Dans la deuxième ville du Var (66 000 habitants), le second tour donnera lieu à une quadrangulaire entre le maire sortant, Marc Vuillemot (Gauche républicaine et socialiste), à la tête d’une liste qui réunit toutes les gauches, deux candidates de droite, Nathalie Bicais et Sandra Torrès et le candidat du RN, Dorian Munoz.


 

« La Seyne-sur-Mer, son soleil, ses plages… ses élections » : ce slogan (que des plaisantins avait même inscrit sur des tee-shirts) faisait florès dans les années 80 lorsque la deuxième ville du Var (66 000 habitants) — encore nantie, mais plus pour longtemps, de son grand chantier naval (il fermera en 1989) et historiquement dirigée par les communistes — était conquise par une droite varoise revancharde, représentée alors localement par Charles Scaglia. Une rupture politique dans la douleur, parfois violente même, et des recours multiples, entraînant invalidations et contre-invalidations des résultats, et bien sûr, scrutins à répétition.

Aujourd’hui, La Seyne, dirigée par Marc Vuillemot qui a quitté le PS pour adhérer à GRS, fait figure d’exception dans un département largement acquis aux LR… quand ce n’est pas à l’extrême-droite (Fréjus). Pas plus que dans les Bouches-du-Rhône, les deux partis ne sont étanches, d’ailleurs. 

 

La droite mathématiquement en tête au premier tour

Depuis les années 1980, le climat s’est évidemment assaini, mais il offre tout de même quelques curieux rebondissements, assurant un vrai suspense pour dimanche.

Le second tour s’annonçait extrêmement difficile pour le maire sortant, Marc Vuillemot (GRS-Union de la gauche), puisqu’il ne devançait que d’une courte longueur (23%) la candidate de droite la mieux placée, Nathalie Bicais (21,8%).

À ce faible écart s’ajoutait une solide réserve de voix à droite, en cas de fusion ou de désistement et de campagne commune avec les autres listes divers droite : Sandra Torres (11,2%) et Serge Daninos (8,8%). Et cerise sur le gâteau pour la droite : le maintien officiel, au lendemain du 15 mars, de Luc Patentreger, tête d’une liste « citoyenne » soutenue par EELV, qui avait mobilisé 13,8% des voix de gauche au premier tour. Une soustraction à gauche, une addition à droite : mathématiquement, c’était presque « plié ».

 

Fusion à gauche, division à droite, la donne change pour le 28 juin

Mais voilà, les mathématiques et la politique, ça fait deux. En réalité, après des mois de crise COVID-19, des rivalités en tout genre à droite et la paix retrouvée entre les deux camps de gauche, la situation s’est pratiquement inversée. À droite, la division est cruelle : maintien de la candidature de Sandra Torres, fusionnant avec Serge Daninos et rejointe par Bruno Bessonne (2,7 % au premier tour). À gauche, à l’inverse, la fusion sera rapide après le confinement, le maire sortant acceptant sans discuter une égalité parfaite de représentations des deux listes au second tour. S’est ajouté une courte mais intense campagne, apportant une vraie fraîcheur, de la jeunesse et un air de renouveau à la candidature d’un maire non seulement expérimenté mais bénéficiant de sympathies, bien au-delà de ses affidés.

 

La crise du Covid est passée par là…

La crise du Covid aura sans nul doute bénéficié à une équipe sortante qui a donné une image plutôt rassurante. « La crise aura mis en évidence l’importance de la solidarité et des services publics », souligne Marc Vuillemot. Et il semble évident que l’apport d’une liste écologiste (conduite par Luc Patentreger), largement indépendante des partis traditionnels, permettra à la gauche de mieux capitaliser sur une gestion de la crise au service de l’intérêt général.

Nathalie Bicais dont la campagne aura été longue (deux ans) et active, notamment pendant la crise du Covid-19, a déployé une énergie considérable entre fabrication artisanale de masques et démarches solidaires… Celle qui, sur son site, affirme que dans sa jeunesse, elle a été « vite convoitée » par le monde politique pour son engagement sur la défense du cadre  de vie et en tant que femme, sillonnait encore la ville ces derniers jours  à la tête d’une escouade de militants portant les tee-shirts aux couleurs de la « coalition ».

 

L’extrême droite et l’abstention en arbitres ?

À ce renversement de situation, ajoutons le maintien sans surprise du jeune (et inconnu) candidat du Rassemblement national, Dorian Munoz, ne pouvant faire figure que d’arbitre à droite avec ses 15,6 %, largement au-dessous des scores habituels de l’extrême droite à La Seyne (26 % au premier tour en 2014 et plus de 30 % au second). Un recul du RN à  imputer en partie à la présence du candidat FN (également conseiller départemental), Damien Guttierez, en bonne place sur la liste de Nathalie Bicais et d’une autre ex-élue FN au conseil municipal, Virginie Sanchez, sur la liste adverse menée par Sandra Torres. La venue de Nicolas Dupont-Aignan en soutien à sa liste est un autre appel du pied de Nathalie Bicais vers l’électorat d’extrême droite. Elle s’affiche tout de même comme la seule représentante de toutes les droites, après que Sandra Torres ait été officiellement exclue de LR. Yeux doux à l’extrême-droite qui n’empêchent pas Nathalie Bicais de taxer d’ « association de malfaiteurs » (sic) tous ceux qui lui font barrage à droite, et qui auraient le soutien obscur du maire GRS mais aussi du Rassemblement national. Ambiance.

La campagne très active de Nathalie Bicais suffira-t-elle à compenser les divisions de son camp et l’image désormais rénovée de la liste Énergie positive pour une Seyne verte et ouverte (appellation combinée des deux listes de gauche du premier tour) ? L’abstention, tant redoutée partout, pèsera-t-elle uniformément ou favorisera-t-elle un camp plutôt qu’un autre ? Réponse dimanche, à la Bourse du travail, bureau centralisateur et lieu seynois emblématique des luttes sociales comme des combats politiques.