Clare Hart DR altermidi

 

Rencontre avec Clare Hart

Vice-présidente Montpellier Méditerranée Métropole déléguée aux relations internationales

 

Septembre 1993, née à Londres, Clare Hart décide de parfaire son parcours d’études en géopolitique avec une option langue et débarque à l’université Paul Valéry de Montpellier.

Elle est saisie par la nature et la douceur de la vie méditerranéenne.

 

« J’ai créé une entreprise de service linguistique à Montpellier et je ne suis jamais repartie. J’aime beaucoup Londres, une ville monde, cosmopolite, mais pour moi Montpellier est toujours un lieu de vacances. Je ne suis toujours pas blasée. J’adore ! »


 

Les relations internationales évoquent la culture, l’économie, l’échange de savoirs mais aussi les États qui ne sont plus les seuls acteurs dans ce domaine ; six mois après les élections municipales quelle idée maîtresse émerge ?

L’idée, est de remettre Montpellier sur la carte du monde. On veut redonner de la dimension à ce qu’a été cette ville. Et ce qu’elle est toujours après quelques années où elle s’est un peu endormie. Il y a 800 ans, la Faculté de médecine était l’épicentre de l’Europe ouverte sur la méditerranée, avec des chercheurs orientaux et occidentaux, et des étudiants venant de toute l’Europe. Il faut agir pour retrouver cette aura et nous disposons des moyens pour y parvenir. Montpellier est la 7e ville de France et elle a treize villes jumelles réparties sur quatre continents. C’est dans l’ADN de la ville et cela entre en parfaite adéquation avec la visée municipale.

J’ai presque une feuille blanche. Je rayonne depuis que j’ai pris cette responsabilité. Je vis un vrai bonheur, c’est très inspirant. Dans ce bureau parfois, je sens l’esprit de « Big Georges » qui plane, ce qui est un peu impressionnant mais ça fournit aussi de l’énergie. Il faut remettre du sens. Cela passe par la relance des échanges.

 

Sur quoi repose votre vision stratégique ?

En matière de relations internationales l’accent est de plus en plus mis sur le domaine économique que nous avons placé au cœur de nos projets. En clair cela signifie que le développement des relations internationales est une opportunité pour nos emplois. Nous souhaitons attirer les entreprises. À Montpellier nous disposons d’atouts conséquents à commencer par notre positionnement stratégique au cœur de l’Europe. Il y a beaucoup de matière grise sur place avec tous les laboratoires et les chercheurs qui travaillent ici, notamment dans le secteur de la biodiversité où nous sommes à la pointe.

 

Des atouts mais aussi un handicap : la taille du foncier disponible auquel s’ajoute la volonté politique de préservation des espaces naturels…

C’est vrai, nous manquons de foncier disponible et nous avons changé de paradigme en termes d’implantation économique. Nous ne sommes plus à l’époque de l’arrivée d’IBM sur Montpellier. Aujourd’hui, nous sommes une métropole qui regroupe trente-et-une communes. Nous devons œuvrer à cette échelle. Cela nous conduit à travailler en étroite relation avec les communes, mais aussi le Département et la Région. Et nous avons la chance que les relations soient fluides et constructives entre les collectivités qui avancent ensemble dans un esprit de coopération, ce qui a rarement été le cas. Nous mettons cette conjoncture favorable à profit.

 

Comment agissez-vous dans le cadre des relations consulaires ?

Dans ce domaine aussi les relations ont beaucoup changé. L’image d’Épinal de monsieur le consul recevant ses hôtes dans le jardin ombragé du consulat a vécu. Nous avons accueilli il y a peu Madame Kristen Grauer, la Consule des États-Unis ; et bien, durant tout son séjour, nous n’avons cessé d’évoquer des enjeux liés à l’économie, notamment avec les entreprises de la métropole. L’époque de « la diplomatie passeport » est révolue. Nous entretenons aussi d’étroites relations avec les Consuls de France dans les villes jumelées, c’est le cas notamment à Barcelone avec qui nous renforçons nos relations.

 

Treize jumelages ce n’est pas rien, par où commencer ?

L’économie ne constitue pas un horizon unique. Nous réexaminons les jumelages en prenant en compte trois autres facteurs : la dimension culturelle, la dimension éducative et la dimension citoyenne. Il est important que tous les montpelliérains puissent bénéficier de la richesse des échanges internationaux de leur ville. Ça ne suffit pas de voir des drapeaux alignés. Nous travaillons actuellement à la mise en place d’une plateforme qui permettra aux montpelliérains de tisser des contacts avec les citoyens des villes jumelles. Nous avons équipé nos écoles de la fibre pour développer les jumelages scolaires d’école à école.

 

Comment contournerez-vous la barrière linguistique ?

En utilisant l’anglais comme langue pivot on devrait pouvoir se débrouiller. On ne peut pas s’arrêter à ce genre d’obstacle. La prise en compte de différentes cultures, l’échange dès le plus jeune âge avec d’autres enfants de cultures différentes ouvrent des portes pour toute la vie. Les échanges universitaires entre étudiants contribuent également à cette ouverture d’esprit. La rencontre de l’autre amène à s’interroger sur nos différences et nos ressemblances, à faire disparaître les stéréotypes, les idées reçues que l’on peut avoir.

 

À son échelle Montpellier est une ville cosmopolite, n’a-t-on pas tendance à l’oublier ?

Les relations internationales, c’est aussi faire vivre le monde associatif montpelliérain riche de soixante dix nationalités. Je suis bien placée pour considérer les diasporas comme étant une vraie richesse. Notre projet entend les associer au rayonnement international. Dans le domaine de la coopération décentralisée nous nous impliquons à leur côté sur des opérations très locale. Nous avons beaucoup de projet autour de l’eau en raison de la loi Santini1. Dans la branche humanitaire nous soutenons SOS Méditerranée. Un grand concert national aura lieu au mois juin, accompagné d’une exposition pour soutenir cet engagement aussi remarquable que nécessaire.

 

Quels axes géographiques priorisez-vous ?

L’Euro-Méditerranée. Montpellier fait figure d’interface réelle entre le continent européen et africain. On était déjà sur cette idée et le sommet Franco-Africain est arrivé comme une cerise sur le gâteau.

Nous souhaitons sensibiliser la population à l’Union européenne et l’UE à notre territoire. Toutes les communes de la métropole sont europhiles, cela devrait nous faciliter grandement la tâche. La Région Occitanie dispose d’un bureau à Bruxelles, là encore, plutôt que de partir toute seule à la conquête de l’Europe, la Métropole va jouer l’union.

 

En quoi le Sommet Franco-Africain de Montpellier, présenté par le président comme une étape du changement dans nos relations avec le continent africain,  sera-t-il une rupture ?

Le Président Macron l’a annoncé lors de son discours de Ouagadougou en 2017, La Françafrique c’est fini. Il se prononce pour une redéfinition des relations avec les pays d’Afrique, plus simple, inscrite dans une logique de gagnant-gagnant. Dans l’organisation du sommet lui-même qui aura lieu du 8 au 10 juillet, sur laquelle nous n’avons pas la main, cela en prend le chemin. Il n’y aura pas de chef d’État, ce qui ne s’est jamais vu. Les 54 pays d’Afrique invités seront représentés par la société civile : des chefs d’entreprise, des blogueurs, des artistes, des start-ups, des chefs cuisiniers… La crème de la crème de la jeunesse qui bouge.

 

54 pays représentés, le président français et une dizaine de ministres, pour les 2 500 places du Corum ça ne laisse pas beaucoup de places pour les Montpelliérains…

Oui, c’est une des raisons pour laquelle Michaël Delafosse a saisi cette occasion pour organiser le Off du sommet qui sera ouvert à tous. Du 5 au 10 juin,  toute l’esplanade sera investie avec la création d’un village thématique qui ne devra rien aux stands des manifestations habituelles. On passera d’un univers à l’autre dans un espace scénographié surprenant, culturel, festif et riche en rencontres. La Halle Tropisme jouera un rôle clé dans l’organisation de cet événement qui sera aussi le fruit d’un appel à projet pour toutes les associations de la métropole qui souhaitent y contribuer2. Ce grand « melting pot » se tiendra  avec des rendez-vous programmés dans les villes de la métropole. Il se prolongera dans les programmations des grands festivals de Montpellier, comme le Fise, Arabesques, Montpellier Danse ou le Cinemed. Montpellier et sa métropole se mettent à l’heure de l’Afrique d’aujourd’hui, il va falloir s’accrocher…

 

Recueilli par Jean-Marie Dinh

 


 

Notes:

  1. La loi Oudin-Santini autorise les collectivités, syndicats et agences de l’eau à consacrer jusqu’à 1 % de leur budget eau et assainissement pour financer des actions de solidarité internationale dans ces secteurs
  2. Une invitation à participer qui se traduit par un appel à projets ouvert aux associations et habitants de la Métropole Montpellier-Méditerranée. voir https://www.montpellier3m.fr/sites/default/files/fiche_g_aap_saf_2021_vf_002.pdf
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.