Le Canaules est un bar restaurant situé à Canaules-et-Argentières, dans le Gard, entre Villesèque et Lédignan. Il a ouvert au mois de mai 2022, sous la houlette de ses patrons, Just & Olive (Justine Prat et Olivier Correard). Mais il a une originalité. En effet, cette commune avait vu disparaître son dernier commerce, une boulangerie, il y a plus de douze ans et c’est à l’initiative de la municipalité, souscrivant à l’offre de l’association 1000 cafés1, que ce nouveau lieu a pu ouvrir.


 

Trois questions sur le zinc

 

Justine Prat, êtes-vous originaires de Canaules ?

Pas du tout, nous arrivons de Grenoble, mais nous avions déjà pris la décision de nous installer par ici pour des raisons familiales. Nous avons cherché sur Internet et nous sommes tombés sur l’offre de l’association 1000 cafés et nous avons postulé. Je suis cuisinière de métier et mon mari est serveur professionnel. Notre profil correspondait parfaitement, nous avons été choisis par l’équipe de sélection.

 

Êtes-vous aidés par la municipalité et l’association 1000 cafés ?

Oui, par la municipalité car nous en sommes les locataires et nous bénéficions d’accès à la place et de prêt de matériel (tables, chaises) pour organiser nos concerts d’été. Tout le village nous aide également par le soutien qu’il nous porte. Nous sommes aussi bien accompagnés par l’association 1000 cafés, qui nous fait bénéficier ainsi d’une aide technique appréciable et de tarifs préférentiels auprès de divers fournisseurs, des assureurs aux distributeurs de boisson.

 

Vous êtes-vous diversifiés ?

Nous avons créé un point multiservices : petite épicerie, boulangerie, relais colis mais aussi diverses choses locales sur commande : paniers de légumes, œufs de Cardet (commune à 8 km), pain bio réalisé avec du blé de Canaules, etc. Au final, notre restaurant bar a vraiment bien démarré, les clients sont satisfaits et reviennent, nous sommes parfois complets (il vaut mieux réserver). Nous sommes à la recherche de petits groupes de musiciens qui voudraient venir jouer ici (rémunération au chapeau).

 

 


 

L’artiste du jour : Josèf Karôm

 

Josèf Karôm « je suis contagieux »

Josèf Karôm, notre artiste du jour, est né en 1970, tout près de Bourges. Jusqu’en troisième, il connaît une scolarité difficile, nous explique-t-il. Il est en effet atteint d’une grave maladie, le bégaiement, qui le handicape lourdement mais dont il triomphe au bout de plusieurs années de lutte, aidé en cela par une orthophoniste. Le voilà parti à Paris, où il fait des petits boulots, tout ce qu’il trouve. C’est alors qu’il rencontre le livre et la lecture. Il dévore tout ce qui lui tombe sous la main et s’engage comme veilleur de nuit, pour pouvoir passer tout son temps de travail à lire, lire, lire… Six ans plus tard, il nous arrive à Montpellier. Il a trouvé sa première voie : bouquiniste.

Josèf Karôm : « J’avais repéré qu’on pouvait vendre des bouquins place Jean Jaurès. C’est là que je me suis installé. Mais ce n’était pas trop légal, même si je n’étais pas le seul à le faire, au bout de quelques temps, cela n’a plus été possible. » C’est alors que commence la belle histoire : « J’ai trouvé un vieux bouquin d’obstétrique du XIXe siècle, dans une poubelle. Il était magnifique, mais il y manquait des pages, donc il n’avait aucune valeur. Alors, j’ai commencé à le découper, j’ai trouvé un vieux cadre, des planches, j’ai collé tout ça. » Et c’est ainsi que débute toute l’histoire. Au bout de quelques temps, il passe du collage à plat au relief. Josèf travaillait confidentiellement, dans son petit appartement et y cachait toutes ses œuvres, jusqu’au jour où il en avait tellement que ce n’était plus possible. « Un copain m’a dit d’organiser un vernissage, mais je ne savais pas ce qui se cachait derrière ce mot. S’il fallait du vernis, je n’en avais pas. Je ne connaissais rien à l’art ni à ses rites. On m’a conseillé d’aller voir, par exemple les collages de Jacques Prévert, mais je n’y suis pas allé. Je m’en fiche de savoir si d’autres ont déjà fait comme moi ou autrement. J’ai besoin de faire, tous les jours, c’est tout. »

C’est à partir de récupération que Josèf construit ses œuvres : « J’ai l’œil. Si on se promène à deux dans une rue, je vois des choses jetées que l’autre ne remarque pas. Mais je suis contagieux : les gens qui viennent à mes expos me ramènent parfois après des trucs qu’ils ont chez eux. Et c’est très rare que je ne m’en serve pas. Ils ont l’œil, eux aussi… » Ce qui pourrait arriver de pire à Josèf Karôm, c’est « de se lever et de ne pas avoir d’idées ». Mais il ne risque rien car il a mis en place une stratégie qui lui permet d’auto-alimenter sa muse. En effet, tout repose sur une collection impressionnante d’objets, statues, cadres, photos, journaux, livres, et d’un carnet, un agenda de 1947. Sur cet agenda, Josèf inscrit des jeux de mots qui lui viennent spontanément à l’esprit, comme « Cristobal musette, Hercule Poivrot, Fred Hamster, cubi or not cubi, la poubelle et la bête ou encore Richard Kutrie ». Ces traits d’humour, associés aux objets qu’il a sous les yeux, donnent naissance à une œuvre et seront inscrits dessus. Mais parfois, c’est l’œuvre elle-même qui surgit d’abord, sans aucun écrit préalable. Puis, tout va très vite. Colle à bois, carton, tôles fines de récupération, fil de fer. Jamais de soudure : « Les machines me font peur », nous confie-t-il.

Josèf Karôm, curieux nom, d’où vient-il ? « En fait je jouais beaucoup, avec des amis, au carrom, un jeu de table népalais, et j’y étais très bon. On y jouait à Figuerolles (j’habitais près du faubourg du Courreau), et il y a une Maison Pour Tous qui porte le nom de Joseph Ricôme, un ancien personnage du quartier. Alors, un jour, un copain m’a surnommé Joseph Carrom par analogie avec Joseph Ricôme. C’est longtemps après, en 1998, que je m’en suis souvenu et que je m’en suis servi pour écrire mon nom d’artiste ». Depuis quatre ans, Josèf réside à Canaules, rue du Presbytère ; un nom qui va très bien avec ses œuvres.

Jusqu’au 28 janvier, vous pourrez aller vous rendre compte, au bar Le Canaules, de l’originalité du travail proposé : collages, ferrouilles, bondieuseries et compagnies, selon les mots de l’auteur, vous attendent au 6 rue de la Poste…

Thierry Arcaix

 

Contacts : Josèph Karôm : Atelier Lard Saint Gulier, 50, rue du Presbytère, 30350 Canaules et Argentières. Tel. 04 66 77 33 68. Courriel : josoph@orange.fr

 Le Canaules horaires d’ouverture les mardis et mercredis de 9 h à 15h, puis les jeudis, vendredis et samedi aussi le soir, à partir de 18h. De début juin à fin septembre,  ouverts midi et soir du mardi au samedi.

1 Consulter le site : https://www.1000cafes.org/

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Thierry Arcaix a d’abord été instituteur. Titulaire d’une maîtrise en sciences et techniques du patrimoine et d’un master 2 en sciences de l’information et de la communication, il est maintenant docteur en sociologie après avoir soutenu en 2012 une thèse portant sur le quartier de Figuerolles à Montpellier. Depuis 2005, il signe une chronique hebdomadaire consacrée au patrimoine dans le quotidien La Marseillaise et depuis 2020, il est aussi correspondant Midi Libre à Claret. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages dans des genres très divers (histoire, sociologie, policier, conte pour enfants) et anime des conférences consacrées à l’histoire locale et à la sociologie.