Après avoir rencontré des féministes musulmanes pour composer le premier chapitre de MADAM (MADAM#1 – Est-ce que tu crois que je doive m’excuser quand il y a des attentats ?) puis des graffeuses pour écrire le deuxième chapitre (MADAM#2 – Faire le mur – Ou comment faire le mur sans passer la nuit au poste ?),  Helène Soulié présente le 3ème chapitre de MADAM sportif, politique, queer.


 

Par Hélène Soulié *

Constatant que les médias et le discours commun se focalisaient toujours sur les échecs des femmes, plutôt que sur leurs victoires, j’ai décidé d’aller rencontrer des femmes dont le métier même est de gagner. De marquer des points. Et rendez-vous a été pris avec les joueuses professionnelles du BLMA (Basket Lattes Montpellier Agglomération), qui à l’heure où j’écris, sont en tête de l’Eurocup et de la Ligue 1 de Basket Féminine. Des championnes je vous dis !

Pendant une semaine, avec Mariette Navarro – autrice associée à ce chapitre, nous avons assisté aux entrainements de l’équipe, suivi les matchs, interviewé les meneuses, les ailières, les scoreuses, les coatchs, et appris ce qu’était qu’une attaque en triangle*. Nous avons appris des mots comme Buzzer beater*, Mismatch*, No-look pass*, Overtime*, Run and Gun*, Slam dunk*, Shot*, WNBA*, et plein d’autres mots encore ! Nous sommes entrées dans un monde avec ses codes et son langage.

Les sportives sont des pionnières. Elles investissent un espace encore très masculin. Hyper médiatisé par et pour les hommes. Elles inventent des stratégies de jeu, comme des stratégies pour exister nouvellement en tant que femmes.

Pour mettre en scène le texte, écrit pour l’occasion par Mariette Navarro, j’ai cherché une actrice qui pourrait être basketteuse. Quelqu’un qui en avait le corps, qui avait envie de mettre son corps à l’épreuve de la langue. Et je travaille avec Lymia Vitte, à une forme performative, physique, musclée, où la langue et le corps ne font qu’un.

L’usage que nous faisons de notre corps façonne notre façon d’être au monde. Comme l’usage que nous faisons de la parole, de la langue, nous façonne.

 

Le corps et la langue sont ce qui nous définit, nous structure

S’approprier son corps, s’approprier ou se réapproprier sa langue, font partis des combats quotidiens que doivent mener les femmes. Il n’y a qu’à écouter la multitude de slogans scandés ces trente dernières années dans les rues par les femmes : Mon corps est à moi, Plutôt jouir que de se reproduire, Je n’ai de maternelle que la langue…

Est-ce que les femmes ont le droit de décider comment vivre avec leur corps ? Ont elles le droit d’en parler ? Si le sport féminin était plus médiatisé, si nous avions plus de modèles, penserait-on davantage à utiliser nos corps ? Est-ce que c’est pareil pour la langue ? Est-ce que démasculiniser la langue française a une influence, un impact sur nos représentations ? Sur nos imaginaires ?

Pour répondre à toutes ces questions, c’est donc tout naturellement que j’ai convié Eliane Viennot, historienne et grammairienne, sur le plateau.

Le corps des femmes, et les usages de la langue sont des arènes, espaces d’empoignements politique de notre temps, qui mettent à jour le sexisme qu’on nous inculque, qu’on nous rabâche : « Le masculin l’emporte sur le féminin »…

Le sujet n’a rien d’anecdotique. Le patriarcat veut faire taire les femmes, les faire disparaître. Revendiquer la visibilité dans la langue, montrer des corps de femmes émancipés de leur condition, c’est transgresser les normes, c’est (enfin) exister. « 

 


Un projet d’ Hélène Soulié / Mariette Navarro / Lymia Vitte / Éliane Viennot

à découvrir le 1er février 2019 – 20h30 – Théâtre Jacques Cœur – à Lattes.


 

* Hélène Soulié

Metteuse en scène – Dramaturge -Directrice artistique de la compagnie Exit

Elle est formée par des hommes de troupe : Ariel Garcia Valdès, Georges Lavaudant, Christophe Rauck, et joue sous la direction de Yann Joel Collin, et Michel Deutsch. L’espace de recherche proposé par la compagnie revendique la perméabilité des langages sur les plateaux de théâtre, dans des espaces d’exposition, et hors les murs, en créant des grandes formes en salle, des petites formes nomades, et des installations plastiques où autres formes hybrides, qui sont toujours des expériences sensibles qui inventent une relation aux spectateurs toujours renouvelée. Le travail de la compagnie est également fondé sur un rapport fort aux écritures. La rencontre avec la langue est le vecteur des créations : c’est à cet endroit qu’elles puisent leur énergie. Les textes (de dramaturges contemporains ou classiques, de romanciers et romancières,  ou de poètes et poétesses) sont choisis pour ce qu’ils disent de l’état du monde, de l’Homme d’aujourd’hui en prise avec ses peurs fondamentales, peurs collectives et/ou intimes, et permettent de sonder la sphère sociale, ses maux, ses mécanismes.

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