Le Conseil d’État saisi par les syndicats juge que les conditions ne sont pas réunies pour appliquer la nouvelle règle de calcul pour l’ouverture des droits au chômage. La mesure qui devait débuter dès juillet prochain a été suspendue par la juge des référés. Grâce aux reports multiples, les syndicats gagnent du temps et espèrent un abandon de cette réforme qui reste un enjeu majeur des présidentielles de 2022.


 

Plusieurs syndicats dont la CFDT, la CGT, FO, l’UNSA, la FSU, la CFE-CGC et l’Union syndicale solidaire ont saisi le Conseil d’État pour contester la réforme chômage, dénoncée comme illégale et  injuste envers les plus précaires. Notamment, le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SRJ), mesure phare de la réforme, toucherait environ 1.15 million de personnes, et entraînerait une baisse importante de l’allocation, jusqu’à plusieurs centaines d’euros par mois, selon une étude de l’Unedic.

Le combat contre la dernière réforme de l’assurance chômage qui oppose les syndicats et le patronat au gouvernement est à rebondissements. Certains volets du texte ont été mis en application en 2019. Puis les dispositions telles que l’allongement de la durée de travail nécessaire pour l’ouverture des droits (de 4 à 6 mois), la mesure très décriée par le Medef  de mise place du bonus-malus pour les entreprises qui abuseraient des contrats courts et la dégressivité pour les hauts revenus ont été reportées lors de la crise sanitaire en 2020. La réforme a été remise en route en mars dernier (décret du 30 mars 2021) dans une version légèrement retouchée après une annulation partielle du texte par le Conseil d’État.

 

Une mesure qui pénalise les salariés en temps de crise

 

En l’attente de l’examen des recours sur le fond, les syndicats ont intenté une procédure d’urgence auprès de cette haute juridiction pour demander l’annulation des nouvelles règles de calcul de l’allocation chômage qui devaient s’appliquer en juillet 2021, le gouvernement souhaitant faire baisser les indemnités des salariés qui alternent contrats courts et périodes d’inactivité.

Le 22 juin, le Conseil d’État a estimé que cette mesure phare de la réforme pénalise les allocataires en ces temps d’incertitude économique et a ordonné sa suspension.

La juge des référés observe que même si la situation économique du pays s’améliore, il est difficile pour les entreprises les plus touchées par la crise, comme l’hôtellerie ou la restauration, d’embaucher actuellement en contrat longue durée : le contrat court n’est donc pas un choix du salarié. Le décret « pénaliserait injustement et de manière significative les salariés de ces secteurs qui subissent plus qu’ils ne choisissent l’alternance entre périodes de travail et périodes d’inactivités », comme l’indique le communiqué du Conseil d’État.

En revanche, la juge ne remet pas en cause le principe même de la réforme : « En effet, les incertitudes sur la situation économique ne permettent pas de mettre en place, à cette date, souligne-t-elle, ces nouvelles règles qui sont censées favoriser la stabilité de l’emploi… ». Elle ne retient pas les arguments des syndicats qui invoquaient le côté discriminatoire et inégalitaire du décret, mais uniquement le contexte économique actuel.

Il faut souligner que la mesure de recalcul de l’allocation devait entrer en vigueur en juillet 2021 alors que le bonus-malus pour les employeurs n’était effectif qu’à partir de septembre 2022, plus d’un an après, créant ainsi une inégalité de traitement entre les deux parties. La décision du Conseil d’État vient ainsi rétablir l’équilibre jusqu’à nouvelle décision…

 

Vers une nouvelle révision de copie ?

 

Le gouvernement prend acte de cette suspension temporaire, la réforme n’étant effectivement pas remise en cause. « On va examiner les réponses qu’on peut apporter pour rassurer sur la reprise économique et la dynamique de l’emploi… pour une application rapide », déclare le ministre du Travail, Élisabeth Borne, à l’AFP.

Pour les syndicats, le combat continu : au fur et à mesure des reports, du temps est gagné, ce qui soulage les demandeurs d’emploi qui ne verront pas leurs droits baisser pour le moment. L’espoir de voir la réforme être annulée se renforce et les syndicats se félicitent de cette manche gagnée, qui semble s’apparenter, d’après les déclarations du Conseil d’État, à une mise en sursis. En l’attente du jugement de fond…

Sasha Verlei

Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.