Nous sommes un collectif de personnes handicapées, parents et proches, professionnels de santé, du médico-social ou de l’éducation et portons l’exigence d’une scolarisation inconditionnelle. Nous avons les idées, les outils et les pratiques nécessaires pour que cette scolarisation advienne. Il s’agit désormais pour la France d’appliquer les lois qu’elle a votées au début du siècle ainsi que la Convention internationale qu’elle a ratifiée.

Elle doit respecter réellement les enfants handicapé.e.s de ce pays en les scolarisant tous au sein de l’école de la République. Les moyens dédiés aux établissements spécialisés doivent maintenant être consacrés à la scolarisation dans les classes ordinaires avec tous les accompagnements nécessaires.


 

Tribune du Collectif Une Seule École (CUSE)

 

 

En 2005, la France a voté une loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi consacrait le principe du droit à compensation du handicap, mais aussi l’obligation de scolarisation de tous les enfants, quel que soit leur handicap. Dix-huit ans plus tard, le résultat n’est pas à la hauteur de l’enjeu. La Convention internationale des droits des personnes handicapées de l’ONU que la France a ratifiée en 2010 n’est toujours pas respectée et les textes réglementaires régissant la scolarisation des enfants handicapé.e.s sont en deçà de la loi.

En cause, la persistance d’une scolarisation ségréguée dans des établissements et classes spécialisés, contraire aux droits humains, aux principes d’égalité en droit et en dignité de notre Constitution, et au droit international rappelé par l’ONU ; l’ONU appelle la France à fermer ces établissements et à se donner les moyens d’une scolarisation en milieu ordinaire pour tous.tes les enfants, quel que soit leur handicap et avec tous les accompagnements nécessaires pour permettre l’égalité réelle. C’est dans ce contexte que nous créons le Collectif Une Seule École afin que tous.tes les enfants puissent enfin être scolarisé.e.s dans leur école, leur collège et leur lycée.

Historiquement, l’accueil et l’accompagnement des adultes et des enfants handicapé.e.s n’ont jamais été une volonté de l’État, qui a choisi de déléguer cette question à des institutions médico-sociales. L’État a donc conçu un système ségrégatif où les enfants et les adultes handicapé.e.s sont accompagné.e.s à l’écart de la société et de l’école. Ce système contribue à l’exclusion des personnes handicapées. De surcroît, les associations qui gèrent les établissements et services pour personnes handicapées se présentent comme leurs représentantes alors même que l’ONU dénonce un conflit d’intérêts : on ne peut représenter des personnes quand on gère financièrement les établissements et services qui leur sont dédiés. Les seules revendications des associations gestionnaires, soutenues par L’État sont l’ouverture de places en institutions. Cette politique empêche la désinstitutionnalisation et invisibilise les revendications des associations réellement représentatives des personnes handicapées, sans conflit avec la gestion.

Le Collectif Une Seule École regroupe des personnes handicapées, des familles de personnes handicapées, des professionnels médico-sociaux, des libéraux ou des agent.e.s de l’Éducation nationale qui exigent le respect du droit fondamental de chaque élève à accéder au système scolaire et à une formation digne et émancipatrice tout au long de sa vie.

Nous sommes bien conscient.e.s que le système scolaire dysfonctionne, que les moyens manquent cruellement à tous les niveaux et que, comme tous les services publics, un détricotage en vue de créer un marché éducatif lucratif est en marche. Ce système a pourtant une spécificité : face à un ou une élève handicapé.e, quand le système scolaire dysfonctionne, il est possible de se tourner vers les institutions, un ailleurs prétendument spécialisé, bien pratique où le temps d’enseignement est famélique. Récemment, à Val-de- Reuil la police municipale est intervenue au portail d’une école pour bloquer l’accès à une enfant handicapée. Purement et simplement exclues du système scolaire, il ne reste plus à ces familles qu’à se diriger vers des institutions : IME (institut médico-éducatif), ITEP (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique) ou autre. Or, ces lieux qui fonctionnent en vase clos ne sont pas exempts de violences, et la maltraitance exercée hors des regards y est institutionnelle. Le simple fait de ne pas pouvoir grandir avec sa famille ou entouré des siens est une maltraitance que rien ne justifie. En général, c’est essentiellement pour les élèves handicapé.e.s que le manque de moyens est invoqué comme argument pour les exclure de l’école. En dehors des enfants des communautés de voyageurs et voyageuses et des enfants allophones (ne parlant pas français), qui n’ont pas accès à l’école en arrivant en France pendant plusieurs mois, les enfants valides ne subissent pas cette discrimination et continuent à être scolarisé.e.s, même quand les moyens viennent à manquer. Comment justifier de ségréguer des enfants sous prétexte de manque de moyens plutôt que de se battre pour des moyens pour tous.tes les enfants sans exception ?

Les moyens dédiés aux établissements spécialisés doivent maintenant être consacrés à la scolarisation dans les classes ordinaires avec tous les accompagnements nécessaires dans une approche pluridisciplinaire pour que les élèves bénéficient d’aides, d’aménagements et de compensations dans tous les espaces sociaux qui existent : les crèches, les écoles, les collèges, les lycées, les universités, les clubs de sport, de loisir, les transports, les logements, les services publics, etc.

Aujourd’hui face aux parents qui réclament à juste titre la scolarisation de leur enfant handicapé.e, l’Éducation nationale et les MDPH (Maisons départementales des Personnes handicapées) proposent des espaces ségrégués au sein des écoles de la République : SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté) pour les élèves en difficulté scolaire, dispositifs contre le décrochage scolaire ou dispositifs ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) pour accueillir les élèves handicapé.e.s dans les écoles, mais pas dans les mêmes classes que les élèves valides. Il est temps de penser un système scolaire où les difficultés rencontrées sont des situations d’apprentissages et servent à construire chez chacune et chacun une altérité indispensable à l’émancipation de toutes et tous. Pour vivre ensemble en société, il s’agit de commencer à le faire d’abord dans les classes et les écoles.

Ce nouveau paradigme ne peut être que bénéfique pour tous les élèves qui ne trouvent pas leur place dans l’école actuelle et qui y sont parfois jugés indésirables.

Certain.e.s autres enfants handicapé.e.s sont en classe dans des conditions indignes : ils et elles n’ont pas reçu de l’État les aides nécessaires pour accéder aux apprentissages : pas d’AESH (Accompagnant.e d’élèves en situation de handicap), lorsque sa présence est nécessaire, pas de matériel ou d’enseignant.e en langue des signes, emploi du temps réduit au minimum…

Ces manques ont des conséquences directes sur les enfants et leurs familles et génèrent des inégalités : des parents, souvent des mères seules, doivent arrêter de travailler pour s’occuper de leur enfant tout en finançant du matériel ou des heures d’aide humaine sur leurs deniers personnels. Au validisme (discriminations liées au handicap) s’ajoutent alors les inégalités économiques et sociales qui devraient nous être intolérables. Des études sociologiques montrent d’ailleurs la surreprésentation des classes populaires dans les institutions et les structures médico-sociales.

Pour nous, membres du Collectif Une Seule École, l’école doit accueillir massivement tous.tes les enfants de ce pays, quelles que soient leurs conditions sociales, culturelles ou leur état physique, mental ou psychique. Nous sommes de plus en plus nombreux à être conscient.e.s de l’existence d’alternatives à la ségrégation, mais ce n’est malheureusement pas encore le cas de tous.tes.

Nous sommes de nombreux et nombreuses personnes handicapées, parents et proches, professionnels de santé, du médico-social ou de l’éducation à porter l’exigence d’une scolarisation inconditionnelle. Nous avons des idées, des outils et des pratiques à proposer pour que cette scolarisation advienne. Notamment parce qu’elle existe déjà et est mise en place dans des pays proches. Il s’agit désormais pour la France d’appliquer les lois qu’elle a votées au début du siècle ainsi que la Convention internationale qu’elle a ratifiée. Elle doit respecter réellement les enfants handicapé.e.s de ce pays en scolarisant tous les enfants au sein de l’école de la République.

 

Pour tout complément d’information, merci de nous contacter :
collectifuneseuleecole@gmail.com

Signataires de la tribune :

A.F., Coadministratrice Collectif AESH en action ; Capucine LEMAIRE, Présidente de l’Observatoire des politiques du handicap ; Catherine PIERRE, Parent d’enfants handicapés, mère au foyer, diplômée médico-social ; C.B., Personne handicapée, militante antivalidiste ; Cécile MORIN, Militante anti-validiste au CLHEE, enseignante et chercheuse handicapée ; Elena CHAMORRO, Militante anti-validiste au CLHEE, enseignante ; G. M., Chef de service médicosocial, père d’un enfant avec TSA ; Jacqueline TRIGUEL, Enseignante ; L.C., Travailleuse handicapée dans le médico-social, passée enfant par les institutions ; LOTIS, Autrice, cofondatrice du CRIMS, personne handicapée, parent d’un enfant handicapé ; Odile MAURIN, Militante de la lutte antivalidiste, présidente d’Handi-Social, personne handicapée ; Renaud GUY, Enseignant spécialisé, coordonnateur ULIS en lycée professionnel ; Séverine BARNOUIN, Assistante d’éducation et militante féministe ; Sushina LAGOUJE, Enseignante handicapée, autrice.

 

Lire aussi : Alerte de la Défenseure des droits sur : L’accès à l’éducation des enfants en situation de handicap.

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