéficiaires et qui contribue à leur défense personnelle aux frais du journal, une énième preuve que la direction actuelle agit sous l’influence de Gaillard Michel et Brimo Nicolas, toujours administrateurs et qui continuent de contrôler en sous-main la majorité des actions, bien qu’ayant quitté leurs postes de direction ?

Pour mettre fin à cette situation malsaine d’entre-deux-règnes, la section SNJ-CGT du Canard enchaîné réclame :

  • un processus de succession, clair et net, au terme duquel Michel Gaillard et Nicolas Brimo, retraités en apparence, rendent leurs actions. Même Edwy Plenel et Daniel Schneidermann ont su, récemment, passer la main.
  • une assemblée générale des salariés afin de traiter de questions autrement plus brûlantes pour le journal, au lieu de déposer des plaintes : la lourde chute de ses ventes (plus de 40 % depuis 2017), son contenu et sa ligne, ses perspectives de relance, le traitement de ses salariés.
  • l’abandon des poursuites et tentatives de licenciement contre Christophe Nobili, délégué syndical, élu au Comité social et économique (CSE), qui, en tant que tel, mène aussi des combats sociaux pour plus d’égalité et de transparence au “Canard”.
  • la présentation à la rédaction, par les tout nouveaux directeurs de la publication et de la rédaction, Erik Emptaz et Jean-François Julliard, de leur projet éditorial.
  • un projet de nouveaux statuts pour que “Le Canard” cesse d’avoir des dirigeants nommés comme ceux du RPR des années 70. Il est temps, après 110 ans d’existence, que le vertueux palmipède se dote d’un fonctionnement démocratique, à l’image d’autres journaux (Le Monde, Médiapart, La Croix, etc.), où la rédaction est associée au choix de celle ou celui qui incarne son indépendance éditoriale et intellectuelle, première valeur d’une équipe journalistique.

C’est aussi aux lecteurs du “Canard” que nous devons cette nécessaire clarification, une saine transparence et l’indispensable renouveau du journal sur de nouvelles bases.