Nous vivons un moment de crise sans précédent depuis 1968. Tout le pays est embrasé par le mouvement des gilets jaunes… Tout le pays ? Sauf le secteur culturel qui ne semble pas concerné ! Le spectacle vivant reste terriblement muet et immobile, surtout vous, amis chorégraphes, danseurs, performeurs. C’est à vous que je m’adresse !

Comment se fait-il que le secteur chorégraphique ne se prononce pas sur ce sujet, alors que toute la population française vit douloureusement cette situation depuis près de… 3 mois ? N’êtes-vous concernés que par les questions qui taraudent directement notre métier : la précarité de la création, la concentration en œuvre dans le spectacle en terme de diversité culturelle et artistique, la diminution des subventions publiques, le super pouvoir des « barons – décisionnaires », l’augmentation des charges patronales propres à notre secteur ? Est-ce que les problèmes majeurs que sont l’écologie, la mauvaise répartition des impôts, la baisse de revenu des foyers ne vous concernent pas ?!

Hier, le 22 janvier, nous étions une trentaine réunie devant la DRAC de Montpellier pour porter jusqu’à Monsieur le Ministre de la Culture nos revendications, et nos inquiétudes sur la reconduction de l’accord de 2016 et l’avenant 2019. J’étais le seul représentant de la Danse. Quel honneur et quelle honte !

Comment en sommes-nous arrivés là ? A force de nous intéresser au corps et au mouvement , nous avons oublié que les corps étaient situés dans une société traversée de mécanismes de domination, et que le mouvement parlait aussi du peuple et de son devenir. À force de regarder notre nombril de danseur, sommes-nous devenus aveugles à ce qui nous entoure ? Un comble !

La danse semble oublier que comme toute expression artistique, elle a des choses à dire sur le monde, sur ce qui s’y passe et sur son devenir.

Oh bien sûr, nous pourrons toujours dire que nous avions des rendez-vous importants, que nous étions en tournée, que ceci, que cela, mais pendant ce temps, le monde tourne sans nous, irresponsables que nous sommes. Et ce monde pourra alors légitimement dire qu’il n’a pas besoin de nous….

Un danseur, Mitia Fedotenko*
le 23 janvier 2019, Montpellier

 

Mitia Fedotenko*. Originaire de Moscou, chorégraphe, danseur et performeur, Mitia Fedotenko débute la danse dans sa ville natale à un très jeune âge, avant de continuer sa formation d’abord au CNDC d’Angers, puis à EX.E.R.CE. à Montpellier. Il danse dans le duo le désert d’amour extrait de so schnell de Dominique Bagouet et adapté par les Carnets Bagouet pour le Festival International Montpellier Danse 1997.

Après avoir réalisé plusieurs tournées en France (festival Montpellier Danse 1999), en Allemagne (Festival International Sommertheater à Hambourg ; Tanzmesse NRW à Essen) et en Tchéquie (Festival d’Automne de Danse à Prague), avec le duo les verstes et les distances créé en étroite collaboration avec Natacha Kouznetsova, il fonde la Compagnie Autre MiNa en 1999 et s’installe à Montpellier.

Depuis la création de la Compagnie Autre MiNa, il signe plus d’une quinzaine de pièces aux croisements des écritures de la musique et du théâtre, qui font s’aventurer  la danse sur d’autres territoires artistiques  : sol’o pluriel et un peu plus/2008 ;  dans sa peau/2009 ; sans frontière/2010 ; чёрное солнце. black sun/2011, pièce à partir de Phèdre de Marina Tsvetaeva, où le texte est traité comme une véritable partition musicale ; par Etre/2013, fiction chorégraphique qui pose des questions dérangeantes sur les faux semblants, le vrai et le faux (17ème Biennale de la Danse de Val-de-Marne). Son projet artistique trouve un écho particulier auprès du Cratère Scène Nationale d’Alès qui l’accompagne en 2015/2016/2017.

Si elle se caractérise par l’énergie et l’absence d’économie, la danse de Mitia Fedotenko se distingue par sa faculté de tout mettre en jeu, d’occuper et de faire exploser l’espace… Elle produit un véritable choc, puissant, qui confronte le corps à la matière et repousse sans cesse ses limites. Dans ses chorégraphies on peut admirer des parties défiant tout équilibre, des courses à reculons effrénées où, chutes et rebondissement se succèdent à une vitesse surprenante.
Navigant constamment entre deux cultures, les associant sur scène de manière singulière, il se dirige vers une écriture engagée où « Tout se voit.  Rien ne s’élude. Tout se dépense. Rien ne s’économise…

Gérard Mayen

 


Voir aussi : SOS Méditerranée les artistes refusent de capituler,