Partout en France les fermetures administratives les jours de grève et le passage des cours en distanciel sont autant d’atteintes au droit des étudiants et enseignants de se mobiliser, dénonce un collectif d’universitaires et d’élus syndicaux.


 

Tribune par un collectif d’universitaires et d’élu.e.s

publiée le 9 mars dans Libération

 

Depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites, le gouvernement s’acharne à étouffer l’activité de la jeunesse dans le mouvement. Après l’évacuation d’une assemblée générale à Strasbourg par les CRS, l’envoi de la police pour dégager l’occupation de Rennes-II, de Lille-II et de la fac Segalen à Brest, avec la permission des présidences d’université, le 16 février, 25 étudiant·e·s et lycéen·ne·s ont fini en garde à vue pour avoir participé à une manifestation.

Les présidences d’université sont également complices de cette répression par la fermeture de plus en plus systématique des centres universitaires les jours de mobilisation. Le 16 février, les facs de Rennes-II, Nantes et Tolbiac (Paris-I) ont été évacuées et fermées administrativement sous prétexte d’un risque de blocage.

Le 23 février, alors qu’une manifestation étudiante et lycéenne était organisée dans le XIIIe arrondissement de Paris, le centre Pierre-Mendès-France de Paris-I a à nouveau été fermé, et avec lui d’autres campus de Paris-I comme le bâtiment de la Sorbonne.

À Montpellier, la direction de l’université Paul-Valéry a fermé les portes de tous ses sites le 7 mars. Le 6 mars, la direction de Paris-I a fermé le centre de Tolbiac et basculé les cours en distanciel toute la semaine. Alors que le gouvernement a peur que la jeunesse rentre plus fortement dans la bataille, ces fermetures administratives constituent des atteintes au droit de se mobiliser à l’université et ont pour objectif de freiner la participation étudiante au mouvement en cours.

Ces fermetures s’accompagnent la plupart du temps du maintien des cours les jours de mobilisation, sans consultation des conseils centraux et par décision unilatérale des présidences. Les directions universitaires utilisent l’expérience de la pandémie de Covid-19 pour passer les cours en distanciel.

Cette utilisation est un moyen de mettre au pas les étudiant·e·s, en renforçant leur isolement et en accentuant les mécanismes de tri social, dans la continuité de l’aggravation de la sélection à l’université ces dernières années. Pour les professeurs et personnels, il s’agit également d’une remise en cause de leur droit de grève et d’une attaque de leurs conditions de travail, déjà largement dégradées par les baisses de moyens alloués à l’enseignement supérieur ces dernières années.

Après deux ans de Covid et de fermeture des universités, ces passages à distance à répétition sont à l’image du projet de Macron pour l’université, où l’enseignement est avant tout conditionné par les intérêts du patronat et dépourvu de toute dimension critique et émancipatrice.

Face au risque de fermeture des centres universitaires les jours de grève, nous revendiquons le maintien ouvert de nos lieux d’étude et de travail le 9 mars et les jours suivants, pour qu’ils puissent être le lieu où se développe et s’organise la mobilisation contre la réforme des retraites. Par ailleurs, pour permettre à chacun de prendre part au mouvement et exercer ses droits de grève et de manifester, nous demandons la banalisation des cours toute cette semaine et pour chaque jour de mobilisation, ainsi que la fin des politiques d’assiduité qui ciblent en premier lieu les étudiant·e·s les plus précaires.

Parmi les signataires :

Jean-Marc Baud, Ater littérature, université Sorbonne-Paris-Nord, Lise Bourdeau-Lepage, géographie, professeur à l’université Jean-Moulin Lyon-III, François Cusset, maître de conférences à l’université Paris-Nanterre, Lorélia Fréjo, élue CFVU à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, militante le Poing levé, Leila Frouillou, sociologie, maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre, Franck Gaudichaud, professeur des universités à l’université Toulouse Jean-Jaurès, Charlotte Girard, droit public, maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre, Hervé Guyon, psychologie statistique, maître de conférences à l’université de Bretagne occidentale, Chantal Jaquet, philosophie, professeure à l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Aurore Koechlin, sociologie, maîtresse de conférences à Paris-I, Frédéric Lordon, philosophie, directeur de recherche au CNRS, Chowra Makaremi, chargée de recherche CNRS, Gilles Martinet, géographie, Ater à l’Upec, Thomas Piketty, économie, directeur d’études à l’EHESS, Dominique Pinsolle, historien, maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne, Matthieu Renault, philosophie, maître de conférences à l’université Paris-VIII, Patrick Taïeb, professeur des universités, Montpellier-III, Maude Vadot, sciences du langage, maîtresse de conférences à l’université Savoie-Mont-Blanc.

Retrouvez ici la liste complète des signataires.

 

Photo. Archive Une AG des étudiants de la faculté Saint-Charles à Marseille