Après plusieurs semaines d’occupation, la FabricA1 est devenue le lieu de rencontre de ceux qui veulent réfléchir autour de la précarité et d’une lutte efficace contre la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage qui enverrait des milliers de précaires dans une misère assurée. Mais un autre lieu est occupé, quelques jours après la FabricA, c’est l’Opéra Confluences, théâtre provisoire construit le temps du chantier de l’opéra théâtre intercommunal et désormais lui aussi lieu de luttes et d’échanges. Les revendications communes sont d’ailleurs nombreuses, les occupants des deux lieux ayant relégué au dernier rang celle de la réouverture des lieux de spectacle pour se concentrer sur le sort des travailleuses et des travailleurs du spectacle, de l’événementiel, et partant, parler des droits de tous.


 

Avignon, samedi 10 avril, l’agora hebdomadaire des occupants était consacrée à la convergence des luttes et quelques militants associatifs, des étudiants des beaux arts et précaires étaient présents.

Des militants du Café Citoyen venus en nombre s’étonnaient de l’absence de convergence des occupants de l’Opéra Confluences, se demandant ce qui avait maintenu l’occupation de deux lieux, et argumentaient sur le fait que l’Opéra Confluences, collé à la gare TGV, permettait la rencontre avec un public divers. Il était alors mentionné que la FabricA était occupée depuis le 27 mars par des artistes et techniciens qui travaillent à Avignon et que l’occupation de l’opéra avait commencé deux jours plus tard par des techniciens et militants venus de la Drôme voisine.

 

Deux lieux, les mêmes revendications

 

S’il est convenu que peu de choses les séparent pour ce qui est des revendications, les occupants de la FabricA se félicitent de l’occupation des deux lieux plutôt que de vouloir rassembler les forces en un seul, encourageant ainsi une diversité des actions de lutte.

Les étudiants du conservatoire d’Avignon, musiciens ou comédiens, signalent pour leur part que le statut d’étudiant ne leur étant pas reconnu, leur situation est d’autant plus difficile. Avoir un statut est d’ailleurs une de leurs principales revendications, comme celle des étudiants de l’école d’art.

Il est rappelé par des militants qui s’étaient mobilisés contre la loi travail en 2016 que l’école d’art a déjà connu des luttes difficiles, son maintien même étant alors en jeu. À cette époque, c’est précisément une décision du conseil municipal d’Avignon qui avait mis en danger la structure qui était sur la sellette.

Cette dernière information permettait de rebondir sur le soutien des politiques, la ville d’Avignon s’étant essentiellement engagée en direction des propriétaires ou directeurs de lieux de spectacle, alors que la direction du Festival In soutenait l’action d’occupation de la FabricA par les salariés en lutte.

 

Principale exigence, le retrait de la réforme chômage

 

Le mot d’ordre de retrait de la réforme chômage, dont les effets seraient dévastateurs, a servi de cadre et de thèmes à deux actions qui ont suivi dans la semaine. D’abord une tentative d’occupation du Pôle Emploi de la Rocade, empêché par un déploiement de forces de police, et qui s’est terminé par un procès de la réforme devant les locaux en coorganisation avec le comité des chômeurs et précaires CGT et de Solidaires84. Ensuite, une intrusion en nombre dans le Centre Leclerc de Champfleury.

La semaine suivante, le 17 avril, l’Agora portait cette fois sur les précaires. Pour les occupant.es, la précarité matérialisée par les emplois discontinus, c’est à dire la multiplicité d’employeurs sur une année, est une question centrale qui n’est pourtant pas toujours considérée comme problématique par eux. Concernant les salariés du spectacle — ceux que l’on nomme les intermittents — elle est même une condition de l’existence des annexes 8 et 10 de la convention chômage qui leur garantit un droit à l’indemnisation lors des périodes non travaillées.

 

Chômage pour tous

 

Ce sont d’ailleurs les réflexions autour de ce régime, toujours attaqué, qui ont inspiré depuis 2003 la coordination des intermittents et précaires — dont sont issus nombre d’occupants —, un vrai travail de décryptage des conditions d’indemnisation des périodes non travaillées, la volonté étant d’élargir le modèle à tous puisque la tendance est à la généralisation de la précarité. Sont notamment pointés les saisonniers qui ne bénéficient plus d’annexes spéciales de la convention chômage et se retrouvent ainsi, avec la convention qui se dessine, plongés dans la misère en cas de chômage prolongé. Mais les salariés de l’évènementiel, ou ceux qui travaillent dans les monuments, les guides conférenciers par exemple, se retrouvent eux aussi dans une situation difficile. La semaine devrait se continuer entre actions et une manifestation nationale vendredi. En attendant, l’occupation continue, et les rencontres à la FabricA aussi.

 

Christophe Coffinier

 


 

Notes:

  1. La Fabrica est un lieu de répétition, de résidence pour les artistes, et une salle de spectacle située à Avignon. Elle est orthographiée « FabricA » par ses promoteurs, avec un A majuscule final, en référence au Festival d’Avignon.
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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.