Victoire!  c’est le cri de joie, poussé par le collectif contre les violences d’extrême-droite qui se réjouit de la fraîche dissolution de Bastion Social qui est parmi les groupuscules violents, sévissant dans la région Paca depuis plusieurs années.

Héritier du Groupement Unité Défense (GUD), Bastion social a été officiellement créé à Lyon en 2017 avant d’essaimer rapidement à Aix-en-Provence et à Marseille où la préfecture des Bouches-du-Rhône avait interdit, l’inauguration d’un local. Jouant sur l’impensable disparition des peuples européens, martelant la thèse du  » grand remplacement « , la mouvance antisémite et raciste va jusqu’à se travestir pour manipuler les masses populaires, en avançant des actions de lutte contre le «capitalisme ultra-libéral » incarné par Emmanuel Macron.

Nombreuses condamnations dont Steven Bissuel

En janvier 2015, l’ex-leader du Bastion social lançait un énième pamphlet antisémite, relayé par le GUD Lyon sur twitter et Facebook, alors que le pays commémorait le 70e anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz. Baignant dans un total négationnisme, Steven Bissuel diffuse un « Joyeux anniversaire Auschwitz. 70 ans de business ça commence à faire », avant d’être condamné en août 2018 pour incitation à la haine raciale, suite à un ultime dessin « Shoasis » apposé sur une étiquette de bouteille oasis.

Une perquisition à son domicile avait permis de recueillir les preuves irréfutables de son activisme mortifère : cartes postales à l’effigie d’Adolf Hitler, de la Wehrmacht, textes réécrivant en la niant l’histoire d’Oradour-sur-Glane en Haute Vienne (suite au massacre du 10 juin 1944), propagande nazie du journaliste Léon Degrelle ou encore Ave Europa, un chant à la gloire de la Panzerdivision connue pour sa brutalité, ses nombreuses violences et les crimes de guerre commis sur le Front de l’est de la France pendant l’occupation.

Après de multiples recours, l’ex-leader de Bastion Social, démis de ses fonctions, a écopé finalement le 29 mars 2019, d’une peine de six mois de prison avec sursis et d’une mise à l’épreuve de deux ans couplée du versement de 1500 euros à la Licra pour frais de justice.

Parallèlement, deux autres membres de la section de Marseille, ont été emprisonnés durant six mois pour avoir roué de coups un gendarme et un de ses amis guadeloupéen, alors qu’ils étaient interpellés pour affichage nocturne dans le 5ème arrondissement.

Un peu plus loin à Lyon, un hooligan ami du Bastion Social, impliqué dans le passage à tabac d’un policier à proximité d’un match à Decines (vers Lyon), écopait lui, de 18 mois de prison.

Plus localement à Marseille, le Bastion Social continuait d’oeuvrer profitant du mouvement des Gilets Jaunes pour semer sa graine. Organisant le 26 janvier dernier une rencontre relayée sur facebook avec les GJ, il recevait dans la foulée, le soutien d’Yvan Benedetti, figure emblématique de l’ultra-droite, éjecté du Front national pour s’être qualifié « d’antisioniste, antisémite et antijuif  » et en quête d’un retour de scène médiatique. Condamné en 2018 pour avoir « bravé » la dissolution proclamée par le premier ministre Manuel Valls en 2013, ce virulent militant extrémiste dirige toujours la formation d’inspiration pétainiste « L’Œuvre française ».

Les autres branches extrémistes

Parmi ceux qui continuent d’oeuvrer, Blood and Honour (sang et honneur en référence à la devise hitlérienne), la branche Hexagone ou encore Combat 18 (deux chiffres qui correspondent aux 1ère et 8ème lettres de l’alphabet, A et H (Adolf Hitler). Ils forment, selon Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite : « des groupes d’une poignée de copains qui vivent dans le fantasme de la clandestinité, à la marge de la marge ». Une sorte de nébuleuse provenant d’un réseau anglo-saxon adepte de musique néonazie, créé en 1987. Quant à Hexagone, qui célèbre l’anniversaire d’Adolf Hitler depuis 2011, le groupuscule est dirigé par le Marseillais Loïc Delboy, arrêté en 2016 avec dix autres militants. En liberté aujourd’hui, mais placés sous contrôle judiciaire depuis, ils étaient en possession d’armes d’épaule, de revolvers, gilets pare-balles et de plusieurs objets ou drapeaux nazis.

La liste des exactions des activistes d’extrême-droite est longue ici et là.

A Aix-en-Provence, et pour ne citer que les dates les plus récentes, rappelons le 30 janvier 2016, date anniversaire de l’accession d’Hitler à la chancellerie d’Allemagne qui avait vu défiler un bastion aixois dans les rues du centre-ville, accord préfectoral à l’appui. Une marche lancée par Jérémy Piano (candidat FN aux dernières élections départementales), était encadrée ce soir-là par la police municipale dans un contexte pourtant d’état d’urgence en 2016.

Un fait qui s’est additionné à une liste d’agressions en recrudescence dans la cité du Roy René par les même groupuscules ou leurs semblables type « Action française ». En effet, en l’espace de quelques mois les exactions avaient alors proliféré : tentative d’incendie de local du PCF à Aix, agressions physiques sur des jeunes militants communistes, perturbation de rassemblement des militants des droits de l’Homme (Cercle de silence), irruption dans une conférence progressiste à Sciences-Po Aix, menaces de mort sur l’ex-député socialiste Jean-David Ciot ou encore de nombreux coups portés à son ex-attaché parlementaire, au directeur du Théâtre d’Aix, sur des citoyens lambda, etc.

En tout, plus d’une dizaine de plaintes déposées au commissariat d’Aix en un an demeurées jusque là, sans suite malgré les expertises médicales, les ITT (incapacités temporaires de travail) subies par les victimes, les films et témoins prouvant l’agression des responsables démasqués et ce, sans parler des distributions de tracts incitant à la haine en toute impunité, chaque samedi matin sur la place du marché.

Un climat délétère semé par ces négationnistes, de Génération identitaire à l’Action Française qui se targuaient sur les réseaux sociaux, de participer à des manifestations fascisantes en Allemagne notamment.
Pour le collectif contre les Violences d’Extrême-Droite qui se réjouit de l’annonce de dissolution du bastion social :  » Cette dissolution est une belle victoire que nous avons obtenue par notre vigilance permanente. Après avoir subi à plusieurs reprises des exactions des membres de cette officine factieuse, après avoir dénoncé de manières répétées les violences de ses membres à Aix, d’ailleurs souvent condamnées par la justice, après avoir manifesté et informé fréquemment les aixois sur les dangers de l’idéologie et des actes des membres de ce groupuscule, après avoir interpellé depuis des mois les pouvoirs publics et les autorités judiciaires sur les dangers de cette organisation, nous nous réjouissons que soit enfin annoncée la dissolution de ce rassemblement fascisant « . Et d’ajouter :  » Au moment où l’on apprend que l’auteur des attentats de Christchurch (ayant fait 50 victimes dans une mosquée Néo-zélandaise), était venu se former en France dans les mouvances théorisant le «Grand remplacement  » et qu’il avait financé des actions de Génération Identitaire, nous constatons encore les connexions entre les diverses mouvances de l’extrême droite ».
Le collectif ne baisse pas en vigilance pour autant et continue d’organiser la mobilisation contre les avatars de cette organisation qui était elle-même un avatar de l’Action Française à Aix comme à Marseille, rappelant que les deux villes  » sont une terre d’accueil et de solidarité pas un terrain de jeu pour les propagateurs de haine et d’intolérance « .


 HB (LM)

Les Droites extrêmes en Europe (avec Jean-Yves Camus), Paris, Le Seuil, 2015

H.B
Journaliste de terrain, formée en linguiste, j'ai également étudié l'analyse du travail et l'économie sociale et solidaire. J'ai collaboré à différentes rédactions, recherches universitaires et travaillé dans divers domaines dont l'enseignement FLE. Ces multiples chemins ailleurs et ici, me donnent le goût de l'observation et me font aimer le monde, le langage des fleurs et ces mots d'André Chedid : «Cet apprentissage, cette humanité à laquelle on croit toujours».