Les représentants des régions, des départements, des communes et intercommunalités ont été reçus mardi 9 avril à Bercy pour discuter de nouvelles coupes dans leurs budgets 2025. Les collectivités renvoient le gouvernement à sa responsabilité, pointant une mauvaise gestion.


 

« Nous avons déjà largement donné. » Les collectivités locales ont fait savoir au ministre de l’Économie Bruno Le Maire, mardi 9 avril, leur opposition à voir leurs moyens1 diminuer pour aider le gouvernement à maintenir sa trajectoire de réduction du déficit. Les représentants des régions, des départements, des communes et intercommunalités ont été reçus à Bercy pour discuter d’éventuelles économies dans leurs budgets 2025, le tout dans une ambiance « courtoise » mais « qui n’a pas fait avancer les sujets essentiels », a déclaré à la presse André Laignel (PS), président du Comité des finances locales.

Pour que le déficit de la France puisse revenir sous 3 % du PIB d’ici à 2027, le gouvernement a estimé qu’environ 20 milliards d’euros d’économies devront être réalisées en 2025. Contrairement aux 10 milliards d’économies en 2024, ces coupes concerneront aussi les dépenses sociales et celles des collectivités territoriales.

Selon André Laignel, Bruno Le Maire a demandé aux collectivités de réduire de 0,5 % par an en volume leurs dépenses de fonctionnement : un objectif de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 que le ministre voudrait désormais impératif. Bruno Le Maire devrait transmettre aux collectivités « une proposition de calendrier de travail » et proposer une nouvelle réunion « d’ici deux mois », ont fait savoir plusieurs participants de cette réunion.

 

« Hors de question de stigmatiser les collectivités locales »

 

Du côté des départements, même constat : rogner sur leurs dépenses de fonctionnement, « je pense très honnêtement que c’est impossible », a dit à l’AFP Jean-Léonce Dupont, président centriste du conseil départemental du Calvados. Selon lui, cet objectif de -0,5 % n’a par ailleurs « aucun sens », dans un contexte où « 70 % des dépenses de fonctionnement des départements sont non pilotables ».

Aucune piste concrète d’économies n’a « été esquissée », a de son côté regretté Carole Delga (PS), présidente de l’association Régions de France. Les régions sont « prêtes à travailler » » avec le gouvernement sur « la bonne utilisation de l’argent public », mais « il est hors de question de passer par une stigmatisation des collectivités locales », à qui on reprocherait d’être « dépensières ».

 


« Ce n’est pas aux collectivités territoriales de venir compenser cette mauvaise gestion », prévient le vice-président de l’Association des maires de France (AMF)

 

« Nous sommes tous dans le même bateau », a déclaré au Sénat, jeudi 4 avril, le Premier ministre Gabriel Attal lors des questions d’actualité au gouvernement.

« En aucun cas nous ne saurions acter » la réduction des dépenses de fonctionnement, s’est insurgé dès le lendemain André Laignel. Cela représenterait, selon ce dernier, une « ponction de 15 milliards d’euros » sur cinq ans, soit une somme « considérable » et « totalement hors d’atteinte », « compte tenu des difficultés évidentes des collectivités territoriales ». Les collectivités territoriales ont déjà vu leurs moyens diminuer ces dernières années via la suppression d’impôts locaux décidée par le gouvernement, mais aussi la baisse de leur dotation globale de fonctionnement.

« Ce n’est pas en nous affaiblissant, en nous appauvrissant qu’on réglera les problèmes financiers de la France », a réagi André Laignel. « Il ne me paraît pas logique, quand l’État gère mal, que ce soit les collectivités locales qui gèrent mieux, qui deviennent la variable d’ajustement et les sous-traitants de l’État », a-t-il ajouté. En réduisant le budget des collectivités territoriales, « l’investissement des collectivités, qui représente 70 % des investissements publics civils dans notre pays, va être mis en cause », explique-t-il. « Nous allons contribuer à une régression de l’économie nationale alors que nous pouvons être au contraire un levier », a-t-il affirmé.

 

« Nous sommes le bouclier social sur le terrain »

 

André Laignel met en garde le gouvernement : « Nous sommes le bouclier social, l’amortisseur social sur le terrain. Les communes sont essentielles à la paix civile dans notre pays quand on sait les difficultés, la poudrière qu’est notre pays aujourd’hui. Vouloir affaiblir cette capacité de répondre aux attentes de nos concitoyens, de consolider nos services publics locaux, ce serait un contresens absolu », a-t-il estimé.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a appelé à « un effort collectif » de l’État, des collectivités locales lors d’un discours jeudi à l’université Paris-Dauphine. « Qu’il y ait pression, c’est incontestable, mais elle est totalement infondée », selon André Laignel. Il a rappelé que les collectivités doivent voter leur budget à l’équilibre et que, par ailleurs, de 2014 à 2024, leurs contributions « en euros constants, c’est plus de 70 milliards. Je crois que nous avons fait notre devoir. Aujourd’hui, si l’État a été inconséquent, il revient à l’État de trouver les solutions », a-t-il expliqué.

André Laignel s’inquiète d’autant plus que l’Insee prévoit en 2023 un déficit pour les collectivités territoriales : « Ce qui n’est pas arrivé depuis des années et des années. En 2022, on dégage 4,8 milliards d’euros de positif. Nous aidions au contraire la France à être moins atone par le déficit », dit-il.

Le maire accuse le gouvernement : « Cela est le résultat d’une insincérité budgétaire. On ne me fera pas croire qu’en décembre, Bercy ne savait pas qu’il y avait des difficultés majeures pour le budget de l’État ». Après avoir voté par un 49.3, « ils nous disent qu’on vous reprend déjà 10 milliards. Ce n’est pas raisonnable, c’est de la mauvaise gestion ».

 

Avec AFP

 

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Notes:

  1. En moyenne, les dotations de l’État et de l’ensemble des organismes publics représentent environ 30 % des ressources globales d’une collectivité.