Festival de poésie. De méditerranée en méditerranée, la 22e édition de Voix Vives à Sète se tient jusqu’au 27 juillet 2019. Désirs et pensée en liberté se rencontrent durant 9 jours dans l’île singulière.

Voix Vives est une célébration accessible de la poésie méditerranéenne, comme une bourrasque d’oxygène portée par la grande bleue. Le festival ouvre de multiples sillages que l’on se promet de suivre loin où le ciel rejoint la mer. Neuf jours quasi continus de l’aube à la nuit d’étoiles, de bouches roses et noires qui arrosent et de mots qui touchent et font mouche.

Sète se voit consacrée ville escale des poètes. 80 artistes venus de toutes les rives de la Méditerranée, entourés de conteurs, musiciens, comédiens, chanteurs, se retrouvent à cet endroit. Si Voix Vives célèbre avant tout l’espace méditerranéen c’est dans une optique d’élargissement, de frontières repoussées en y associant les sphères d’influences terrestres, maritimes et parfois cosmiques… Des Balkans à l’Afrique en passant par les Caraïbes et l’Amérique latine, les poètes affluent de tous les horizons, pour porter témoignage des lieux secrets où la culture puissante de cette petite mer a laissé des traces.

« On ne travail pas autour d’un thème mais d’une identité, souligne la directrice du festival Maïté Vallès Bled. La poésie chemin de paix… Le mot n’est pas une arme. Un mot, c’est la parole et la parole, c’est l’écoute, c’est le partage. » Ce festival, gratuit, ouvert à tous, a 22 ans. Au cours de son odyssée, il a traversé quelques tempêtes, la dernière en date remonte à 2018 où il a dû faire face à une réduction budgétaire significative. Pour maintenir le cap, il fut question de biennale, ou encore de réduire la voilure des invités, mais sa directrice veille comme une vigie pour garantir l’esprit du festival et au final, grâce à quelques partenaires privés, à l’équipe et aux bénévoles aucun des paramètres fondamentaux n’ont été modifiés.

« Je crois que nous avons essayé de rendre les choses réalisables parce qu’on ne pouvait pas renoncer, confie Maïté Vallès Bled. On est dans le combat mais c’est une bataille pacifique. Nous n’avons pas de moment de doute ; de grande fatigue, oui parfois. Les acteurs culturels sont des jardiniers. Notre boulot c’est de semer des graines. On peut avoir plus ou moins de difficultés pour remuer la terre mais qui peut nous en empêcher, à moins de nous tuer… sic. Il devient de plus en plus difficile de réunir des moyens pour des actions culturelles qui sortent de la culture meanstream. Lorsqu’on mesure ce qui se passe pour la culture on peut imaginer ce qu’il en est pour la poésie considérée comme quelque chose qui ne sert à rien. Ceux qui prétendent cela, sont ceux qui n’ont jamais lu ».

Et peut-être ceux qui ne se sont jamais rendu au Voix Vives où l’on croisent les plus grands poètes contemporains du matin au soir durant toute la durée du festival. Si elle a un coût, cette notion de durée est importante. Avec la profusion de rencontres (80 rendez-vous quotidiens), c’est une des conditions que défend l’équipe du festival. « Que veut-on au bout du compte ? Nous voulons offrir les conditions nécessaires pour qu’un poète que vous croisez dans la rue puisse s’arrêter pour répondre à une de vos questions ou qu’il puisse échanger avec d’autres poètes durant le festival. Ce qui est impossible s’il doit reprendre son train ou son avion juste après une prestation millimétrée dans le temps ».

Les langues et les voix éphémères libérées dans la ville font état de la richesse des esprits et des arts qui se rencontrent. Elles dessinent un périmètre de tolérance dans les rues de Sète. Dans les quartiers où se concentrent l’essentiel des 650 rencontres poétiques et musicales, le festival est un facteur de tolérance. Entre les origines, entre les poètes et avec les autres, ceux pour qui hier encore, les cinq lettres du mot poème inspiraient des craintes ou imposaient une distance. Aujourd’hui les vertus de la poésie semblent opérer en ramenant le public à lui-même.

La fréquentation est ascendante depuis le début du festival. L’année dernière, alors que l’équipe s’attendait à une baisse liée au manque de moyen, la fréquentation à poursuivie sa courbe à la hausse avec 69 600 visiteurs comptabilisés, ce qui fait de Voix Vives l’un des deux festivals de poésie les plus fréquentés au monde. Cela démontre que lorsqu’on rend la poésie accessible à tous, en dehors des temples de la culture, le public répond.

Jean-Marie Dinh

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.