La multiplication des candidatures d’élu.es du Printemps marseillais aux prochaines échéances électorales fait réagir des collectifs de citoyens engagés dans la démarche. Ils considèrent en effet que leur tâche est suffisamment importante sans qu’ils cherchent d’autres mandats. Dans une lettre ouverte à Sophie Camard, Olivia Fortin, Benoît Payan et Michèle Rubirola1, ils ont exprimé leur désaccord.


 

Atypique dans son processus, la campagne pour les élections municipales à Marseille a suscité l’engagement citoyen de très nombreux habitants. Des personnes de tous âges, de divers horizons, adhérentes ou non à un parti politique, ont agi ensemble dans tous les arrondissements de la ville.

Rapidement, un groupe d’habitants dans les quartiers Est a décidé de donner une forme légale à son rassemblement, en créant l’association Les amis du Printemps 9/10. L’objectif étant, au delà de l’élection, de faire vivre cette dynamique, qui avait été la condition première de la victoire.

Par la suite, trois autres associations sont apparues : Les amis du Printemps marseillais réunissant des habitants des 3e, 13e, 14e, 15e et 16e arrondissements ; Citoyennes et citoyens du 4/5, et le Conseil du Printemps marseillais du 15/16. Enfin, au début de cette année, est née Citoyen.ne.s du Printemps marseillais 1/7.

Par un fait du hasard, ce sont des initiatives prises séparément, chacune dans son secteur, sans savoir qu’ailleurs germait la même idée… mais très vite cependant, des passerelles se sont créées. Au début du mois de mars, les cinq associations se sont rencontrées pour la première fois. Elles ont découvert qu’elles rassemblaient déjà ensemble près de 700 adhérents et qu’elles avaient deux objectifs communs : l’application du programme du Printemps marseillais et un soutien aux élus issus de celui-ci. Autrement dit, être de vrais amis qui disent leur désaccord, si le besoin s’en fait sentir.

Avec les candidatures déclarées ou supposées pour les Départementales et les Régionales des élus du Printemps marseillais, il leur a semblé évident que c’était le cas aujourd’hui.

Nous publions ci-dessous leur lettre ouverte.


 

pour illustrer la lettre ouverte des collectifs citoyens du PM
De g. à d., les 4 élus du Printemps Marseillais : Olivia Fortin, Michèle Rubirola, Benoît Payan et Sophie Camard

 

Que sont les citoyens ? Tout
Qu’ont-ils été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien
Que demandent-ils ? À y devenir quelque chose

Mesdames et monsieur, les élu.e.s,
Sophie Camard, Olivia Fortin, Michèle Rubirola, Benoît Payan,

Remettre sur pied notre ville de Marseille est une tâche immense, comparable à deux travaux d’Hercule, nettoyer les écuries d’Augias, terrasser l’hydre de l’Herne…

Madame Olivia Fortin, ce n’est pas une mince affaire que de redonner confiance et cœur à l’ouvrage aux fonctionnaires municipaux, flattés, cajolés, mais, au fond, dédaignés par le premier magistrat de la ville pendant tant d’années.

Madame Sophie Camard, il n’est pas de tout repos de rassembler toutes les énergies, les bonnes volontés et redonner espérance aux habitants du cœur de Marseille.

Madame Michèle Rubirola, diriger les services de santé de la ville, frappée par une pandémie dont nous ne sommes pas encore sortis, est un travail qui ne laisse aucun répit.

Monsieur Benoît Payan, votre rôle de capitaine de navire au milieu de la tempête vous interdit toute distraction.

Mais voilà que vos noms circulent comme candidats possibles aux élections cantonales et régionales. Est-ce bien raisonnable ?
Nous avons voté pour vous, comme des dizaines de milliers de Marseillais, pour que vous vous consacriez, de toute votre âme, à Marseille.

Non pas pour que vous briguiez un nouveau mandat à la première échéance électorale venue. De nombreux candidats du Printemps marseillais n’ont-ils pas proclamé publiquement leur opposition résolue au cumul des mandats, cette triste manie qui sape la confiance des citoyens dans la politique ?

Autrefois, un roi de France pouvait s’aventurer, déguisé, pour écouter ses sujets. Au temps de l’image souveraine, vous ne pouvez pas vous promener, anonymes, dans les rues de Marseille. En votre présence, la parole n’est souvent plus la même. Si vous pouviez entendre, vos oreilles tinteraient : déceptions, moqueries, désespérances, colères…

Une réflexion de la philosophe Simone Weil, sur la Révolution française, résonne étrangement avec la situation que nous vivons, ici, depuis trois ans :
« S’il y a eu en 1789, une certaine expression de la volonté générale, bien qu’on eût adopté le système représentatif, faute de savoir en imaginer un autre, c’est qu’il y avait eu bien autre chose que des élections. Tout ce qu’il y avait de vivant à travers tout le pays – et le pays débordait alors de vie – avait cherché à exprimer une pensée par l’organe des cahiers de revendication.
Les représentants s’étaient en grande partie fait connaître au cours de cette coopération dans la pensée ; ils en gardaient la chaleur ; ils sentaient le pays attentif, à leurs paroles, jaloux de surveiller si elles traduisaient exactement ses aspirations. Pendant quelque temps – peu de temps – ils furent vraiment de simples organes d’expression pour la pensée publique.
Pareille chose ne se produisit jamais plus. »

Mesdames et monsieur, les élu.e.s, faites mentir cette dernière phrase !

Vous avez été désignés pour appliquer notre cahier de doléances, Le programme du Printemps marseillais. Si vous perdez de vue cette vérité simple, nous perdrons à nouveau dans cinq ans. Et le Printemps marseillais aura vécu.


Citoyen.ne.s du Printemps marseillais 1/7
Les amis du Printemps marseillais
Citoyennes et citoyens du 4/5
Les amis du Printemps 9/10
Le Conseil local du Printemps marseillais 15/16

Notes:

  1. Nous avons appris depuis que Michèle Rubirola renoncerait à se présenter. Cependant, c’est une autre élue, issue également de la majorité municipale (PCF), qui serait candidate aux Départementales