Chronique du confinement enseignant.


Karen Lepvrier: enseignante et mère confinée … Karen est une femme dynamique, volontaire, souriante ayant pour habitude de relever les défis avec enthousiasme et retrousser ses manches pour ses élèves. Elle travaille en zone prioritaire REP+ dans l’Académie de Montpellier. Au collège Arthur Rimbaud, un établissement ou les cas difficiles sont fréquents, Karen s’occupe essentiellement d’une classe de 5ème SEGPA. Depuis le début du confinement, elle fait face aux défis posés par les nécessités de la continuité pédagogique. Jonglant entre enfants, mari confiné et élèves en télétravail , avec ses collègues, elle fait ce qu’elle peut, et ce n’est pas simple. Témoignage.


 

1ère semaine :

Lorsque la décision de fermer les établissements scolaires est tombée, le jeudi 12 mars, nous avons, avec mes collègues de la SEGPA (Section d’Enseignement général et Professionnel Adapté) d’un collège de REP + de Montpellier, préparé des dossiers papier avec des feuilles de route pour les 15 jours à venir.

Pour le retour du travail des élèves a commencé le grand bricolage : photos sur des groupes whatsApp ou par mail, correction par tablette graphique. L’ENT étant saturé nous avons opté pour un site en ligne qui permet de partager des documents.

Chaque semaine nous appelons les parents d’une classe (moi c’est les 5ème), ce qui donne un grand nombre d’heures au téléphone, à répondre à des messages, à courir après les élèves sans oublier mes enfants de 10 et 14 ans qui font aussi classe à la maison.

2ème semaine :

Petit-déjeuner, répondre aux messages. Mettre mes enfants au travail, préparer les cours à mettre en ligne pour la semaine suivante. Rappeler les parents. On court encore après certains qui n’ont rien rendu, pas grave ils envoient tout le week-end !

Finalement après un Conseil d’Administration de 2 heures par visioconférence une réunion d’à peu près autant avec mon équipe, on est plutôt contents, sur nos 64 élèves seuls 6 ou 7 sont difficilement joignables.

Notre administration (La Directrice de SEGPA, le Principal du collège) nous encourage à nous reposer au moins une semaine (car oui ce sont les vacances). Mais en fait il reste beaucoup de devoirs à corriger (ah… les notes pendant le confinement ne compteront pas…), les cours à repenser pour la reprise, l’orientation des 3èmes à finaliser (re-coups de fils aux familles, re-réunions d’équipe pour se mettre d’accord sur les vœux définitifs)

3ème semaine :

Tous mes cours sont en ligne pour la semaine et même celle d’après : sur l’ENT (ça c’est pour l’administration puisqu’en fait nos élèves ont l’habitude d’aller ailleurs), sur un drive commun avec tous mes collègues (on est une équipe de grands malades !) et sur un 3ème site , Klassroom.

8h30 : Whatsapp est en forme, les élèves ne comprennent pas tout.

8h32 : Mes enfants sont en forme, le plus grand va sur son ENT celle en CM2 a une classe virtuelle avec sa maîtresse.

9h00 : je prépare les corrections à envoyer le soir et je commence à appeler les parents (et oui chaque semaine )

10h00-12h00 : j’ai fait des demis groupes avec mes 5ème, 4ème, 3ème, et je prends chaque groupe une heure en classe virtuelle, car mes élèves ont beaucoup de difficultés à travailler seuls chez eux, sur des supports papier ou pour certains juste en regardant les documents sur un écran de téléphone. De plus il leur manque les interactions entre pairs et les encouragements dont ils ont besoin. Même si parfois il y a des petits ratés dans la connexion ou que ma fille intervient pour me demander une précision sur un exercice, je suis plutôt contente de ces échanges en live ( bon il faut aussi que je vérifie que pendant ce temps mon fils ne passe pas 2 heures sur youtube, c’est qu’il travaille vite l’animal).

14h00 : ma fille a un skype pour son cours de flûte, pour mon fils et son alto c’est à 15h, heureusement que nous avons plusieurs ordinateurs, mais il faut quand même bien se caler car je ne peux pas faire cours quand ils jouent de leur instrument (j’ai testé hier alors que j’étais en visio avec tous les professeurs principaux du collège et c’était folklorique !). Pendant ce temps je prépare un powerpoint pour les 3eme en histoire sur la décolonisation, je m’enregistre pour les explications, je mets des liens pour les vidéos mais je pense que cela va être compliqué pour eux !

Si j’additionne mes classes virtuelles, celles de mes enfants, les réunions et les skype pour les instruments on en est à 15 heures par semaine : une véritable entreprise, on croirait une plateforme téléphonique ( j’ai oublié de dire que mon mari était en télétravail pour de la maintenance informatique donc lui il est connecté du matin au soir).

16h00 : Les premières photos du travail des élèves arrivent mais il faut aussi corriger le travail de ma fille et vérifier que mon fils a fait toutes les activités demandées.

18h00 : J’envoie les corrections. En général c’est l’heure où on s’appelle avec les collègues pour faire le point. Il n’y a plus qu’un élève que l’on n’arrive pas à joindre mais sa tante viendra chercher le travail imprimé une fois par semaine au collège !

« Avec l’équipe on se dit qu’on fait au mieux, on peaufine de jour en jour, on a progressé puissance 1000 sur les nouvelles technologies, qu’on a la chance d’avoir gardé le lien. Mais on est éreinté ( je crois qu’après le confinement j’éteins téléphone et ordinateur pendant plusieurs semaines, je commence à sursauter à chaque ding de notification )« 

On a vraiment le sentiment que l’école à la maison… Ben c’est pas l’école.

 

K. Lepvrier

 


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