Miroir de la société, en première ligne face aux nouveaux défis d’une société malade, les enseignants ont très moyennement goûté aux déclarations de la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.


 

Ceux qui « ne travaillent pas » lui collent un zéro pointé.

 

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le gouvernement est aux fraises

Par ce temps pesant, pesant d’homme est mesure… d’homme ou de femme bien entendu. Alors à quelle aune mesurer, ou à quel trébuchet peser, les récentes déclarations de la porte-parole du gouvernement : « Nous n’entendons pas demander à un enseignant, qui aujourd’hui ne travaille pas compte tenu de la fermeture des écoles, de traverser la France entière pour aller récolter des fraises gariguette. » ? Un coup d’œil rapide à la presse étrangère nous montre les louanges, les remerciements de la classe politique de plusieurs pays d’Europe à leur corps enseignant, ici plus que le déni, c’est le dénigrement officiel en direct.

Si, pour filer la métaphore du Président, le personnel hospitalier est au front, les arrières sont assurés par plusieurs corps de métiers dont les enseignants sont en première ligne. Alors : superficialité ? Mépris ? Retour du refoulé ? Légèreté coupable ? Ce qui est certain c’est que on ne peut pas évacuer le tout comme la première goujaterie entendue au bistrot du coin (malheureusement fermé !) car même après un rétropédalage furieux, les déclarations d’amour de M. Blanquer et du Premier ministre, le mal est fait ; le corps social est à vif et donc plus sensible.

Hypothèse : et si cela n’était que la préfiguration d’un oubli à venir ? Si après la rhétorique de crise de la cohésion sociale, du modèle à changer du « rien ne sera plus comme avant », si « l’avant », justement, revenait à la charge avec « ce pognon de dingue », ces enseignants qui ont trois mois de vacances et tous les clichés rances qui empoisonnent la société française depuis bientôt des lustres ?

Petit rappel puisque « chat échaudé craint l’eau froide » : en 2008 les dirigeants européens affirmaient à l’unisson et la main sur le cœur, vouloir réguler le système qui était devenu fou, vouloir revoir le modèle de développement, remettre en cause le diktat de la finance. Promis juré, c’était l’hallali des spéculateurs, la finance virtuelle au pilori….

Douze ans après, la capitalisation boursière a plus que doublé, preuve que l’on a sauvé les marchés sans préserver l’économie réelle qui, elle, patauge avec son cortège de pauvreté désormais endémique. De surcroît, en 2012 nous avons élu un Président qui se déclarait « ennemi du monde de la finance », là aussi nous allions voir ce que nous allions voir…

Passons par décence sur son quinquennat fade comme un vin éventé, sur ses renoncements à répétitions et ses changements de cap, le tout est bien résumé par la phrase de Valls quelques années après : « Nous voulons construire la place financière de demain. » Grand écart ? Non ! Un abîme. Passée la tempête on continue à voguer dans la même direction en faisant ramer toujours les mêmes, si possible.

Certes, Mme Sibeth Ndiaye, comme l’immense majorité des Français, sait que les enseignants travaillent, et même davantage que d’habitude, donc il ne s’agit pas d’une maladresse ou d’un malencontreux « oubli » mais d’une sorte « d’obsolescence programmée » un peu trop en avance sur le tempo politique. Mais il faut désormais vraiment faire gaffe car si les peuples ont une énorme patience, ils sont à bout, ils ont aussi une mémoire formidable.

Et cette crise majeure peut marquer au fer rouge le signe d’un non-retour définitif à un système qui voudrait retourner à une « normalité » cynique d’avant pandémie. Gariguettes ou pas.

Gianni Angelini

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