Qui ne l’a pas encore découvert, devrait se presser de scruter le calendrier culturel pour aller vite s’en délecter. « Désobéir » est une pièce inédite portée avec brio par quatre jeunes comédiennes décidées à en découdre avec les carcans de la tradition et le poids d’une éducation radicalement abusive.


Une pièce où les talentueuses dévoilent leurs propres combats, salutaires. Un petit bijou théâtral où les verbes lutter, s’indigner, résister, refuser de se soumettre, résonnent comme par magie, claquant au sol et à travers les murs pour traduire un long processus de libération.

Comme un signe manifeste et libertaire, « Désobéir » est né d’une révolte vécue. Celle de jeunes femmes d’Aubervilliers, issues de la deuxième ou troisième génération de l’immigration de Turquie, d’Iran, du Maroc… Celle salvatrice, portée par l’énergie et le désir d’authenticité qui questionne l’héritage culturel et démolit tout ce qui colonise l’esprit et le corps pour n’en garder que la quintessence.

Intime et politique

Sexualité, racisme, radicalisme, religion, extrémisme, phallocratie, autant de thèmes fouillés dans cette volonté de se forger son propre chemin et le nécessaire refus de toute servilité, allant bien au-delà, évoquer le sort des femmes en général. S’attelant à une véritable entreprise d’excavation mêlant intime et politique, la pièce explore en permanence le « de quoi sommes-nous les héritiers ? »

Des désirs aux illusions, c’est avant tout par la clairvoyance née de l’écoute de soi d’abord, que le processus de libération se construit et donne sens à la vie, ici.

Et parce que l’art lui-même est une des émanations de l’indignation, ce précieux « Désobéir » mis en scène par Julie Berès, convoque toutes les formes artistiques dans un rythme effréné. Danses, hip-hop, marche, chants poignants, monologues ou dialogues mémorables… Sur le plateau, corps et esprit ne font qu’un pour évoquer le long chemin de résilience dans une interprétation lumineuse, voire révolutionnaire.

Ecriture plurielle

Evitant tous les poncifs, l’écriture de Désobéir à laquelle a participé l’écrivaine Alice Zéniter, s’est inspirée de la méthode de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015, à l’initiative d’un genre littéraire nouveau, le roman des voix humaines où s’entrecroisent témoignages recueillis et autres paroles rendues à ceux et celles qu’on n’entend pas.

Polyphonie moderne, incontournable parenthèse enchantée, la pièce ovationnée au bois de l’Aune fin novembre 2019, ne manque ni d’humour, ni de dynamisme. Comme un joyeux cri poussé à plusieurs voix pour rétablir une justice et rappeler combien, parce qu’on est que de passage sur une terre peuplée d’êtres humains censés être intelligents, notre seul destin demeure la liberté. Un cocktail insufflant force, énergie et courage à prescrire sans modération par tous les médecins.

H.B.

Renseignements: https://sceneweb.fr/desobeir-de-julie-beres-alice-zeniter-et-kevin-keiss/

Parmi les très nombreuses dates : 23/01/2020 au théâtre du Garde-chasse les Lilas (93), les 28 et 30/01/2020 au théâtre Firmin-Gémiers-la Piscine à Châteney-Malabri (92), le 1/02/2020 au théâtre de la Renaissance Mondeville (14), les 4 et 5 février au théâtre Transversales, Verdun (55), les 18 & 19 février 2020 au Centre dramatique national Montluçon, les 3 et mars 2020 à la scène nationale d’Alençon (61), les 28 et 30 avril au théâtre de la Cité à Toulouse (31).

 

 

H.B
Journaliste de terrain, formée en linguiste, j'ai également étudié l'analyse du travail et l'économie sociale et solidaire. J'ai collaboré à différentes rédactions, recherches universitaires et travaillé dans divers domaines dont l'enseignement FLE. Ces multiples chemins ailleurs et ici, me donnent le goût de l'observation et me font aimer le monde, le langage des fleurs et ces mots d'André Chedid : «Cet apprentissage, cette humanité à laquelle on croit toujours».