À la surprise générale Nadia Pellefigue, tête de liste UNE, PS, PRG et PCF, a annoncé hier matin à ses colistiers qu’elle se retirait de la course des municipales à Toulouse. La fusion avec la liste Archipel Citoyen devrait se faire, mais sans elle ainsi que certains de ses colistiers de la société civile.


 

Coup de théâtre à Toulouse alors que le round des négociations de l’entre-deux-tours battait son plein, ceux qui s’intéressent toujours aux combats des politiciens n’auront pas été en reste. Les doses de suspens et les montées d’adrénaline sont au rendez-vous dans la ville rose. Mais ce que révèle ce rebondissement éclaire aussi le climat de détérioration des relations et des valeurs qui règne dans les tractations d’entre-deux-tours toutes étiquettes confondues.

Ce n’est certes pas une nouveauté mais il est préoccupant de constater cette continuité dans la pratique des candidats, à l’heure où les défis économiques, sociaux et environnementaux appellent de nouvelles approches. Au moment où le taux d’abstention devrait être un signifiant à l’origine du changement, l’essentiel de la classe politique conserve la même disquette. Se faire élire par tous les moyens en imaginant qu’une fois la victoire acquise le modèle de gouvernance qui faisait référence hier restera applicable.

Or même dans le meilleurs des cas, c’est-à-dire avec une approche non pas incorruptible (qui n’est plus tenable dans le monde contemporain) mais simplement honnête, l’image d’une perfection immobile organisant un espace clos est révolue.

Le message de Nadia Pellefigue a été posté sur les réseaux sociaux. La candidate socialiste n’a pas choisi la traditionnelle conférence de presse, elle a préféré s’adresser directement aux citoyens pour annoncer son retrait de la course au Capitole.

Sa liste « mouvement citoyen progressiste, écologiste et social », baptisé UNE (Une nouvelle énergie) est soutenue par le Parti socialiste, le Parti communiste français, le Parti radical de gauche, et des citoyens non engagés dans des partis politiques qui représentent 50 % de la liste. Elle est arrivée en 3e position avec 18,53% des voix, derrière le maire sortant Jean-Luc Moudenc 36,18 % des voix et la liste Archipel Citoyen menée par Antoine Maurice 27,57% des voix, lors du premier tour des élections municipales de mars 2020.

 

L’enjeu de la Métropole

 

Alors qu’une réunion de négociations était prévue hier avec Archipel Citoyen, Nadia Pellefigue a jeté l’éponge en critiquant l’attitude de certains de ses colistiers, trop « pressés » d’aller vers la fusion. « Je suis triste de voir que certains se sont affranchis du collectif et ont pu déclarer qu’il n’y avait plus aucun obstacle au rassemblement de nos deux listes, alors même que des désaccords existaient toujours sur le fond et sur la forme mais que les échanges étaient toujours en cours ».

Nadia Pellefigue avait annoncé qu’elle était favorable à une union mais avec un ticket Maurice au Capitole, elle-même à la Métropole. Une position qu’Archipel Citoyen a refusé sans préciser sa position sur la présidence de la Métropole, s’ouvrant ainsi la possibilité d’en discuter après l’élection. Étant devenu le lieu des grandes décisions dans les transports, l’urbanisme, l’habitat, etc., l’enjeu de la Métropole est central.

La proposition de Nadia Pellefigue avait peu de chance d’aboutir sur ce point, reste à savoir si d’autres possibilités auraient pu trouver une issue plus favorable. Le Parti socialiste était et demeure favorable à une fusion avec Archipel Citoyen sans faire de la présidence de la Métropole une condition. Il a sans doute pesé sur la décision de sa candidate.

La présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga, a salué quant à elle la décision de Nadia Pellefigue, 5e vice-présidente en charge du développement économique, de la recherche, de l’innovation et de l’enseignement supérieur à la région, indiquant que « la gauche n’est gagnante que quand elle est unie ». Et la présidente de région de préciser : « Guidée par le sens du collectif, Nadia Pellefigue a toujours agi en responsabilité et avec courage, et a porté durant cette campagne des idées nouvelles et progressistes pour Toulouse et sa métropole. Par sa décision, elle rend aujourd’hui la victoire possible ».

Dans un tweet, Antoine Maurice, tête de liste d’Archipel Citoyen dit « regretter » la décision de Nadia Pellefigue et la remercie d’exprimer sa volonté de victoire de l’alternative.

 

Les Paradoxes

 

 

« Demain, je permettrai l’union de la gauche en autorisant, en conformité avec le code électoral, mes colistiers et colistières qui le souhaitent à fusionner avec la liste d’Archipel Citoyen. Mais personnellement, je n’y participerai pas ». 

Tel est le message posté sur les réseaux sociaux par Nadia Pellefigue. La candidate socialiste s’est retirée de la course au Capitole, soutenue par 23 de ses colistiers quasiment tous issus de la société civile. Il ont cosigné lundi un texte de soutien à la candidate et sa proposition initiale.

« Nous refuserons une fusion technique uniquement portée par les appareils politiques. Notre manière d’envisager l’union ne repose pas sur des négociations de coulisse qui nient les principes exprimés clairement dans une conférence de presse où l’ensemble des composantes, qui font la richesse de la démarche de notre liste, étaient pourtant réunies ».

Quelle interprétation donneront les citoyens et les citoyennes au message de Nadia Pellefigue qui explique sa décision personnelle en soulignant le manque de conviction et d’unité au sein de son équipe, tout en espérant qu’une partie de celle-ci, avec laquelle elle est en désaccord, pourra contribuer à l’unité de la gauche ? Cette illustration toulousaine éminemment symbolique n’est pas le moindre ni le seul des paradoxes qui jalonnent l’existence de la reconstruction des partis de la gauche.

« Je ne suis pas parvenue à convaincre Archipel Citoyen de la pertinence de la complémentarité de nos compétences, du pari de la confiance réciproque et de l’enrichissement mutuel de nos projets. Je n’ai pas réussi à convaincre du caractère innovant et positif d’un ticket formé par un homme et une femme d’une nouvelle génération à la tête de la ville de Toulouse et de la métropole ».

Au-delà de sa position stratégique, Nadia Pellefigue revendique ainsi audacieusement une fragilité que la sphère politique considère comme une faiblesse. Ce décalage croissant entre une opinion extérieure à la logique des partis, certainement beaucoup plus proche des citoyen.ne.s, et un personnel politique aux valeurs incertaines mobilisable à merci, grossira une nouvelle fois beaucoup plus le camp de l’abstention que la peur du covid-19.

Jean-Marie Dinh

 

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.