Une fronde contre la loi immigration, 32 départements dirigés par la gauche, n’appliqueront pas le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).


 

Emboîtant le pas au Lot et à la Seine-Saint-Denis, ces territoires rejettent en effet la « préférence nationale » prévue, selon eux, par la loi adoptée mardi à l’Assemblée nationale avec les voix du Rassemblement national. À la fois ville et département, Paris avait annoncé peu avant son refus de pratiquer « la préférence nationale pour (ses) aînés », par la voix de sa maire Anne Hidalgo (PS). Cela concerne notamment les départements de Gironde, du Lot, du Lot-et-Garonne, de l’Aude, de l’Hérault, du Gard ou encore de Meurthe-et-Moselle.

« Nous, présidentes et présidents de départements de gauche, refusons l’application du volet concernant l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) de cette loi inspirée par l’extrême droite, portée par un exécutif qui prétendait incarner la modération et qui n’est désormais plus que l’illustration de la compromission », selon un communiqué conjoint.

 

« Un bouclier républicain face à la préférence nationale »

La nouvelle loi instaure dans son article 19 un délai de cinq ans pour les étrangers non européens en situation régulière qui ne travaillent pas, et de trente mois pour les autres, avant d’être éligibles à des prestations comme les allocations familiales ou l’APA, versée aux personnes âgées de 60 ans ou plus en situation de perte d’autonomie. Qualifiant le texte « d’atteinte grave aux droits fondamentaux des personnes de nationalité étrangère », les départements disent vouloir « continuer à lutter contre le principe de préférence nationale par la défense d’aides sociales qui sont et doivent demeurer universelles ».

Le département du Lot, historiquement à gauche, avait été le premier à s’opposer aux nouvelles modalités de versement de l’APA. Son président Serge Rigal (DVG, ex-PS) a proposé de « créer une nouvelle allocation d’autonomie universelle qui donnera exactement les mêmes droits aux Lotois qui seraient exclus par cette loi ». Le président du département de la Gironde Jean-Luc Gleyze (PS), également président du groupe de gauche des départements, a déclaré à l’AFP que « nous touchons du doigt une France qui risque de voir revenir, blanchies, les idées de Vichy ».

 

 

Les départements « s’exposent à des annulations des tribunaux administratifs »

Au micro de RTL, le député Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) a appelé les électeurs à sanctionner dans les urnes les élus qui n’appliquent pas ce dispositif de la loi immigration. Selon Michel Verpeaux, professeur émérite de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne, les départements qui contournent la loi s’exposent à des annulations des tribunaux administratifs que pourront saisir les préfets s’ils ne respectent pas la loi. « On peut penser que le gouvernement s’en remettra au Conseil constitutionnel pour nettoyer ce qui n’est pas conforme à la Constitution, mais s’il valide cette disposition, la loi deviendra obligatoire et les départements seront obligés de l’appliquer », a estimé le constitutionnaliste.

Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie, salue la réaction politique

Lors d’une conférence de presse de rentrée, la présidente de la région Occitanie s’est exprimée sur la fronde des départements de gauche : « Concernant la loi immigration, je salue la réaction politique des présidents de Départements qui vont s’opposer à sa mise en œuvre, mais ils ne disent pas qu’ils vont désobéir mais qu’ils mettront en place une aide, en particulier pour les personnes en perte d’autonomie. C’est ce qu’on appelle une action de solidarité ! Avec cette loi, on cherche les boucs émissaires, mais ce n’est pas ça la politique. Le sentiment d’injustice n’est pas lié à l’immigration mais à une mauvaise redistribution des richesses, parce qu’on a supprimé l’impôt sur les grandes fortunes, qu’on n’investit pas assez dans l’éducation nationale, qu’on a accepté le démantèlement du système de santé en France… Je ne suis pas dans une vision angélique, il faut parler du sujet immigration mais pas en présentant l’autre comme une menace, un voleur ou une démarche opportuniste. Nous avons un devoir de fraternité et d’intégration. Je fais partie de cette gauche qui pense la sécurité comme un droit et non un impensé, et résumer l’immigration à une menace est très grave ! Je crois à la politique de la fraternité, de la main tendue ».

Avec AFP