Chaque année, la lettre d’information féministe Les Glorieuses calcule une date et une heure pour rendre compte des inégalités salariales entre les hommes et les femmes en France. Selon elle, les femmes commencent à « travailler gratuitement » cette année à partir de lundi à 11h25.


 

L’amélioration est très légère. En 2022, la lettre d’information féministe les Glorieuses avaient estimé que les femmes travaillaient « gratuitement » à partir du 4 novembre, à 9h10. Cette année, elles « pourraient s’arrêter de travailler le 6 novembre à 11h25 si elles étaient payées avec un taux horaire moyen similaire aux hommes tout en gagnant ce qu’elles gagnent aujourd’hui, toujours en moyenne, à l’année », relève la newsletter qui dénonce les inégalités salariales persistantes entre les femmes et les hommes.

Cette date et cette heure symboliques ont été calculées à partir de statistiques européennes sur l’écart de salaire entre les femmes et les hommes en France. Cette année, les femmes gagnent en moyenne 15,4 % de moins que les hommes.

L’an dernier, l’écart salarial atteignait 15,8 %, ce qui avait amené Les Glorieuses à déterminer la date symbolique au 3 novembre à 9h10.

« Cela fait huit ans qu’on fait ce calcul, ça varie très peu, il y a une vraie stagnation », observe auprès de l’Agence France-Presse (AFP) Rebecca Amsellem, fondatrice de la newsletter à l’origine d’une pétition qui réclame la mise en place de trois politiques publiques visant à favoriser l’égalité salariale.

 

Deux avancées obtenues en 2023

Les Glorieuses demandent notamment une revalorisation des salaires des professions où les femmes sont les plus nombreuses et plaide pour un congé post-naissance équivalent pour les deux parents.

Elles souhaitent également que l’accès aux marchés publics et l’obtention de subventions et de prêts garantis par l’État soient conditionnés « au respect de l’égalité salariale », afin de « s’assurer que le budget alloué par les fonds publics n’accentue pas les inégalités ».

Si « beaucoup de choses restent encore à faire », « deux avancées notables » ont été obtenues cette année sur la question de la transparence en matière de salaires, relève Rebecca Amsellem. Selon un arrêt de la Cour de cassation daté du 8 mars, une salariée peut légitimement demander la communication de bulletins de paie de salariés masculins occupant des postes de niveau comparable au sien.

Une directive européenne, destinée à contraindre les employeurs dans l’UE à la transparence pour garantir une égalité de rémunération entre femmes et hommes, a par ailleurs été adoptée et devra être transposée par les États membres dans leur droit national d’ici juin 2026, se félicite Rebecca Amsellem.

 

Résistance de l’arrière-garde

Si les choses avancent à petits pas, il ne manque pas d’esprit chagrin pour mettre en cause cette volonté d’égalité. « Cette méthode est imparfaite car elle ne permet pas de faire la part des choses entre injustice et inégalité », lit-on dans un article de l’Express. Et l’hebdomadaire de poursuivre : « Les auteures le reconnaissent, le chiffre Eurostat sur lequel elles se basent est une moyenne « non ajustée ». Il ne tient pas compte de l’impact des interruptions ou du temps partiel sur une carrière, de la surreprésentation des femmes dans certains secteurs, ou de la qualification à l’embauche. Difficile, sans cette granularité, de conclure que les femmes travaillent « gratuitement », ni que c’est injuste. »

« Le calcul, réalisé chaque année par la rédaction de la lettre d’information féministe Les Glorieuses, prête le flanc à la critique », contre-attaque le Figaro qui considère le rappel des faits comme un symbole.

De quoi donner du grain à moudre à toutes celles et tous ceux qui luttent pour une égalité salariale en France. Pour ne pas se retrouver empêtré dans la polémique des chiffres, l’exemple à suivre est sans doute celui des femmes islandaises. Le 24 octobre dernier elles ont déclenché une grève générale y compris dans la sphère dite domestique pour mettre fin aux inégalités salariales et à la violence basée sur le genre.

Les Islandais se sont réveillés avec des équipes de présentateurs exclusivement masculins annonçant des fermetures dans tout le pays : écoles fermées, transports publics retardés, hôpitaux en sous-effectif et chambres d’hôtel non nettoyées. Et même la Première ministre Katrin Jakobsdóttir a annoncé qu’elle se joignait au mouvement dans le cadre de la grève des femmes. Il n’y a pas plus efficace que de cesser toute activité pour défendre nos droits. À quand le passage à l’acte ?

Avec AFP

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.