CINEMED 2022. Compétition Longs Métrages. Pour la France 1, de Rachid Hami.


 

Si Pour la France nous pose la question : « Comment enterrer un frère ? », elle pose aussi la question, sans y répondre, du pourquoi la haine se concentre, se cristallise sur l’un des membres de la famille, ici, l’autre frère, rendu responsable et coupable d’avoir « gâché la vie de famille ».

Qu’il s’agisse d’enterrer le frère de la famille, ou celui de la patrie, des deux bords, les témoins véridiques font défaut, ou sont sommés de se taire.

De ces deux bords qui se dédoublent, ne formant qu’une image — Algérie-France/Famille-Patrie —, le Père restera un faux-témoin — père-faux, chef d’orchestre de la jalousie et de l’humiliation.

Au regard sidéré de l’enfant, violenté par son père, répond en un miroir brisé le visage de l’enfant devenu adulte — les yeux, regard face caméra du comédien Karim Leklou —, sidéré du simulacre, mensonge à l’œuvre — haï par sa famille dans un mouvement, une spirale dont on perd la source au fil du déroulé du film, se demandant « au nom de quoi ? Pourquoi ? ».

Pour la France fait œuvre de dignité, et de mémoire ; trimbalant avec lui le non-dit familial — l’impossible à dire —, comme le non-dit patriotique — ce qui restera non reconnu et enterré. À l’ouverture du film, le père des deux frères jette ses enfants dans la mer d’Algérie, leur hurlant de nager — faux-père et faux-témoin. L’un des frères — adulte — engagé dans l’armée française, mourra noyé lors d’un rituel de bizutage.

« Dieu me pardonne », dit la mère après avoir exprimé sa satisfaction secrète : « Si ton père a ressenti de la souffrance à la mort de ton frère, alors je suis heureuse…/ Mais que Dieu me pardonne ».

Violence du père à l’origine.

Vengeance de la mère en miroir, au cœur du deuil du frère.

Rien n’aura été pardonné à l’autre frère, qui enfant, s’oppose à son père qui veut kidnapper ses fils, les retirer à la mère, pour les garder avec lui en Terre d’Algérie.

La mère, les prendra avec elle jusqu’à la France.

À la pierre jetée par l’autre frère au visage de son père dans le moment de cette tentative d’enlèvement répond dans le miroir brisé des années passées le coup de poing du frère, qui le frappant lui hurle : « Tu es un raté ».

Quelle humiliation la patrie inflige-t-elle à ses “enfants” ?

Pour la France morts noyés.

Et quelle vengeance Père & Mère organisent, orchestrent au nom de leurs enfants ? Pour infliger à l’un qu’il aurait dû se taire et disparaître, et mourir à la place de l’autre ?

« Suis-je le gardien de mon frère ? » répondit Caïn.

Abel — comme Aïssa le fils frère mort du film — était de Dieu le préféré.

La jalousie première, venait de Dieu le père. Ou de Dieu la patrie. In memoriam. Dont acte.

 

David Léon

David Léon est écrivain, son théâtre est publié aux Editions Espaces 34

Notes:

  1. Pour la France, réalisé par Rachid Hami, France, 2022, 1h53.
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