La CGT Tisséo des personnels des Transports urbains toulousains et la FNCR lancent un préavis de grève pour s’opposer à la sous-traitance. Ces deux syndicats appellent à la mobilisation du 4 au 8 octobre.


 

Ce jeudi, lors des rencontres nationales du transport public1 qui se déroulent du 28 au 30 septembre dans la Ville rose, les cégétistes entendent interpeller les pouvoirs publics et les patrons des transports urbains sur l’avenir du service public.

Les militants cégétistes de Tisséo2 sont inquiets devant les restructurations de nombreuses lignes de bus. Ils craignent à terme la privatisation d’une partie du réseau. C’est en Comité social et économique, ex-Comité d’entreprise, du 3 septembre dernier, que la direction a annoncé ses projets de réorganisation pour 2022, 2024 et 2028.

Tout commence en 2016 avec les lignes 82-35-51-55 et 49 qui sont sous-traitées à Alcys et Transdev. « Il n’a y pas eu de licenciements mais les départs à la retraite n’ont pas été renouvelés entraînant la perte de 100 conducteurs », souligne Guy Daydé, compagnon-conducteur3, secrétaire-adjoint de la CGT Tisséo. Les services techniques sont immédiatement impactés avec la réduction des postes de mécaniciens qui interviennent dans la maintenance du matériel roulant. « Dix conducteurs en moins, c’est dix ouvriers professionnels manquants », avance Stéphane Chapuis, également compagnon-conducteur et secrétaire général de la CGT Tisséo.

Le morcellement se fait étape par étape avec régularité depuis les cinq dernières années. Avec, notamment, une partie des vérificateurs (contrôleurs) passés de Tisséo à la Scat4, une société de sécurité privée lyonnaise, puis la sous-traitance du Noctambus et celle de la navette électrique du centre-ville à la société Transdev5 Occitanie Ouest, en passant par la gestion à Effia de tous les parkings dans les pôles d’échanges multimodaux. Selon les deux syndicalistes, les nouveaux entrants chez Tisséo, qui ont quitté des sociétés de transports privés, témoignent de leur désir de bénéficier des conditions sociales et de meilleurs salaires qu’offre la régie publique.

 

« J’en pouvais plus chez Transdev »

 

Après une expérience d’un an chez Transdev alors qu’il aspirait à rentrer chez Tisséo, Jean-Luc a dû retourner à son ancien travail dans le bâtiment comme conducteur de travaux. « J’en pouvais plus avec des journées coupées 6h-9h30 et 16h30-21h sans primes de panier et des déplacements, deux fois dans la journée aller-retour, avec ma propre voiture. Plus un salaire misérable de 11 euros brut de l’heure, soit à peine 1 300 euros net ». À l’époque, il aurait préféré conduire un bus chez Tisséo parce que la journée est continue et que le salaire de départ se situe autour de 2 000 euros brut. Il dénonce le fait que Tisséo sou-traite au privé des lignes subventionnées par l’argent public des collectivités pour faire des bénéfices sur le dos des conducteurs comme cela s’est passé dans le Muretain (agglomération de Muret près de Toulouse). « Comment cela est-il possible ? », s’interroge l’ancien conducteur de bus. La réponse est à voir du côté des élu.e.s.

Pour la CGT, le calcul est simple, le passage à la sous-traitance en 2022 représente environ 2 400 000 validations par an (titres de transports validés), 4 millions de recettes par an, 40 conducteurs, 42 services et 20 bus, soit des économies encore des économies toujours des économies sur la masse salariale et les emplois. Le but étant, selon les représentants syndicaux, de financer la 3e ligne de métro6 en 2028 qui a un coût exorbitant : près de 2,7 milliard d’euros alors que « Tisséo Collectivités7 a un surendettement de 4 milliards d’euros », relève Guy Daydé. « En voulant sous-traiter huit lignes, c’est de l’argent qui rentre dans les caisses pour éponger une partie de la dette », explique le responsable syndical.

 

À long terme, le danger d’une privatisation

 

Les lignes 26-53-60-69-80-152, etc… pourraient être sous-traitées si la riposte des salarié.es ne suivait pas dès 2022, alerte le journal Bus n° 287 que publient les cégétistes. La deuxième salve de la sous-traitance arrive en 2024 avec la création des Linéo8 qui supprimerait la ligne 36, impacterait les bus 23-37 et la prolongation de la ligne B du métro (Ramonville-Borderouge) aurait des conséquences sur la ligne 79. Les lignes 40, 41 et 42 seraient les premières à être dans le collimateur de la sous-traitance.

 

 

Enfin la troisième salve en 2028 correspond à la mise en place de la 3e ligne de métro. « Cette future restructuration est synonyme de privatisation partielle », d’après la CGT. Il s’agit de sous-traiter la quasi totalité des lignes périphériques, Tisséo conservant les Linéo, quelques lignes inter-urbaines, le métro, le tramway et le téléphérique. « Si on laisse faire maintenant, on craint en 2028, suite à la mise en place de la 3e ligne, la fin du contrat de service public et donc la privatisation totale de l’entreprise », formule Guy Daydé. Ce qui signifie, toujours selon lui, « l’aggravation des conditions de travail, la réduction des effectifs et des rémunérations tout en augmentant la productivité ». Traduction concrète : « Plus de kilomètres à parcourir, moins de pauses = moins de temps de battement. Un bus rentable, c’est un bus qui fait plus de kilomètres. » Il donne l’exemple de la ligne 25 sous-traitrée à Negoti où les conducteurs travaillent 9h par jour pour à peine le SMIC alors que les collègues de Tisséo sont à 35h, soit 7h par jour, 7h40 maximum.

 

La sous-traitance nuit à la sécurité

 

Quelles conséquences pour les usagers ? « Comme les bus roulent beaucoup plus vite, se posent des problèmes de sécurité, idem au niveau de l’entretien et la ponctualité n’est pas respectée », résume-t-il. Se profile donc : « un service public à deux vitesses. Toulouse avec ses trois lignes de métro, son tram et son téléphérique, plus quelques lignes intramuros et au-delà du périphérique, Moudenc avec ses 4 milliards à rembourser dira aux maires des communes environnantes Débrouillez-vous !”. Résultat : Les usagers continueront de prendre la voiture ». Il y a un an, l’agence commerciale de Balma-Gramont (terminus de la ligne A du métro) a fermé alors que cette station est un pôle d’échange multimodal à fort taux de fréquentation. La baisse de fréquentation, liée à la pandémie, a bon dos pour justifier une politique de rentabilité par la direction.

Pour réussir la mobilisation, les syndicalistes informent leurs collègues au moyen de tracts. Toutes les occasions sont bonnes pour les sensibiliser à la sauvegarde de leur outil de travail par le refus de la sous-traitance qui risque de se transformer à plus longue échéance en privatisation.

Piedad Belmonte

 

Photos d’archive. Action pour les salaires dans le cadre des négociations annuelles obligatoires.

Notes:

  1. Les rencontres nationales du transport public se tiennent au MEETT avec l’UTP (Union des transports publics et ferroviaires), le GART (Groupement des autorités responsables de transport), Transdev : groupe français multinational de transport, Kéolis : société privée franco-québécoise de transport de voyageurs, Tisséo Collectivités : autorité organisatrice des mobilités de la grande agglomération toulousaine et les dirigeants de Tisséo.
  2. Tisséo est un Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).
  3. Les compagnons-conducteurs sont chargés auprès des nouveaux conducteurs et nouvelles conductrices des reconnaissances de lignes.
  4. Service contrôle analyse du transport. Cette société privée intervenant dans l’agglomération lyonnaise avait fait l’objet, en 2017, de critiques par rapport au comportement musclé de certains de ses agents sur un supposé fraudeur.
  5. Venu de Véolia qui a fusionné avec Transdev, l’actuel directeur général de la régie Tisséo est Thierry Wischnewski. Il est arrivé à la tête des transports publics toulousains suite à l’éviction par la droite municipale de l’ancien directeur, Olivier Poitrenaud (2011-2015). Ce dernier n’était pas partisan de la sous-traitance. Il avait été recruté par Pierre Cohen, ex-maire PS de Toulouse (2008-2014).
  6. Le projet de 3ème ligne de métro est très controversé. Plusieurs recours ont été déposés contre lui. Jugé inutile par ses opposant-e-s qui argumentent qu’il ne désengorgera pas les routes et que son tracé n’est pas judicieux.
  7. Le syndicat mixte des transports en commun constitue l’autorité organisatrice des mobilités de la grande agglomération toulousaine.
  8. Les Linéo représentent la vitrine de la Ville rose. Ce sont des lignes de bus bénéficiant d’un haut niveau de service. Ils sont plus confortables, lumineux et accessibles, ont plus de fréquences et d’amplitudes horaires.
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Passée par L'Huma, et à la Marseillaise, j'ai appris le métier de journaliste dans la pratique du terrain, au contact des gens et des “anciens” journalistes. Issue d'une famille immigrée et ouvrière, habitante d'un quartier populaire de Toulouse, j'ai su dès 18 ans que je voulais donner la parole aux sans, écrire sur la réalité de nos vies, sur la réalité du monde, les injustices et les solidarités. Le Parler juste, le Dire honnête sont mon chemin