L’étude sur la critique du cinéma en France complète le palmarès politique du 72e festival de Cannes sous la présidence de Alejandro González Iñárritu. Cette année, seuls quatre long métrage réalisés par des femmes étaient en compétition.

Sous la présidence du réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu (The Revenant, Birdman) — une première pour un réalisateur latino américain — Parasite du Sud-Coréen Bong Joon-ho a reçu la palme d’Or pour un film que France 24 qualifie de « percutante farce sociale tendance lutte des classes ». Le récit autobiographique de Pedro Almodovar, Douleur et gloire, repart avec un prix d’interprétation masculine pour Antonio Banderas. Le prix d’interprétation féminine a été remis à la Britannique Emily Beecham pour son rôle de phytogénéticienne dans le conte fantastique Little Joe de Jessica Hausner.

Teneur politique

Le Grand Prix, sorte de médaille d’argent de la compétition, revient à Atlantique, premier film de la Franco-Sénégalaise Mati Diop qui raconte l’immigration de la jeunesse dakaroise du point de vue de celles qui restent. Politique aussi, le double Prix du jury accordé au film Les Misérables du Français Ladj Ly et au western futuriste Bacurau des Brésiliens Juliano Dorneles et Kleber Mendonça Filho. L’un comme l’autre sont des films dressant un accablant état des lieux de leur pays. Le premier est une chronique abrupte des violences policières dans les quartiers sensibles de la miséreuse Seine-Saint-Denis, le second une forte dénonciation de l’incurie d’un État brésilien plus soucieux des intérêts privés que collectifs.

Mais l’apparent équilibre des genres et la teneur politique du palmarès n’aveuglent pas qu’au final, seules trois femmes figurent au palmarès. Le collectif 50/50 pour 2020 en faveur de plus de parité et plus d’égalité (notamment salariale) dans le 7e art s’est brillamment illustré l’an passé, sous la présidence de Cate Blanchett, avec la montée des marches de 82 femmes, incarnant les 82 femmes sélectionnées en compétition officielle à Cannes depuis ses débuts contre 1 688 hommes. Agnès Varda — qui doit être avec nous en pensée — avait lu un texte simple pour rappeler que dans l’histoire du festival, la prestigieuse Palme d’or a été décernée à 71 réalisateurs, mais seulement à deux réalisatrices : Jane Campion et elle-même.

 

Montée des marches des 82 femmes. Cannes 2018

Les critiques de cinéma sont surtout des hommes

Lancé l’an dernier dans la foulée de #MeToo pour promouvoir la parité dans le cinéma, le collectif « 50/50 pour 2020 » a publié une étude sur les critiques de films en France. Cette étude se fonde sur l’analyse des notes de 611 consœurs et confrères de la presse écrite, portant sur 646 films sortis de début mai 2018 à fin avril 2019. Il en ressort tout d’abord que les critiques de cinéma sont surtout des hommes. Seulement 37% sont des femmes, alors qu’elles représentent quasiment la moitié des journalistes français. Dans la presse spécialisée cinéma, elles ne représentent même qu’un quart des rédactions. Les genres cinématographiques eux-mêmes sont sexuellement genrés : quand il s’agit d’écrire sur les films d’action, les thrillers et même, plus étonnant, sur le documentaire, ce sont des hommes qui écrivent. Aux femmes d’apprécier les comédies, les drames et les romances.

Le système constitue l’obstacle

Cette année, la publication par le festival de Cannes, comme il s’y était engagé, de statistiques genrées, indiquent que si 26% des longs métrages qui ont été présentés à son comité de sélection ont été réalisés par des femmes, seules 4 d’entre elles sont en compétition cette année, soit 19%.

Dans le cadre d’une institution historiquement dominée par des hommes, le genre n’est pas seulement une variable à prendre en compte. La dimension politique des recherches se distinguent en l’occurrence de l’approche libérale qui postule que l’objectif politique à atteindre est l’inclusion des femmes, à égalité, dans le système tel qu’il existe. L’intérêt de cette étude sur la critique de cinéma est qu’elle s’inscrit sur une approche de la « différence », qui met au contraire en avant les qualités et caractéristiques propres aux femmes et qui prônent une transformation du système politique fondée sur de nouvelles valeurs. Pas étonnant que cette rupture dans les façons traditionnelles de penser provoque des levers de boucliers.

JMDH

Le palmarès complet du 72e festival de Cannes :

Palme d’or : « Parasite » de Bong Joon-ho

Grand Prix : « Atlantique » de Mati Diop

Prix d’interprétation masculine : Antonio Banderas dans « Douleur et gloire »

Prix du jury : « Les Misérables » de Ladj Ly et « Bacurau » de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles

Prix de la mise en scène : « Le Jeune Ahmed » de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Prix d’interprétation féminine : Emily Beecham dans « Little Joe »

Prix du scénario : « Portrait de la jeune fille en feu » de Céline Sciamma

Mention spéciale du jury : « It Must Be Heaven » d’Elia Suleiman

Caméra d’or : « Nuestras madres » de Cesar Diaz

Palme d’or du court métrage : « La distance entre le ciel et nous » de Vasilis Kekatos

Mention spéciale du court métrage : « Monstruo Dios » d’Agustina San Martín

Avatar photo
Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.