Samedi 5 avril, nouvelle manifestation pour Thibault à l’appel du Comité Vérité et Justice pour Bilal ainsi que l’accès aux vidéos de surveillance et au rapport d’autopsie plus de deux mois après sa chute mortelle en scooter.
Dès le 25 janvier dernier, c’était une promesse des habitant-es et des soutiens : « on sera toujours à vos côtés », ce samedi 5 avril à 14h au métro Bagatelle, parole tenue. La colère saine et légitime s’exprime par la voix de Layla, belle-soeur de Thibault Weninger, dit Bilal, et porte-parole du Comité Vérité et Justice pour Bilal : « Cette manifestation, c’est notre droit pour nous faire entendre (…) parce que nos quartiers populaires ne sont pas des arènes parce qu’une vie ici ou ailleurs ne vaut pas moins qu’une autre ». La vie du jeune papa fauchée ce 24 janvier jour de marché « il n’y pas eu refus d’obtempérer, une thèse confirmée, le lendemain, par Alexandre Desporte, patron de la police nationale », rappelle Layla. « Nous savons tous grâce aux témoignages que nous avons pu recueillir (…) que la police nationale et la police municipale, présentes, sont à l’origine de son décès pour avoir provoqué sa chute et-ou n’avoir pas assuré une prise en charge adaptée ».
Quart d’heure toulousain oblige, le cortège s’ébranle vers 14h30 aux cris de « Justice pour Bilal », « Vérité pour Bilal ». En tête, les banderoles « Vérité et Justice pour Bilal ! Tout le monde exige la vérité ! ». Et celle de la marche blanche du 1er février « Un Hommage, un Souvenir, une Marche pour Bilal Thibault ». Récemment converti à l’islam, il avait choisi de s’appeler Bilal. C’est sous ce prénom que tout le monde le connaissait dans le quartier La Faourette où il vivait avec sa famille. Son visage, aux yeux verts souriants, est porté à bout de bras.
« Il faut en finir avec l’injustice ! »
Les manifestant-es passent devant le centre culturel Henri-Desbals, côté gauche, le centre social de Bagatelle, côté droit. Trois jeunes copains sont venus de Tournefeuille : « C’est bien qu’il y ait du monde. Il faut en finir avec l’injustice, avec les bavures ! », s’exclame Bastien. Un slogan souvent scandé pendant la manifestation : « Pas de justice, pas de paix ». Ce sentiment d’injustice largement partagé par les populations des quartiers populaires toulousains et de l’Hexagone, Madiba en sait quelque chose : « Il y a beaucoup de colère. Je suis de la génération qui a connu l’affaire Pipo 1, les ratonnades, la maltraitance et les bavures policières, ça suffit ! ».
Le cortège passe le long de l’école Georges Hyon de Bagatelle -où l’État entend fermer des classes- et le stade de football. Sur le pont du Mirail, le ciel se pare des couleurs des fumigènes : rouge, vert, blanc, noir à l’image du drapeau palestien. « La police mutile, la police tue, on répond quoi ?2» : « Résistance ! » est repris en chœur. À hauteur du garage de pneus, la foule ralentit en clamant « Bilal défendait le peuple, le peuple défend Bilal ».
« Hier, Bilal aurait eu 35 ans »

Thibault, Bilal, 34 ans, très apprécié dans le quartier rendait service à ses voisin-es, sa perte laisse, désemparée, la petite Assia, 7 ans, qui a vu son papa la saluer devant son école le matin même du drame. Accompagné par son père et petit frère, Noé, 11 ans, réagit : « Il s’est fait tuer, c’est pas normal ! La police est censée assurer notre sécurité ». On voit aussi parmi l’assistance Hadrien Clouet, député NFP 31 et Odile Maurin, conseillère municipale de l’opposition.
« J’ai vécu deux ans à Bagatelle, témoigne Zakaria. Il ne faut pas que ce genre de choses arrive, les habitants ne méritent que du bien ». Le groupe de manifestant-es traversent le rond-point du Mirail. Devant l’immeuble du Petit Varèse à La Reynerie, des locataires tapent des mains depuis leur balcon. « Pour Bilal, on veut la vérité ! ». L’épouse Hanane prend la parole pour dire l’insupportable : « On n’a aucune nouvelle ni des vidéos ni du rapport d’autopsie. On ne demande que ça, ils n’ont aucun respect pour notre famille. Hier, Bilal aurait eu 35 ans ». On imagine la douleur et la souffrance infligées aux proches. « Des nuits sans sommeil, des questions sans réponse, une torture psychologique vécues par Hanane, Assia, la maman Madeleine » et Layla de marteler : « On est là aujourd’hui, on sera là demain, on sera là après-demain ». Tout le monde répond à pleine voix : « Justice pour Bilal, justice pour Assia, vérité pour Bilal !».
« Rien ne justifie la mort d’un homme »
Les manifestant-es arrivent sur la place Abbal de La Reynerie. En haut des marches, à l’horizon, s’érige l’immeuble Gluck que les institutions sont en train de détruire comme elles veulent démolir les bâtiments où se tient le rassemblement de fin de parcours. Pour Odile Maurin : « Rien ne justifie la mort d’un homme. Comment se fait-il que face à la demande de transparence de la famille et des soutiens, la seule réponse soit la plainte du maire ? ». En effet, le 3 avril, Jean-Luc Moudenc a porté plainte en diffamation contre le Comité d’entraide et de solidarité du Mirail. Comme à son habitude, il s’est exprimé sur X (ex-Twitter). Le premier magistrat de la Ville rose n’a apparemment pas apprécié la mise en cause du rôle de la police municipale 3 dans la mort de Bilal. Or, c’est bien le Comité Vérité et Justice pour Bilal qui avance cette position et non le CPES.
« On ne vit pas dans une démocratie quand on n’a pas le droit à la vérité. Il n »y aura jamais de justice dans un pays s’il n’y a pas la vérité. Nous exigeons les deux : la vérité et la justice », affirme Hadrien Clouet. Comme dans toutes les affaires mortelles, Nahel, Maïky, etc. impliquant des policiers, une enquête indépendante s’impose.
Piedad Belmonte
Photo 1 : Ils-elles sont des centaines à réclamer la vérité sur la mort de Bilal. Photo LE K.
Appel à témoins : si vous avez vu quelque chose, il est essentiel d’en informer la famille au 07 73 09 34 87.
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Notes:
- Habib Ould-Mohamed, qu’on appelait Pipo, avait dix-sept ans. Lycéen au Polyvalent du Mirail, il était abattu par un policier le 13 décembre 1998. Mis en examen pour homicide involontaire, le brigadier fut jugé, en 2001, par le tribunal correctionel de Toulouse. Il écopa de trois ans de prison avec sursis.
- « La police mutile, la police assassine ». « La police fait son travail, ça crève les yeux ». Ces slogans étaient repris par les Gilets jaunes dans toutes les manifestations brutalement reprimées jusqu’à mutiler de nombreux et nombreuses GJ.
- L’édile de Toulouse est le chef de la police municipale dans sa commune.