Un « oui » sous conditions. Dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6 mai, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire pour faire face à la crise du coronavirus… mais il a apporté « des garanties essentielles » en vue du déconfinement, notamment sur le suivi des malades du coronavirus et la responsabilité des maires.


 

Après avoir posé ses conditions lundi, le Sénat a adopté Mardi 5 mai 2020, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions par 240 voix pour et 25 voix contre.

Première lecture au Sénat (4 et 5 mai 2020)

Au cours de sa séance du mardi 5 mai 2020, le Sénat a adopté, par 240 voix pour et  25 voix contre, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

Lundi 4 mai 2020, le Sénat a entamé l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

En séance publique, les sénateurs ont adopté des amendements tendant à :

  • empêcher que les victimes de violences familiales puissent être mises en quarantaine, placées et maintenues en isolement dans le même domicile que l’auteur des violences (amt 98 – art. 2)

Objet. Il n’est plus nécessaire de faire la démonstration du caractère massif des violences faites aux femmes. Nous savons également que le confinement est un facteur de surexposition des femmes aux violences sexuelles et sexistes : 10 jours après le début du confinement, le ministre de l’Intérieur a indiqué une hausse très significative des violences intrafamiliales, de 32 % dans les zones gendarmerie, et de 36 % pour la préfecture de police de Paris. Le nombre d’appels aux numéros d’écoute spécialisée a également explosé.

  • autoriser l’accès aux plages et aux forêts pour la pratique sportive (amt 175 – art. add. après art. 5) ;
  • conditionner la mise en œuvre du système d’information de données de santé à un avis public et conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) (amts 99 et 176 rect – art. 6).

L’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ne saurait être consultatif compte tenu des enjeux sur l’usage de données personnelles de santé telle qu’elles sont envisagées par la mise en œuvre du système d’information. Cet amendement prévoit que le décret en Conseil d’Etat mettant en oeuvre le système d’information prévu à l’article 6 du projet de loi devra recueillir l’avis conforme de la CNIL.


 

Sur le rapport au fond de Philippe BAS et le rapport pour avis d’Alain MILON au nom de la commission des affaires sociales, la commission des lois a adopté des amendements tendant à :

  • anticiper la fin de l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet, et non au 23 juillet comme dans le texte initial (COM 159 – art. 1er) ;

Eclairage. Le Sénat a voté la date du 10 juillet pour le terme de la prolongation de l’état d’urgence, alors que le texte du gouvernement indiquait le 24 juillet. « Ca ne fait pas une grande différence », selon le chef de file des députés LREM Gilles Le Gendre, qui « ne pense pas que ce soit la dernière fois qu’on ait à prolonger l’état d’urgence ».

  • apporter aux maires et aux autres élus locaux, ainsi qu’aux employeurs publics et privés, la garantie que leur responsabilité pénale ne pourra être engagée au titre des mesures prises dans le cadre de la sortie du confinement, notamment pour la réouverture des écoles, à moins qu’ils n’aient violé délibérément une obligation particulière de prudence ou de sécurité (COM 51 – art. 1er) ;
  • revenir dès le 24 mai aux règles de droit commun concernant l’allongement de la durée de la détention provisoire (COM 55 – art. 1er) ;
  • aménager le régime de responsabilité pénale des employeurs, élus locaux et fonctionnaires qui seront amenés à prendre des mesures destinées à permettre un retour à la vie économique et sociale (COM 51 – art. 1er) ;
  • obliger les entreprises de transport ferroviaire, aérien et maritime, à transmettre les données de réservation correspondant aux passagers susceptibles de faire l’objet d’une mesure de quarantaine ou d’isolement à leur arrivée, afin de faciliter la mise en œuvre pratique de ces mesures et de garantir aux personnes concernées une parfaite information avant leur déplacement (COM 161 – art. 2) ;
  • renforcer les garanties apportées, en matière de droit du travail, aux personnes visées par des mesures de quarantaine (COM 170 – art. add. après art. 3) ;
  • encadrer le système d’information de données de santé prévu par le projet de loi, en limitant plus strictement dans le temps la dérogation accordée au secret médical (COM 114 – art. 6), en sécurisant le périmètre des données de santé concernées (COM 171- art. 6), en garantissant l’information des personnes dont les données sont entrées dans le système à l’initiative de tiers et en préservant une possibilité d’opposition au traitement de ces données (COM 118 – art. 6) ;
  • élargir aux établissements sociaux et médico-sociaux, aux équipes de soins primaires et aux services de soin au travail l’accès à ce système d’information (COM 173 – art. 6) ;
  • exclure explicitement la possibilité pour la nouvelle loi de servir de base juridique au déploiement de l’application StopCovid (COM 119 – art. 6) ;
  • instaurer un Comité de contrôle et de liaison Covid-19 chargé d’associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet (COM 122 – art. 6).

Le texte va maintenant être examiné à l’Assemblée nationale, mercredi en commission, puis jeudi dans l’hémicycle, en vue d’une adoption définitive avant la fin de semaine, dans une course contre la montre avant le déconfinement lundi prochain. Les sénateurs notamment socialistes, inquiets pour les libertés publiques, ont annoncé une saisine du Conseil constitutionnel.

Le texte de la commission
Le rapport de Philippe BAS, fait au nom de la commission des lois

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