Quatre responsables de l’ONG SOS Méditerranée ont tenu une conférence en ligne fin mai. Si leur navire est encore à quai à Marseille en raison de la crise sanitaire, l’Ocean Viking reprendra bientôt la mer pour continuer à sauver des vies en Méditerranée centrale. Car, pandémie ou pas, les tentatives pour rejoindre l’Europe sont toujours massives.


 

« Il n’ y a plus d’acteurs humanitaires en mer, on a connaissance de cas de détresse mais on est certainement très, très, loin de connaître l’ampleur de cette tragédie » : les propos de Sophie Beau, directrice générale et co-fondatrice de SOS Méditerranée 1 plantent le décor, si l’on peut dire. Malgré le silence médiatique déploré par les acteurs de SOS Méditerranée, les tentatives de départs continuent, preuve que la théorie de « l’appel d’air », ou pire, l’assimilation des ONG  à des « passeurs » n’ont aucun sens. Actuellement, des opérations de sauvetage, coordonnées par les autorités maltaises, ont lieu mais les personnes secourues sont retenues dans les eaux internationales. « Les États européens ne doivent pas laisser Malte et l’Italie seules, il faut apporter un peu de fluidité aux pays en première ligne », souligne Sophie Beau.

Dans un communiqué en date du 4 juin, SOS Méditerranée précise que « 425 rescapés sont toujours bloqués au large de Malte sur des bateaux de croisière touristiques affrétés par le gouvernement maltais. Extrêmement vulnérables, ces personnes sont utilisées à des fins de négociations politiques entre les États européens », déplore l’ONG. SOS Méditerranée qui continue à interpeller les États européens, au nom du respect du droit maritime international, a pu constater qu’atteindre l’Italie reste l’objectif des exilé-e-s dans la plupart des cas, malgré l’ampleur prise par l’épidémie de Covid-19. Une épidémie qui, d’une certaine manière, a été à l’origine de la rupture du partenariat avec Médecins sans frontières. Privée de la possibilité de débarquer les naufragés en ports sûrs, SOS Méditerranée considère que « repartir en mer dans ces conditions aurait mis en risque nos équipes, nous avons fait le choix de suspendre alors que MSF souhaitait repartir, d’où sa décision de rompre le partenariat, pour nous il y avait un risque fort de saisie du navire et une hypothèque sur notre mission »

Le tout est dit sans amertume, sans colère et l’ONG travaille depuis plus d’un mois sur un retour en mer avec une nouvelle équipe médicale, mais sans partenariat avec une autre structure pour le moment. Lors du direct du 26 mai, une sage-femme tunisienne a fait part de sa volonté de participer. Mais tout ceci n’a évidemment rien d’un voyage d’agrément. Encore moins dans les conditions actuelles : « on doit intégrer le risque Covid sur l’ensemble de la chaîne : isoler une personne en cas de « suspicion », mettre en place les protocoles qui respectent les recommandations de l’OMS, éviter que les gens se croisent, avoir des matériels de protection», indique Frédéric Penard, directeur des opérations maritimes. « Pour nos sauveteurs, on sait que la confrontation avec ces situations porte un risque assez fort de détresse et de souffrance, il y a un suivi individualisé, par des équipes de psychologues bénévoles », poursuit-il. 

Quels soutiens ?

La fin du partenariat avec Médecins sans frontières qui contribuait aussi aux frais d’affrètement du bateau (14 000 euros par jour) et l’annulation forcée de dizaines d’événements de soutiens pour cause de pandémie (notamment dans les Bouches-du-Rhône où une série de concerts était prévue) posent plus que jamais la question du financement des actions de SOS Méditerranée. L’ ONG est liée à un réseau européen d’associations, en Italie, en Allemagne ou en Suisse, un pays qui est « très concerné par le devoir d’assistance », selon Sophie Beau. La directrice générale et co-fondatrice de SOS Méditerranée ne cache pas l’espoir placé dans « la mobilisation citoyenne qui est le fioul de la mission», mais aussi dans la recherche de mécènes : « il faut que nous redoublions d’ardeur car nous n’avons pas de visibilité sur l’ensemble de l’année ». 

Obtenir des soutiens, c’est aussi multiplier les occasions de se faire connaître. Cela passe notamment par la sensibilisation auprès du public scolaire. Si elle n’a pas le  « grand partenariat avec l’Éducation nationale »  réclamé par un auditeur lors de la conférence en ligne, SOS Méditerranée a un agrément pour cinq ans qui permet des interventions dans les établissements du primaire et du secondaire où « un intervenant externe peut parfois témoigner avec un marin sauveteur », précise Sophie Beau. 

Après deux mois de confinement et l’arrêt forcé des opérations de sauvetage, SOS Méditerranée dresse un constat alarmant : « La Méditerranée reste confinée. Des personnes en danger ne sont pas secourues, des appels de détresse restent sans réponse, des interceptions et retours de force vers l’enfer libyen se déroulent en toute illégalité et les ports européens sont fermés. » L’ONG envisage le retour en mer de L’Ocean Viking dans le courant du mois de juin. Et lance un appel aux bénévoles : « Pas besoin d’être capitaine de marine marchande ni médecin pour sauver des vies ».

Morgan G.  

Notes:

  1. sosmediterranee.fr
JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"