Quatre secteurs pour le Printemps marseillais emmené par Michèle Rubirola, trois pour les Républicains (Martine Vassal) et un pour Samia Ghali (ex-PS) dans les quartiers Nord (8e secteur) : voilà pour la photographie rapide de ce deuxième tour des Municipales dans la « capitale » de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.


 

Nettement majoritaire  sur l’ensemble de la ville avec 38% des voix contre 30% à Martine Vassal, « l’héritière » de Jean-Claude Gaudin, la liste du Printemps marseillais, soutenue par l’ensemble des forces de gauche et écologistes (après le ralliement d’EELV à l’issue du premier tour) ne disposera « que » d’une majorité relative en vertu du mode de scrutin par secteurs, particulier à Marseille, Paris et Lyon.

L’heure n’était cependant pas à bouder son plaisir dimanche soir en centre-ville devant la permanence de Sophie Camard (FI, députée suppléante de Jean-Luc Mélenchon) qui a réalisé un « carton » sur son secteur (1er et 7e arrondissements) ou devant l’Hôtel de ville où se sont rassemblés les soutiens de Michèle Rubirola, arrivée vers 1 heure du matin. Mais il n’empêche que le « troisième tour » qui décidera de l’élection de la maire par les nouveaux conseillers municipaux sera bien plus compliqué qu’à Paris ou Lyon. Cela doit plus au mode de scrutin qu’à la « bouillabaisse marseillaise » évoquée par le journal de France 2 qui ne recule pas devant les clichés. Chaque secteur, en fonction de sa démographie, « envoie » son nombre d’élu-e-s à la mairie centrale. Et avec 42 élu-e-s sur les 101 qui siégeront au conseil municipal (contre 39 aux LR), le Printemps marseillais n’atteint pas la majorité absolue de 51 sièges. 

Avec ses huit sièges, la sénatrice ex-PS Samia Ghali, classée « Divers gauche », se retrouve donc en position d’arbitre grâce à sa victoire devant le candidat du Printemps marseillais Jean-Marc Coppola (PCF), auteur d’une progression spectaculaire entre les deux tours dans le huitième secteur (15ème et 16ème arrondissements). 38,17% des voix pour Samia Ghali contre 35,24% pour Jean-Marc Coppola : le suspens fut tel dans la soirée qu’on a même crié victoire un peu trop tôt devant la permanence de Sophie Camard.

Et si la chute de Stéphane Ravier (RN) qui perd sa mairie de secteur dans les 13ème-14ème arrondissements est un point positif, plusieurs citoyens ont fait part de leur incompréhension face au retrait du candidat du « Printemps« , Jérémy Bacchi (PCF) dans ce septième secteur, le plus grand de la ville avec ses 154 000 habitants. 

 

Le Printemps marseillais ne veut pas se laisser voler la victoire

 

Dans une ambiance bon enfant autant que joyeuse — à coups de klaxons et de détournements de chants de supporters de l’O.M. où le « Aux arbres » remplace le « Aux armes, nous sommes les Marseillais et nous allons gagner » du Stade Vélodrome — les sourires ont gagné peu à peu les visages devant la permanence de Sophie Camard. La perspective de tourner enfin la page des 25 ans de gestion à droite, ponctuée par l’effondrement tragique des immeubles de la rue d’Aubagne en novembre 2018 semblait plus forte que tout en cette nuit d’été. Ce succès, attendu depuis le premier tour avec le virage en tête surprise du Printemps marseillais, fut accueilli en ces termes par Michèle Rubirola : « même si la majorité est relative en nombre de sièges, ce qui est d’ailleurs un contre-sens démocratique, ce n’est pas une victoire relative pour nous ». 

Symbole de cette victoire : le succès d’Olivia Fortin, « novice en politique », 1dans le secteur fétiche de la droite marseillaise (les quartiers plutôt huppés du 6e et surtout du 8e arrondissement, le plus riche de la ville) où elle devance Martine Vassal elle-même avec 41,78% des suffrages contre 39,16% à la candidate LR. Le désaveu de la présidente de la Métropole Aix-Marseille Provence et du Conseil départemental est tel qu’une partie de la droite marseillaise, le président de la Région, Renaud Muselier et le « dissident » LR, Bruno Gilles, songent déjà à un « plan B » incarné par Lionel Royer-Perreaut, vainqueur de l’élection dans le cinquième secteur. 

De là à voler la victoire aux électrices-électeurs du Printemps marseillais qui ont exprimé la volonté de faire de la politique autrement, au-delà de la simple formule… Depuis plusieurs années, dans un contexte de crise des partis (et particulièrement du PS qui fut longtemps hégémonique à gauche dans cette cité), les collectifs citoyens ont émergé avec une volonté affirmée de nouvelles pratiques, de davantage d’authenticité. Le chiffre de participation (35,37% contre 32,76% au premier tour) est aussi un signe de cette crise politique qui avait épargné jusqu’ici les élections municipales dans le pays. Dans une élection aux enjeux importants (la fin de l’ère Gaudin, la soif de changement exprimée de différentes manières dans les rues chaque semaine depuis plusieurs mois, la volonté de lutter contre le visage profondément inégalitaire de cette ville, le clientélisme, ou la « culture de la bagnole »…), plus des deux-tiers des électeurs sont restés chez eux. L’attrait des plages de Marseille ou de la Côte bleue par un magnifique dimanche d’été n’explique pas tout…

Morgan G.

Notes:

  1. Le Monde
JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"