EDF a été sommé mardi 7 mars par le gendarme du nucléaire de « réviser sa stratégie » pour résoudre les problèmes qui perturbent lourdement ses centrales depuis fin 2021, après la découverte d’une fissure d’ampleur sur un circuit de secours d’un réacteur à l’arrêt, Penly 1, en Seine-Maritime.


 

Passée inaperçue jusqu’à sa médiatisation mardi par le site Contexte, une note d’EDF publiée le 24 février indique avoir décelé à Penly 1 un « défaut significatif de corrosion sous contrainte » sur une conduite de secours servant à refroidir le réacteur en cas d’urgence. Au vu de ces nouvelles informations, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé mardi à EDF de « réviser sa stratégie » sur le traitement de la corrosion sous contrainte de certains de ses réacteurs. EDF, qui s’est refusé à tout commentaire, pourrait devoir mener des recherches et inspections plus exhaustives dans son parc nucléaire.

« Cet événement n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement. Toutefois, il affecte la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur », souligne l’ASN dans sa note d’information.
Au moment où EDF estimait être en sortie de crise sur le traitement de ce phénomène, cette découverte jette de nouvelles incertitudes sur la production nucléaire de l’électricien pour 2023, après une année noire plombée par les déboires de son parc nucléaire. Le parc nucléaire d’EDF (56 réacteurs) a en effet subi une crise industrielle inédite depuis la découverte en octobre 2021 de ce phénomène de corrosion sous contrainte sur des conduites cruciales pour la sûreté des centrales.
Ce problème avait forcé EDF à arrêter de nombreux réacteurs pour des opérations de contrôle et de réparations de grande ampleur, contribuant aux pertes colossales enregistrées par l’électricien en 2022.

 

15,5 cm

 

Dans le réacteur de Seine-Maritime, le nouveau défaut a été détecté lors d’« expertises métallurgiques » sur « une soudure déposée en janvier », selon la note publiée sur le site internet du groupe. Jusqu’ici dans le phénomène observé à EDF, il n’était question que de microfissures, de l’ordre de quelques millimètres. Mais la nouvelle fissure qui se trouve à proximité d’une soudure, « s’étend sur 155 mm, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et sa profondeur maximale est de 23 mm, pour une épaisseur de tuyauterie de 27 mm », détaille l’ASN. La tuyauterie aurait pu être fragilisée par une opération de réparation visant à « réaligner » des circuits, au moment même de la construction du réacteur dans les années 80.

Penly 1 faisait justement partie des 16 réacteurs identifiés comme les plus sensibles à ce phénomène de corrosion sous contrainte. Mais la portion de circuit aujourd’hui mise en cause n’avait pas été ciblée comme étant sensible. « Cette ligne était considérée par EDF comme non sensible à la fissuration par corrosion sous contrainte en raison notamment de sa géométrie. Toutefois, cette soudure a fait l’objet d’une double réparation lors de la construction du réacteur, ce qui est de nature à modifier ses propriétés mécaniques et les contraintes internes du métal au niveau de cette zone », explique l’ASN.

 

Profondeur de la fissure

 

« En raison de ses conséquences potentielles et de l’augmentation de probabilité d’une rupture », l’ASN a classé cet événement de sûreté « au niveau 2 de l’échelle INES (Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques) », l’échelle internationale de classification des incidents nucléaires civils qui en compte 8, a précisé l’ASN.

« Ce qui est nouveau, c’est la profondeur de la fissure, soit 85 % de l’épaisseur du tuyau, et le facteur explicatif lié à cette notion de double réparation lors d’une opération de réalignement de circuits », indique à l’AFP Yves Marignac, expert en énergie et membre des groupes permanents d’experts de l’ASN. Pour l’expert, « le fait que des fissures plus importantes soient possibles pose la question du maintien en fonctionnement des 6 réacteurs de même type P’41 », dans l’attente de leur réparation préventive prévue courant 2023.

Sur les 16 réacteurs, les plus récents et identifiés comme les plus sensibles, 10 réacteurs doivent encore être contrôlés et réparés en 2023 : 6 doivent être réparés d’office, sans passer par la phase de contrôle et 4 poursuivront les travaux commencés en 2022, a indiqué EDF à l’AFP.

 


Illustration : La centrale nucléaire de Penly à Petit-Caux, en Seine-Maritime, Photo Lou Benoist.


 

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Notes:

  1. Le réacteur de type P4 et P’4 est un réacteur nucléaire à eau légère de 2e génération développé par Framatome et EDF. Il fait partie de la filière des réacteurs à eau pressurisée. Sa puissance thermique est de 3 817 MWth pour une puissance électrique nette de 1 300 MWe .