La grande distribution serait-elle en crise ? Licenciements, fermetures de magasins, ouvertures le dimanche… Tout laisse à penser qu’il faut optimiser le profit. Pourtant, les deux mois de confinement, avec les fermetures de nombreux magasins de proximité, ont surtout profité aux hyper et supermarchés.


 

Dernier magasin Auchan à ne pas ouvrir le dimanche, et plus grand magasin de la zone de vie — Avignon (Réalpanier et Mistral7), Le Pontet, Cavaillon, Sénas, Tarascon — , le magasin d’Auchan Le Pontet a ouvert ses portes pour la première fois de manière non exceptionnelle, le dimanche 30 août. Et de l’aveu même de son directeur, il s’agirait de rattraper des pertes financières… Le syndicat CGT de la zone de vie a lancé l’alerte et interpelle les élus.

Pour ouvrir tous les dimanches, au plus tard jusqu’à 13h, il faut être un commerce à prédominance alimentaire. Qu’à cela ne tienne, Auchan réaménage ses magasins de manière à mettre en avant son côté « nécessaire ». Mais l’ouverture d’un tel mastodonte ne peut se faire sans conséquences. Sur les salariés d’abord, à moyen et court terme, sur les commerces de proximité, voire sur le marché de Sorgues, très populaire, mais qui peut se voir préférer la zone commerciale et ses parkings.

 

Contre l’ouverture du dimanche

C’est toute la CGT du département qui se mobilise pour prévenir des conséquences de cette ouverture. « On nous dit que ceux qui travailleront le dimanche le feront sur la base du volontariat. Mais c’est faux. Aucun salarié en CDI n’a été sollicité, tout va reposer sur des étudiants embauchés sur des contrats spécifiques, avec bien sûr le taux horaire le plus bas. Des contrats qui se terminent à la fin de leur année scolaire. L’offre commerciale sera aussi à la baisse. C’est exactement ce que va aussi faire Leclerc à Carpentras », affirme Mme Vera, salariée au Pontet.

« L’ouverture se fait du matin jusqu’à 13h mais nous savons que la direction souhaiterait ouvrir toute la journée, sur la base du volontariat, un peu comme les 12 ouvertures exceptionnelles accordées chaque année. Ce que nous craignons, c’est que le travail du dimanche finisse par être imposé aux salariés. Je rappelle que la plupart des salarié.e.s sont des mères célibataires. On va leur faire briller du salaire supplémentaire… en échange d’une dégradation de leurs conditions de vie », rappelle Sandrine Pizzuto, déléguée syndicale.

Julien Gentilly, représentant syndical abonde,

« ce sont d’abord des contrats de 5 ou 6h par semaine pour les étudiants, mais si on ouvre toute la journée, ce sont les salariés en CDI qui seront sollicités. »

 

Un accord de performance collective

D’autant qu’il existe un accord de performance collective, comme le rappelle Bruno Llorens, secrétaire du syndicat de la zone de vie, qui pourrait imposer le travail du dimanche. Les syndicalistes rappellent que si jusqu’alors ce magasin-là n’ouvrait pas, contrairement aux autres de la zone de vie, « c’est parce que c’est le plus gros et le plus ancien magasin où les salariés sont le plus au fait de leurs droits, ce qui a du faire hésiter la direction. Mais avec cet accord de performance collective signé par les syndicats majoritaires — mais pas la CGT — tout devient possible ».

 

Hypermarché contre marché de Provence

Concernant les conséquences sur le commerce de proximité, les syndicalistes ont pensé au marché du dimanche à Sorgues : « On va leur faire de l’ombre, c’est un marché de proximité, convivial. Nous, c’est un magasin anonyme qui va créer de la frustration et de la surconsommation », dit Julien.

Yves Couston, de la CGT Conseil Régional, renchérit : « Nous avons beaucoup de dossiers de surendettement. Et qui va aller dans ces magasins ? Les plus pauvres qui vont faire des crédits à la consommation pour acheter ce dont ils ont besoin. C’est comme pour les salariés, ce sont ceux qui ont les plus bas salaires qui vont se sentir obligés de travailler. Il y a pourtant beaucoup d’autres choses à faire le dimanche. Nous nous opposons à ces ouvertures, comme à toutes les pratiques patronales qui détériorent les conditions de vie. La richesse créée le dimanche est faible, mais les patrons veulent toujours gagner plus même si c’est un peu. Beaucoup de femmes seules travaillent dans ces magasins, et ça va leur poser des problèmes de garde d’enfants, et beaucoup risquent d’accepter à contre cœur pour éviter un jugement de leur employeur si elles refusent d’être volontaires ».

 

Interpeller les élus

Alors que faire ? S’opposer à l’ouverture ? La CGT n’en n’a pas les moyens. Pour le secrétaire général de l’Union Départementale, David Tesio, il faut interpeller les élus, ceux du Grand Avignon, et au-delà du département, notamment les parlementaires.

« Aux élus de prendre leurs responsabilités aujourd’hui. On ne peut pas faire des promesses aux commerçants pendant les campagnes électorales, et ensuite ne pas agir. »

Parmi les actions envisagées, après des lettres aux élus et au préfet, les syndicalistes projettent des actions d’information en direction des salariés du Pontet. Ils devaient être une cinquantaine à intégrer leur poste dimanche 30 août, accompagnés de personnels d’encadrement.

L’annonce de l’ouverture du dimanche n’a fait réagir aucun élu, ni du Grand Avignon, ni du département. C’est la raison pour laquelle les syndicalistes ont décidé de les interpeller. Au-delà du silence des élus, c’est le rôle des parlementaires qui est ici interrogé. En termes de droit du travail, les conséquences des accords de performance sont dévastateurs depuis les lois travail. C’est en plein mois de juillet, lors d’un CSE1 composé majoritairement de représentants du syndicat maison — SEGA — et de la CFTC, que l’information est parvenue aux élus CGT qui, avec FO, ont refusé d’entériner cette proposition.

Depuis, le groupe se prépare à se séparer de 1475 salariés en France. Deux dimanches sont passés et aucun des élus, pourtant interpellés dans la presse locale, n’a encore réagi à l’appel du syndicat.

Christophe Coffinier

Notes:

  1. Comité social et économique
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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.