Les syndicats CGT, SUD, FSU et CNT de l’Inspection du travail ont saisi l’Organisation internationale du travail : ils dénoncent des entraves à leur mission de la part du ministère du Travail, qui culminent selon eux avec la mise à pied le 15 avril d’un inspecteur de La Marne. Le lendemain de la sanction, lors d’une conférence de presse téléphonique, plusieurs syndicats ont démontré qu’il ne s’agissait pas d’un cas isolé en faisant état de dizaines de témoignages d’inspecteurs du travail dissuadés ou empêchés de se rendre sur des sites d’entreprise par leur hiérarchie depuis le début de la crise du Covid-19.

Selon eux, la direction du travail interdit désormais les contrôles inopinés dans les entreprises et les subordonne à l’autorisation de la hiérarchie, officiellement pour protéger les agents du coronavirus. Or, les masques sont inexistants dans la plupart des départements, ce qui limite considérablement l’activité d’inspection.

Pour Pierre Mériaux (FSU), la crise du Covid-19 révèle les failles et les aggrave. Les 2 000 inspecteurs du travail chargés de contrôler 1,8 million d’entreprises, soit 18 millions de salariés, sont déjà en nombre insuffisant pour faire leur travail, avec un inspecteur pour 8 000 salariés, souligne-t-il.

Alors que la situation exigerait des droits et des pouvoirs renforcés pour protéger les salariés, le ministère du Travail organise la paralysie et le court-circuitage de l’inspection du travail et l’empêche d’exercer ses missions en violation des règles de l’OIT, indiquent les syndicats qui ont saisi l’Organisation internationale du travail.

Mise à pied d’un inspecteur

Dans La Marne, l’inspecteur du travail Anthony Smith, militant CGT et représentant au Conseil national des Inspecteurs du travail a été mis à pied , pour avoir engagé une procédure de référé à l’encontre d’une structure d’aide à domicile, important pourvoyeur d’emplois à Reims.

Il lui est notamment reproché, selon la CGT, d’avoir adressé des lettres de rappel de la réglementation aux entreprises de son secteur. Depuis le début de la crise sanitaire, l’orientation du ministère du Travail est la poursuite de l’activité économique à tout prix et quel qu’en soit le coût pour les salariés, a dénoncé la CGT, qui exige le retrait immédiat de la mise à pied d’Anthony Smith.

Dans un communiqué publié jeudi soir, le ministère du Travail justifie la suspension par l’intérêt du service . L’agent concerné a méconnu de manière délibérée, grave et répétée les instructions de l’autorité centrale du système d’inspection du travail concernant l’action de l’inspection durant l’épidémie de Covid-19, peut-on lire.

Au-delà de ce cas, les syndicats reprochent au ministère de faire passer avant tout la continuité de l’activité, comme l’a montré la passe d’armes entre la ministre Muriel Pénicaud et le secteur du BTP, réticent à reprendre les chantiers de façon très responsable, souligne-t-il. La saisine de l’OIT se base notamment sur l’article 6 de la convention 81 de 1947 qui rend les agents de l’inspection du travail indépendants de toute influence extérieure indue.

 

Un Communiqué Syndical

de la confédération CGT, de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat, du SNTEFP-CGT et la CGT de la Marne


Anthony Smith est le représentant national de la CGT au conseil national des inspecteurs du travail.

Anthony Smith, inspecteur du travail du département de la Marne, ancien secrétaire général de la CGT TEFP, membre de son bureau national et représentant des inspecteur-trices du travail au Conseil national de l’inspection du travail, vient de se voir notifier la suspension immédiate de ses fonctions « dans l’intérêt du service », à titre conservatoire, dans l’attente de la mise en œuvre d’une possible sanction disciplinaire.

Le motif de cette procédure d’une extrême violence ? Notre collègue et camarade a voulu continuer à exercer ses missions de contrôle du respect du droit du travail dans cette période où les salarié-es qui continuent de travailler sont encore davantage exposé-es qu’en temps normal. Il lui est ainsi notamment reproché d’avoir adressé des lettres de rappel de la réglementation aux entreprises de son secteur, et surtout d’avoir engagé « hors du cadre collectif de l’unité de contrôle » une procédure de référé visant une structure d’aide à domicile n’ayant pas pris de mesures suffisantes pour préserver la santé et la sécurité des travailleur-euses qu’elle emploie. Il lui est également expressément reproché d’avoir demandé à l’employeur de cette structure de mettre des masques de protection et d’autres équipements de protection individuelle à disposition des aides à domicile alors même que des salarié-es de l’association ont été hospitalisé-es et plusieurs autres  en arrêt pour suspicion de COVID 19.

Depuis le début de la crise sanitaire que nous traversons, l’orientation du ministère du travail est la poursuite de l’activité économique à tout prix, et quel qu’en soit le coût pour les salariés. La suspension de notre collègue et camarade s’inscrit dans la droite ligne de cette doctrine. Muriel Pénicaud veut faire régner la terreur dans les rangs de l’inspection du travail, perçue comme un obstacle à cette orientation, afin de dissuader les agents de contrôle de faire usage des pouvoirs que leur confère le code du travail. L’objectif est notamment d’éviter que les procédures en référé, comme celles qui ont été couronnées de succès dans le département du Nord, ne se généralisent sur le territoire.

A cette fin, comme le dénonce depuis maintenant plusieurs semaines l’intersyndicale CGT-SUD-FSU-CNT du ministère du travail qui vont saisir l’OIT, le ministère du travail est prêt à toutes les dérives et n’hésite pas à violer allégrement les textes nationaux et internationaux, notamment l’article 6 de la convention n°81 de l’OIT qui rend les agent-es de l’inspection du travail indépendant-es « de toute influence extérieure indue ».

Car cette procédure infâme est engagée sur fond de complète collusion entre la hiérarchie locale et l’employeur visé par l’assignation en référé, important pourvoyeur d’emplois à Reims. Relayant les pressions du pouvoir politique et du patronat, la responsable départementale de la DIRECCTE de la Marne a ainsi ouvertement invité par écrit l’employeur à faire obstacle au contrôle engagé en lui conseillant de ne plus répondre aux sollicitations de l’inspecteur du travail et de « mettre cette correspondance de côté ». L’employeur s’est même enquis par courriel du 11 avril 2020, soit avant que notre collègue ne soit informé de son existence, de l’avancement de la procédure disciplinaire en ces termes éloquents : « où en êtes-vous de la procédure le concernant ? ».

Les responsables nationaux du ministère du travail qui ont choisi de relayer et d’amplifier ces manigances se couvrent de honte et devront en répondre. Car en empêchant sciemment une procédure de référé, pouvoir propre de l’inspecteur-trice du travail, d’aller à son terme, l’administration engage aussi sa responsabilité quant aux conséquences possibles et prévisibles pour les salarié-es concerné-es dont l’exposition au risque perdure aujourd’hui.

La CGT invite l’ensemble du monde du travail à dénoncer cette mesure grave qui participe d’une offensive généralisée contre les droits des salarié-es au prétexte de l’urgence sanitaire. Elle exige le retrait immédiat de la mise à pied d’Anthony Smith et l’abandon de toute procédure disciplinaire.

Elle demande l’arrêt de toutes les pressions et représailles à l’encontre des agent-es du ministère du travail qui tentent de mener à bien leurs missions dans ces circonstances exceptionnelles.