C’est une des surprises du résultat du premier tour en pays cévenol. À Val- d’Aigoual, la liste participative conduite par Joël Gautier a été élue de peu au premier tour. Le maire sortant UDI, Thomas Vidal, qui a hérité de la présidence de la communauté de communes Causses Aigoual Cévennes il y a 18 mois ne s’en est pas remis. Il a déposé un recours en annulation.


 

Val-d’Aigoual. Dans cette commune gardoise cévenole de 1 500 habitants, on n’a pas souhaité faire traîner la transition. Officiellement les premières réunions des conseils municipaux doivent se tenir entre le 23 et le 28 mai (1). Samedi 23 mai dès huit heure le conseil élu dès le premier tour était réuni pour désigner le nouveau maire.

À la tête d’une liste participative, Joël Gautier a été élu et prend la relève de Thomas Vidal qui pensait jouer sur du velours. À sa grande surprise, le maire sortant qui figurait localement comme une tête montante de l’UDI n’a pas passé la barre et conteste les résultats du premier tour. « L’organisation laminaire du premier tour des municipales n’est pas sincère au niveau national et local. On ne pouvait pas participer au vote. Sur la commune le taux de participation est en recul de 15%. Je ne sais pas ce que va devenir cet exécutif inexpérimenté. Je le qualifierais de mal élu ».

Dans l’attente du rendu du tribunal administratif qui devra statuer sur une position politique, les 8 voix qui séparent les deux listes valident la victoire de la liste Joël Gautier avec un taux de participation de 73%.

« Les élus n’ont pas à fanfaronner. Ils sont là par hasard, l’incompétence est de rigueur », observe encore Thomas Vidal qui précise : « Je ne cherche pas à mettre le feu. Nous n’avons pas pris part au vote, mais nous sommes là. Je suis président de la communauté de communes et je ne laisserai jamais tomber mon territoire. » À y regarder de plus près, il faudra attendre le résultat du second tour des municipales pour savoir si l’ancien maire conservera la présidence de la communauté de communes Causses Aigoual Cévennes.

L’aigreur manifeste du maire sortant de Val-d’Aigoual est partagée par un certain nombre de maires dans l’hexagone qui sont à l’origine d’une pétition nationale pour demander l’annulation du premier tour. « On compte parmi les signataires un certain nombre de mauvais perdants dont les plans de carrière se sont trouvés bouleversés », indique un soutient du nouveau maire. « Thomas Vidal est un bosseur mais il bosse seul. Sa vision de la pratique politique est dépassée. Elle correspond à celle des notables qui reste au pouvoir le plus longtemps qu’ils peuvent et qui désignent leur successeur quand ils arrivent au bout du rouleau ».

À l’origine, la liste qui coiffe Thomas Vidal sur le poteau est issue du collectif Liron Aigoual qui s’est constituée pour demander une consultation sur le projet de fusion des communes qu’il a mené à la hussarde (2).

« Notre collectif savait que cette fusion aurait recueilli un avis majoritairement favorable. Elle demandait seulement à ce que les citoyens soient consultés mais Thomas Vidal a voulu passer en force parce qu’il travaille à huis clos, avec ceux qui sont dans son camp. »

De mémoire d’ancien, à Valleraugue on n’avait pas vu un maire ne faire qu’un seul mandat depuis 1942. Le record de longévité revenant au règne de Francis Cavalier-Bénezet, premier magistrat entre 1953 et 2001.

 

Longue et difficile période de passation

 

Durant les deux mois du confinement, les nouveaux élus ont dû ronger leur frein. Officiellement, ils auraient dû travailler de concert avec l’équipe sortante pour gérer la crise mais Thomas Vidal et son équipe ne leur ont pas permis de mettre le pied à l’étrier.

Joël Gautier le nouveau maire de Val-d’Aigoual Photo DR altermidir

« Nous avons proposé notre aide pour l’application des protocoles, indique Joël Gautier, mais il nous a dit de rester chez nous. Une fois de plus, l’ancien maire avait décidé qu’il devait occuper le terrain seul. » Le contexte sanitaire a divisé la commune. Pendant plus de deux mois les édiles sortants ont fait office d’intérimaires, tandis que les suivants ont pris leur mal en patience.

Samedi, dans la salle sans paillettes du foyer rural de Valleraugue, le passage de relais entre les deux équipes sonne l’heure de retrouvailles éphémères. L’ensemble des membres de l’assemblée est masqué, la salle est aménagée afin de maintenir les mesures de distances de sécurité.

Tout se passe en apparence sereinement, cependant l’ambiance révèle un sentiment de malaise. Dès le début de séance, Thomas Vidal s’adresse à l’assemblée pour signifier que son groupe ne prendra pas part aux votes appelés à l’ordre du jour.

Une fois élu, Joël Gauthier qui n’entend pas se laisser marcher sur les pieds par son prédécesseur, se fend d’une réplique mitterrandienne avec l’assurance en moins : « Sachez monsieur le conseiller, qu’aujourd’hui je représente 100% des administrés. » Calé au fond de sa chaise de manière flegmatique le maire sortant pianote sur son smartphone en restant à l’affût : «  Pour votre info, votre écharpe tricolore n’est pas du bon côté. Ça se porte sur l’épaule droite », assène-t-il à son successeur alors que celui-ci s’efforce d’adopter une attitude solennelle.

Visiblement le déconfinement est difficile pour tout le monde. Après quelques regards en coin la séance d’amabilités touche à sa fin. À la sortie, le nouveau maire novice semble soulagé de retrouver le réel.

De nombreuses tâches l’attendent, lui et son équipe, mais pas seulement si l’on en croit la profession de foi prononcée lors de son premier discours de maire : « Notre volonté farouche est de faire vivre et de développer notre territoire en plaçant nos administrés au centre de notre mandat. Nous comptons impulser des projets et les proposer à la population au stade de la réflexion. » Une page se tourne…

Jean-Marie Dinh

Notes:


  1. Le décret publié au JO le 15 mai dernier fixe la date d’entrée en fonction des conseils municipaux élus lors du premier tour des municipales.
  2. Le 1er janvier 2019, Vallraugue a fusionné avec la commune voisine de Notre-Dame-de-la-Rouvière pour former la commune nouvelle de Val-d’Aigoual.

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.