Livre. Crépuscule de Juan Branco

Nous sommes des citoyens mal informés pour avoir pu penser qu’un jeune homme surgi de nulle part, aux tempes blondes et aux yeux de ciel, allait répondre aux besoins du pays et améliorer notre destin collectif. Dans son dernier livre dont le titre « Crépuscule » appelle paradoxalement au renouveau et à l’optimisme, Juan Branco légitime le mouvement social des gilets Jaunes. Ceux qui, justement, ont été les premiers à comprendre la supercherie : « Que les cultivés et les sachants, eux qui tirent leurs légitimité et leurs revenus de leur supposée capacité à interpréter le réel, avaient oblitéré. » Il dissipe aussi la poudre de perlimpinpin et l’écran de fumée maintenu par le petit milieu de l’élite parisienne pour expliquer les soutiens lourds de conséquences dont a bénéficié M. Macron. On trouve notamment dans ce réquisitoire politique la réponse à la question : Pourquoi la presse libre s’est satisfaite de faire le récit que lui dictaient ses dirigeants ?

Le fait que le vote des français ne s’est pas fait de façon informée pose pour l’auteur un problème démocratique ontologique qui expose notre régime politique dans sa nature dès lors qu’il retire à ses dirigeants toute possibilité d’être légitimé. On pense à Foucault, « La vérité est liée circulairement à des systèmes de pouvoir qui la produisent et la soutiennent, et à des effets de pouvoir qu’elle induit et qui la reconduisent». Monsieur Macron a compris très vite que le principal critère pour accéder au pouvoir est de complaire aux plus favorisés. Il s’y est d’ailleurs toujours employé, souligne Juan Branco. La volonté obsessionnelle d’Emmanuel Macron d’obtenir des privatisations ne date pas d’aujourd’hui. « Il n’aura agi à tout instant qu’en réponse à une ambition mise au service de ceux qui le serviraient, de IGF au ministère de l’économie en passant par l’Elysée

Après une introduction un peu formelle, dans la première partie de l’ouvrage, Juan Branco s’attarde sur une description minutieuse des fondements de l’odyssée. En commençant par nous faire visiter l’écosystème éducatif parisien et mesurer les privilèges exorbitants offerts aux enfants des dirigeants politiques et économiques. Un chemin tracé sur lequel s’enchaînent les opportunités. C’est ainsi que le jeune Emmanuel Macron se retrouve nommé ministre par un président aux abois, alors même qu’il venait de quitter l’Élysée pour créer un cabinet de lobbying.
On connait la suite, l’auteur apporte dans la seconde partie du livre de croustillants détails sur les appuis financiers qui ont permis son élection à la présidence. Le portrait de Xavier Niel (1) ami intime de Macron vaut le détour. Les services de la fameuse Mimi Marchand comme les hommes de main d’Arnaud Lagardère et de Patrick Drahi pourraient trouver place dans un film d’Audiard et prêteraient à rire s’il n’étaient pas les tuteurs synchrones du système de corruption le plus important du pays.

Enfant terrible du sérail, Juan Branco démonte les mythes médiatiques à partir d’informations sourcées permettant d’évaluer le pouvoir et l’emprise des acteurs de ce redoutable théâtre de poche. La préface est signée Denis Robert.

À partir de septembre 2018, le pouvoir présidentiel entre dans son crépuscule. L’affaire Benalla agit comme un déclencheur. « L’innocence chronique de l’immaculée conception de la Macronie, reprise en boucle par une presse unanime, trouvait là une première fêlure qui bientôt l’embraserait ». Le feu consume l’édifice depuis maintenant six mois et le dernier remaniement ministériel est venu confirmer, à travers la nomination des fidèles, l’illégitimité électorale comme entité de la macronie.

En s’adressant directement au chef de l’État, Edwy Plenel avait déjà tiré un constat éclairant : « Vous êtes le produit d’une circonstance accidentelle, exceptionnelle. » Ce que démontre le réquisitoire politique du conseillé juridique de Julien Assange, c’est que le système mis en place par quelques personnes a suffi à court-circuiter l’ensemble des garde-fous de notre démocratie. Un constat effrayant et à la fois rassurant si l’on songe que ce pouvoir si violemment oppressant pour les Français ne tient vraiment pas à grand chose et qu’il a déjà commencé à vaciller.

Jean-Marie Dinh

(1) Xavier Niel milliardaire propriétaire du Monde, ex actionnaire d’un réseau de peepshows.

Crépuscule, Juan Branco, Au diable vauvert, Massot Éditions, 19 €

Juan Branco, avocat, conseiller juridique de WikiLeaks et de Julian Assange, a évoqué son nouveau livre « Crépuscule » hier à Montpellier. Il sera à Aix et à Marseille mercredi 3 avril.

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.