Toujours debout, les Gilets jaunes ont tenu leur assemblée générale Place Wilson à Toulouse avant de rejoindre la Marche des Libertés ce samedi 28 novembre. Ils exigent, comme des milliers de Toulousains et de Toulousaines, l’abrogation de la loi Sécurité Globale et la fin des violences policières.


 

Deux ans après le début du mouvement de protestation pour une vie meilleure, les Gilets Jaunes toulousains sont bien vivants, n’en déplaise à la classe dominante. Ils se sont retrouvés en début d’après-midi à Jean-Jaurès, à la sortie du métro, comme chaque samedi et ont tenu une assemblée générale improvisée non loin de là, Place Wilson. Un lieu, qui 30 ans en arrière réunissait les vieux antifascistes républicains espagnols qui avaient combattu le fascisme en deçà puis au-delà des Pyrénées. Pour les Gilets Jaunes, c’est une manière de poursuivre la réflexion, notamment sur la stratégie, la reconnaissance du vote blanc et la mise en place des conseils citoyens, l’invention de nouveaux slogans en lien avec l’actualité parce que la trentaine de personnes présentes compte rejoindre, un peu plus tard, la Marche des Libertés pour l’annulation de la loi Sécurité Globale.

 

Henri, artisan surendetté, se bat toujours pour pouvoir manger

Gisèle, institutrice, 1 200 euros en poche à cause de la contre-réforme Fillon sur les retraites, rappelle : « Ce que nous dénoncions, l’injustice sociale et fiscale, la précarité sont toujours là et ont même augmenté. Pendant que les petits trinquent, les multinationales s’enrichissent. Non seulement nous avions raison, mais ce qui nous touchait de près s’étend aujourd’hui à d’autres classes sociales ». Sylvie, fondatrice d’une SCOP de nettoyage au Mirail, un quartier populaire, souffle sur la flamme pour qu’elle ne s’éteigne pas. Malgré le découragement de certains qui ne participent plus aux manifestations, elle estime que les braises couvent sous la cendre. Henri, artisan surendetté, est sans équivoque : « On se rapproche du fascisme. Ils restreignent nos libertés en se servant du prétexte du Covid pour fliquer la population et nous empêcher de manifester. La répression est une réponse du capitalisme face à la contestation ici et à travers le monde ». Papa d’une fillette de quatre ans et demi, il continue de se battre pour « des choses basiques : pouvoir manger et vivre en démocratie directe ».

 

On va avoir une déferlante de suicides

Une fois les échanges terminés, le groupe prend le chemin du Capitole, côté Square de Gaulle. Il y a déjà du monde vers 17 heures, point de départ de la Marche des Libertés à l’appel de la LDH et de 40 autres organisations. Beaucoup de jeunes dans la foule et des applaudissements aux balcons après l’écoute d’un chant basque et colombien entonné par une chorale féministe.

La bronca va crescendo :  » Liberté, liberté, liberté » scandé par des milliers de voix qui claquent en tempo dans leurs mains à la vue de la rangée de CRS qui bloque la rue Alsace-Lorraine en direction de la place Jeanne-d’Arc. Et pourtant, la manif est autorisée, selon les un-e-s, non déclarée selon les autres.

On peut lire sur des pancartes en carton : « Sécurité globale = Violence totale » ou encore « La Macronavirus tue la démocratie ». Les deux copines Marie, 35 ans, et Laura, 33 ans, ne trouvent pas d’autre alternative que d’être dans la rue. « C’est révoltant tout ce qui arrive, on a envie de retrouver nos libertés qu’ils dépouillent, on n’a plus de droits ». « Le mensonge d’État, les abus de pouvoir et la manipulation de la société ont commencé il y a longtemps, rajoute Laura. » C’est très grave ce qui est en train de se passer, sous couvert de crise sanitaire, ils mettent en place une grosse crise économique et sociale, on va avoir une déferlante de suicides ».

 

Marre de vivre dans un état de peur permanente

Bastien, 26 ans, auto-entrepreneur dans le bâtiment, est venu avec ses quatre copains.« On en a marre de vivre dans cet état de peur permanente. On est dirigé par des incompétents. Le monde dans lequel on vit ne me correspond pas. Les infos sont pipées et on nous traite de complotistes dès qu’on pense différemment ». On entend un air connu des cortèges de Gilets Jaunes : « La police fait son travail, ça crève les yeux ». Trois quarts d’heures que les gens font du surplace et on ne sait pas pourquoi, tout à coup, le passage est libre. Les manifestants commencent à avancer, ils n’iront pas bien loin, à peine quelques mètres et reblocage des CRS boulevard de Strasbourg, au bout de la rue Alsace-Lorraine.

Un régime autoritaire qui se met en place sournoisement, c’est le ressenti de la plupart des participants à cette Marche des Libertés. D’où la devise reprise par un groupe de jeunes en italien : « Siamo tutti antifascisti » [« Nous sommes tous antifascistes » – Ndlr]. « Cette loi, selon Sylvie, est l’opportunité que saisissent le capitalisme et les possédants pour casser les mouvements sociaux, il y aura des morts, ils ne reculeront pas ».

Piedad Belmonte

 


Illustration : Pochoir «La Petite Fille au ballon» de Banksy


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Passée par L'Huma, et à la Marseillaise, j'ai appris le métier de journaliste dans la pratique du terrain, au contact des gens et des “anciens” journalistes. Issue d'une famille immigrée et ouvrière, habitante d'un quartier populaire de Toulouse, j'ai su dès 18 ans que je voulais donner la parole aux sans, écrire sur la réalité de nos vies, sur la réalité du monde, les injustices et les solidarités. Le Parler juste, le Dire honnête sont mon chemin