Ce sera donc pour le dimanche 28 juin: après moult hésitations et volte-face, et après avoir consulté les représentants de partis dans la semaine, le gouvernement a tranché pour la date de tenue du second tour des élections municipales. Et cela avant même la présentation du rapport devant l’Assemblée nationale et la date butoir du 27 mai qu’il avait lui-même fixé. A Marseille, candidat-e-s et soutiens sont déjà dans les starting-blocks. 


 

Dans la deuxième ville de France, marquée par un enjeu majeur- la succession de Jean-Claude Gaudin ou la fin de son système, ce qui n’est pas tout à fait la même chose- les réactions n’ont pas tardé. Le Président de la Région désormais appelée Sud-Provence-Alpes-Cote d’Azur (il était urgent de rajouter « Sud » sous peine de perdre le Nord, probablement) n’hésite pas à agiter le chiffon rouge et « l’épouvantail » Mélenchon dans une interview au quotidien régional La Provence, dont le directeur éditorial, l’omniprésent Franz-Olivier Giesbert, est un fervent partisan de Martine Vassal, candidate LR, présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la métropole Aix-Marseille-Provence (n’ en jetez plus). « Je ne peux pas accepter que la deuxième ville de France soit gérée par la gauche et l’extrême-gauche » déclare Renaud Muselier. Avec 22,32% des voix, la droite locale qui s’est présentée le 15 mars en ordre dispersé (Bruno Gilles, lui aussi ex-élu de la majorité Gaudin, s’est présenté face à Martine Vassal) a eu la surprise de se voir devancer par la candidate du Printemps marseillais (Citoyens, FI, PCF, PS et une partie des écologistes), Michèle Rubirola (23,44%), pourtant concurrencée par la liste EELV de Sébastien Barles. D’où l’appel du Président de la Région, qui avait pourtant soutenu Bruno Gilles pendant un temps, à faire bloc derrière Martine Vassal. Quand il y a péril en la demeure, la droite sait dépasser ses querelles de personnes et faire primer son idéologie…

 

 

 

 

« On a un risque majeur de donner la ville aux amis de Mélenchon »

 

 

 

 

« On a un risque majeur de donner la ville aux amis de Mélenchon » ajoute Renaud Muselier. On a pourtant l’impression que Jean-Luc Mélenchon, député de la quatrième circonscription des Bouches-du-Rhône, a été discret sur ce terrain là et plus occupé à d’autres taches, notamment à l’Assemblée… Qu’importe, la ligne est:  « tout sauf le Printemps marseillais ». Pour cela, Renaud Muselier en appelle au LR « dissident », Bruno Gilles, à Samia Ghali (sénatrice, ex-PS), à LREM dont le candidat Yvon Berland a totalisé un médiocre 7,88% … et même aux « Verts si certains le souhaitent ». Rappelons que Michèle Rubirola est elle-même issue des rangs d’EELV et que la qualité du bilan écologique des municipalités Gaudin saute aux yeux.

Par la voix de Sébastien Barles, les Verts (8,94 % des voix au premier tour) ont fait savoir récemment leur volonté d’une fusion qui « respecte la proportionnelle » (1) avec la liste du Printemps marseillais. La ville est électoralement divisée en huit secteurs, chacun étant formé de deux arrondissements et un maire de secteur peut ne pas avoir la même couleur politique que celui ou celle qui siège à la mairie centrale. Contrairement aux diverses listes se réclamant de l’écologie à Montpellier qui ont actionné la machine à perdre, (se privant d’un deuxième tour,  et d’une victoire qui leur tendait les bras) les diverses sensibilités du progrès social et écologique semblent vouloir faire cause commune à Marseille.

 

« Comme depuis la création du Printemps marseillais, nous souhaitons opérer le rassemblement le plus large et cohérent pour une victoire des Marseillais »  (2) souligne Michèle Rubirola. L’unité n’étant pas un long fleuve tranquille et le contexte marseillais… jamais simple, le fait d’avoir viré en tête à l’issue du premier tour est déjà une demi-victoire pour ce rassemblement inédit. Confrontée à une grave crise du logement, tragiquement révélée au grand jour par la tragédie de la rue d’Aubagne en novembre 2018, aux ravages du trafic de drogue dans certains quartiers et à l’asphyxie automobile, la « capitale » de Provence-Alpes-Côte d’Azur ne se porte pas au mieux. La tête de liste du Printemps marseillais considère que « les inégalités se sont exacerbées dans notre ville avec la crise du coronavirus et l’incompétence de la majorité au pouvoir qui a laissé les Marseillais abandonnés dans cette période ».

 

« Comme depuis la création du Printemps marseillais, nous souhaitons opérer le rassemblement le plus large et cohérent pour une victoire des Marseillais »

 

 

Fallait-il organiser ce second tour en juin dans ce contexte, après un premier tour marqué par une abstention record ? On n’épiloguera pas sur ce débat ici mais force est de constater que la toile de fond reste largement anxiogène. Pour Michèle Rubirola, médecin de profession par ailleurs, « la priorité des priorités c’est la santé. Les conditions sanitaires dans lesquelles s’est déroulé le premier tour ne doivent pas se renouveler (…) des consignes précises et des moyens conséquents doivent être garantis. Ce déconfinement démocratique ne doit pas faire courir de risques aux électeurs, aux candidats et aux assesseurs ». (3)

Ces élections municipales ne vont-elles pas paraître dérisoires à de nombreux-nombreuses électeurs et électrices avec une crise sanitaire qui s’ajoute à une crise politique de longue haleine ? 

Le pari de la tête de liste du Printemps marseillais , « Tous ensemble, nous pouvons gagner » (4 ) paraît jouable après des décennies d’échecs pour la gauche dans cette ville. Après tout, si l’Olympique de Marseille a pu terminer deuxième du championnat derrière Paris-Saint-Germain en ce printemps 2020, c’est que tout doit être possible. 

 

M. Organ


Notes:

(1), (2), (3) et (4) Source : Maritima Médias