En écho à l’opération de communication gouvernementale « Place nette XXL1 », le Syndicat de la magistrature appelle à engager une nouvelle politique des drogues qui s’attache à la lutte contre la grande délinquance économique et financière conjuguée à la lutte contre la misère sociale, sur lesquelles repose principalement le trafic.


 

 

Communiqué 

La série d’opérations « place nette XXL » — et surtout de communication XXL — se poursuit dans plusieurs villes de France.

L’objectif ? Montrer coûte que coûte que l’on « fait la guerre » au trafic de stupéfiants pour assurer le retour à la paix sociale : que l’on saisit des stupéfiants — des quantités ridicules mais peu importe ; que l’on interpelle en masse — les prolétaires du trafic immédiatement remplacés mais peu importe ; que l’on met « les méchants » en prison — surpeuplée et où le trafic continue, mais peu importe.

La dépêche du garde des Sceaux du 12 mars 2024 appelant les procureurs de la République à communiquer sur les résultats des opérations réalisées témoigne de cette volonté d’affichage. Son recadrage — inadmissible — de certains magistrats marseillais ayant témoigné devant le Sénat de l’asymétrie entre les moyens de la justice et ceux des trafiquants, en témoigne tout autant, ainsi que d’une certaine fébrilité face au réel.

La question du traitement judiciaire des trafics de stupéfiants est de nouveau polluée par l’approche quantitative, la pression statistique et des motivations électoralistes, au point de ne laisser aucune chance à l’émergence d’un débat de qualité. Il s’agit donc simplement de dire si, oui ou non, la « guerre » peut être gagnée.

Face à une question posée en ces termes, la réponse ne pourra être qu’une escalade répressive. D’ailleurs, les propositions s’inscrivant dans cette logique ne se sont pas fait attendre : remise en cause des droits de la défense ; extension des procédures d’exception en matière de trafic de stupéfiants ; création de régimes ou d’établissements carcéraux spécifiques.

Nul ne conteste plus l’ampleur internationale du trafic de stupéfiants, sa puissance financière en expansion constante, les risques de corruption qu’il développe, et son intégration progressive à l’économie légale. En revanche, le constat — objectif — de l’échec de cinquante ans de politiques de répression massive du consommateur ou des petits revendeurs est beaucoup plus difficile à admettre et, pire, la police et la justice sont encore propulsées dans cette impasse.

Nous exhortons le gouvernement à sortir de cette escalade inutilement coûteuse et à engager une nouvelle politique des drogues.

Un changement de focale est indispensable pour prétendre lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants et ses causes : penser une approche globale du phénomène pour répondre par des politiques publiques adaptées, en particulier par la lutte contre la grande délinquance économique et financière conjuguée à la lutte contre la misère sociale, sur lesquelles repose principalement le trafic.

Syndicat de la magistrature 26 mars 2024

 

Photo Afp. Dans le quartier de la Castellane à Marseille, le 20 mars 2024

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Notes:

  1. Lancées par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer au dernier trimestre de l’année 2023, les opérations « place nette XXL » comportent différents axes d’action dans le cadre d’une stratégie globale : contrôles des parties communes et des caves, contrôles d’identité sur réquisition du procureur de la République, mobilisation de chiens spécialisés en recherche de stupéfiants et armes, contrôles de commerces, sécurisation des transports en commun, enlèvements systématiques de véhicules dits « ventouses », etc. Réalisées en priorité sur les secteurs difficiles des grandes agglomérations et programmées par les services territoriaux de la police nationale, elles sont déployées en lien avec la direction nationale de la sécurité publique (DNSP) et la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), avec une dimension partenariale forte (municipalité et polices municipales, bailleurs sociaux, sociétés de transport en commun, URSSAF, douanes, etc.). Ces actions peuvent être réalisées avec l’intervention de l’unité d’investigation nationale (UIN) qui dépend de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ). L’UIN appuie les services territoriaux en leur fournissant des moyens d’enquête renforcés et assure une coordination de tous les services pour garantir l’efficacité opérationnelle.
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