Mort de Cédric Chouviat. Témoignages, vidéos, auditions des gardes à vue… Libération et Mediapart ont pu consulter de nouveaux documents issus de la procédure ouverte sur les circonstances de la mort du livreur de 42 ans, après son interpellation par la police en janvier dernier à Paris. Ces témoignages révèlent non seulement la responsabilité des quatre policiers, mais également celle de leurs collègues et de leur hiérarchie intervenus à la suite de l’interpellation.


 

Confiées à l’Inspection générale de la police nationale, les investigations ont conduit les juges d’instruction à mettre en examen et à placer sous contrôle judiciaire pour « homicide involontaire » trois des quatre fonctionnaires de police auteurs de ce contrôle.

À ce jour, ils « n’ont pas fait l’objet d’une demande de suspension de fonction », a précisé auprès de Mediapart la Direction générale de la police nationale (DGPN). Les derniers éléments de l’enquête que révèlent Mediapart et Libération sont pourtant accablants.

Contrôlé le 3 janvier durant 13 minutes par un équipage de quatre policiers du commissariat du VIIe arrondissement, Cédric Chouviat est interpellé. Après avoir été violemment attrapé par-derrière et par le cou, trois des quatre policiers le plaquent au sol, sur le ventre, encore casqué, et le menottent. 

Le livreur dit alors « je m’arrête » sur un ton vif et « lâche mon casque » avec une voix aiguë paraissant traduire une détresse, selon l’enquête de l’IGPN. Puis, après avoir prononcé plus de sept fois « j’étouffe », il décède par asphyxie.

Les policiers n’auraient rien entendu. Ils n’auraient rien fait non plus. Une « clef d’étranglement » ? Le chef de bord Michaël P. préfère parler de « maintien de tête ». Les vidéos montrent pourtant le contraire.

Sa réponse ? « Je ne me rappelais pas avoir utilisé mon bras gauche. […] J’étais fatigué. D’où ma possible confusion. Je ne sais pas quoi dire. »


 

Au cours de leurs auditions, les policiers assurent n’avoir pas entendu les cris de détresse du livreur. Pourtant précise Mediapart, l’un d’entre eux, Ludovic F., lui a répondu « Monsieur ». Interrogé par l’IGPN, ce gardien de la paix ne « sait plus » pourquoi il a dit cela lorsque le livreur appelait au secours. Il a également oublié les raisons qui l’ont poussé à interpeller son collègue, le chef de bord Michaël P., alors qu’il fait pression sur Cédric Chouviat, en lui disant « c’est bon, c’est bon, lâche », « sur un ton paraissant empreint d’inquiétude », tiennent à préciser les enquêteurs. 

Alors que l’on tente de réanimer le livreur, un collègue de la BAC consulte les vidéos de l’interpellation et se charge à 10 h 17 de transmettre, sur les ondes radio, un compte rendu de l’intervention. La version qu’il communique à la salle de commandement du commissariat du VIIe arrondissement et à la préfecture de police de Paris est la suivante : « Il s’agit en fait d’un individu qui a été contrôlé par PS07, ce dernier a été invité à les suivre suite au contrôle. Ce dernier s’est rebellé ; pendant la rébellion, il a fait un arrêt cardiaque ».

L’inexactitude des informations transmises ne s’arrête pas là. Il est 10 h 17. Cet agent de la BAC tient, curieusement, à préciser : « aucun moyen de défense intermédiaire, ni télés ni tazer, ni gazeuse. Il s’agissait juste de maintenir l’individu avec une clef de bras pour lui passer les menottes, il n’y a pas eu d’étranglement ni de coups portés ». 

Puis il ajoute : « un simple contrôle routier, l’individu a commencé à les insulter, donc les collègues ont procédé à son invitation à suivre. Ce dernier s’est alors rebellé, il a refusé de les suivre, les collègues ont tenté de le menotter mais celui-ci, résistant, il a fait un malaise cardiaque ».

 

Il n’est pas le seul à avoir maquillé les faits (voir l’article de Mediapart.)

 

Pour l’avocat de la famille, Arié Alimi, « Le dossier de Cédric Chouviat, à l’instar de celui de Geneviève Legay, permet de révéler les pratiques habituelles de dissimulation des violences policières à toutes les strates de l’administration policière jusqu’à son plus haut niveau » […] « La famille attend la suspension des fonctionnaires de police, rappelle-t-il, mais aussi de ceux qui ont contribué à la dissimulation de l’origine du décès de Cédric Chouviat ».

Un avocat représentant l’un des policiers estime pour sa part que la question du décès de Cédric Chouviat reste ouverte. « Mes clients sont encore dans le questionnement de savoir ce qui a causé le décès de Cédric Chouviat, commente-t-il auprès de Mediapart. Ils vont participer à toutes les expertises qui vont être ordonnées de manière à établir la vérité. Tout le reste n’est que pure polémique ».

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a renouvelé mardi 21 juillet sa « confiance » au préfet de police de Paris, Didier Lallement, après des rumeurs d’éviction de ce haut-fonctionnaire. « Didier Lallement a toute ma confiance. Il n’a pas été envisagé un changement du poste de préfet de Paris », a déclaré le ministre de l’Intérieur. « Il n’y a aucune difficulté avec le préfet de police de Paris [et] je veux [lui] redire toute ma confiance », a-t-il complété. 

 

Le préfet de police Didier Lallement, Photo DR