« On ne réglera pas en quelques mois une situation qui n’a pas été traitée suffisamment dans sa globalité ces dernières années, en ce que les personnes âgées et certains des plus âgés ont besoin d’un accompagnement spécifique vers la fin de leur parcours de vie, qui va bien au-delà du décor d’un hôtel 3 étoiles… Le monde politique, les parlementaires notamment, doivent s’emparer du problème qui repose à la fois sur des choix stratégiques, financiers, mais aussi sociétaux où l’humain doit avoir une place prépondérante. La sphère politique dans son ensemble ne saurait à aucun moment se retirer du débat, qui laisserait la place à des intérêts particuliers, et se contenter de mesures à efficacité limitée. Le législateur, le gouvernement et les citoyens associés ont une obligation sociétale de résultat. C’est ce que cette mission a tenté d’initier et c’est ce qui devra être poursuivi. »

 

Ces éléments conclusifs du rapport d’information de la Commission des affaires sociales, présenté à l’Assemblée en mars 2018, sont signés par la député de Haute Garonne Monique Iborra (1), membre du Parti socialiste (PS) puis de La République en marche ! (LREM). La mission d’information parlementaire a été co-conduite par la députée de Meurthe-et-Moselle Caroline Fiat (2), membre du groupe La France insoumise. Elle s’est imposée aux élections législatives de 2017 devenant la première aide-soignante à siéger à l’Assemblée nationale.

Réalisée il y a deux ans, cette mission tirait déjà la sonnette d’alarme : « Les signaux faibles tenant au malaise croissant des professionnels ou à l’anxiété persistante des familles, perceptibles depuis déjà quinze ans, ont fait place à une remise en cause plus nette et largement partagée du fonctionnement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). » Le constat émanant du terrain était à l’époque unanime : « Les Ehpad n’ont plus les moyens de prendre en charge correctement des résidents de plus en plus dépendants, âgés en moyenne de 85 ans à leur entrée en établissement, touchés en moyenne par 7,9 pathologies et atteints dans leur majorité de démences », notaient les rapporteuses qui pointaient les conditions de travail inacceptables des personnels.

  « Il faut revenir aux fondamentaux d’une véritable politique de solidarité »

Les parlementaires estimaient essentiel de dépenser un point de produit intérieur brut supplémentaire, soit 20 milliards d’euros, préconisant un « cinquième risque » pris en charge par la Sécurité sociale. Le 7 mars 2018, la ministre de la santé Mme Buzyn a d’ailleurs reconnu devant les sénateurs de la commission des affaires sociales du Sénat que la réforme de la tarification des Ehpad (mise en œuvre depuis janvier 2017) faisait « un nombre significatif de perdants ». Des ajustements ont été envisagés mais jamais mis en œuvre par le gouvernement.

« Face à l’urgence sanitaire et sociale dans laquelle se trouvent les Ehpad, il faut revenir aux fondamentaux d’une véritable politique de solidarité pour le vieillissement. Ainsi, rien ne sera possible sans une détermination largement partagée de remettre la personne, qu’elle réside ou qu’elle travaille en Ehpad, au cœur de nos choix. Il faudra aussi, au-delà des très belles propositions que formule la mission, réfléchir à ce que nous voulons comme philosophie pour les établissements. Les errements de la réforme de la tarification, les très dures conditions de travail des professionnels mais aussi les réussites observées par la mission, notamment dans le secteur public et associatif, les exemples étrangers, nous montrent tous que l’accompagnement de nos aînés ne saurait reposer sur la recherche du profit, que certains poursuivent encore malheureusement. Au contraire, il nous revient à présent de ne plus compter que sur les sentiments nobles que nous avons pour les plus fragiles en nous en donnant les moyens. »

À l’heure où l’excédent de décès a atteint le niveau record de 268% d’augmentation dans le département du Haut Rhin et que la Direction générale de la santé dissimule les informations sur le sujet en restant muette sur les chiffres au niveau national, ces propos de Caroline Fiat sont plus que jamais d’actualité. Ils semblent s’être perdus dans le vide sidéral des jours heureux que nous a promis le président de la République…

 

Notes:


(1) Monique Iborra a été exclue du Parti socialiste en juillet 2016 pour une durée de deux ans avec six mois de sursis pour ne pas avoir soutenu la candidate du parti, Carole Delga, lors des élections régionales dans la nouvelle région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Elle avait préféré soutenir Philippe Saurel, maire de Montpellier.

(2) Pendant la pandémie de Covid-19, Caroline Fiat a repris son travail d’aide-soignante, aidant de nuit dans un hôpital de Meurthe et Moselle, tout en assurant ses fonctions de parlementaire l’après-midi.


Voir aussi : Rubrique Santé, Haute-Garonne Ehpad vue de l’intérieur,

Ci-dessous – Le rapport d’information parlementaire de 2018

 

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