Dans la troisième ville des Bouches-du-Rhône (53 000 habitants), le deuxième tour des élections municipales verra s’affronter le candidat « sans étiquette » Patrick de Carolis et Nicolas Koukas, membre du PCF, à la tête d’une liste dénommée Le parti des Arlésiens.


 

Faut-il y voir l’effet de la notoriété  de l’homme de télévision ? Au premier tour, l’électorat conservateur a porté largement en tête de son « camp » Patrick de Carolis (26,41% des voix) devant le candidat LR, Cyril Juglaret (15,32%), la députée La République en marche, Monica Michel, n’atteignant même pas les 5%. Le retrait rapide, à l’issue du premier tour, de Cyril Juglaret a envoyé un message clair : les droites se rassemblent pour barrer la route de l’Hôtel de ville à Nicolas Koukas (21,6% des voix au premier tour), adjoint au maire et conseiller départemental élu en binôme avec la Port-Saint-Louisienne Aurore Raoux. La majorité a terminé le mandat 2014-2020 divisée et le maire sortant, Hervé Schiavetti (PCF), a décidé de ne pas se représenter. 

Avec 46,58% des électeurs-électrices qui se sont déplacés le 15 mars, la participation a atteint un score plutôt honorable, supérieure aux 34% de la grande (presque) voisine, Avignon. Faut-il s’attendre à un regain de participation le 28 juin, avec une configuration qui pourrait être saisie comme un bon vieux duel droite-gauche ? Bien malin qui pourrait l’annoncer après la période du confinement. Entre les deux tours de ces élections municipales très particulières, nous avons bien basculé d’une saison à une autre. Et pas uniquement au niveau du  thermomètre qui inciterait plutôt à se rendre sur les plages de Salin-de-Giraud ou des Saintes-Maries-de-la-mer. 

 

Chiffon rouge et « rupture »

Si Patrick de Carolis, né à Arles, mais ayant fait carrière à Paris — ancien PDG de France 3 et créateur du magazine Des racines et des ailes, et encore directeur du musée Marmottan — a décidé de se présenter sous l’étiquette… »sans étiquette » (ou selon l’inénarrable nouvelle classification officielle, « Divers centre »), ce n’est probablement pas seulement pour la beauté de la ville, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Dans une rhétorique classique en pareil cas, le candidat revendique « la rupture » par rapport à la gestion de la municipalité sortante. Les libéraux de tout poil adorent le mot « rupture »… comme Emmanuel Macron adore le mot « Révolution » sur la couverture d’un livre (le sien de préférence). Sans oublier la touche de dramatisation qui sied au nouveau bloc idéologique qui réunit désormais le parti présidentiel, les Républicains et quelques satellites. Avec ces Municipales, c’est sus aux « rouges », aux « verts »  ou aux « amis de Jean-Luc Mélenchon » quand ce n’est pas les trois à la fois. De Lille à Marseille, en passant par Arles. Dans la métropole du Nord, les LR locaux qualifient les « écolos » de « fous furieux »… et appellent à voter Martine Aubry, la dame des 35 heures qui faisaient pourtant pousser des cris d’épouvante à la droite et au Medef. À Marseille, Martine Vassal a réclamé un débat… avec Jean-Luc Mélenchon (sic), assimilé la liste du Printemps marseillais à « l’ultra gauche » (re-sic), et à Arles, Patrick de Carolis agite le chiffon rouge qui ne fait même pas peur aux taureaux des arènes. 

Le candidat « Divers centre » devrait bénéficier du report des voix qui se sont porté sur le candidat LR au premier tour ou sur la députée LaRem. Son discours très sécuritaire vise aussi l’électorat du Rassemblement national, en recul à Arles comme ailleurs. Il proclame vouloir « remettre la maison Arles en ordre et non pas remettre de l’ordre dans la maison Arles », subtile nuance. Dans le registre rassembleur, Patrick de Carolis vante la présence sur sa liste de personnes « encartées à droite, au centre et à gauche » 1 et Nicolas Koukas indique : « une de mes futures adjointes, Françoise Pams, faisait la com. du Medef » 2.

 

Quels reports de voix pour Nicolas Koukas ? 

Outre un programme détaillé pour la jeunesse (création d’un Conseil des jeunes, point d’information itinérant dans la commune la plus étendue de France, accompagnement des initiatives environnementales, réhabilitation de l’espace public par des créations artistiques ou paysagères, accueil des stagiaires dans la collectivité…), Nicolas Koukas veut « continuer à faire de la culture et du tourisme les leviers du développement économique » 3. Ce secteur représente 20% des emplois. Il se prononce également en faveur d’un « plan de résilience » d’après Covid pour «répondre à des demandes fortes de la part d’acteurs économiques, sociaux et touristiques qui ont souffert ces dernières semaines et durant cette période de confinement».

La question est de savoir de quelles réserves de voix la liste Le parti des Arlésiens va pouvoir disposer, après l’accord avec la liste Autre écologie (8,31 % au premier tour). Celles de l’ancien adjoint PS, David Grzyb (10,3%), seront nécessaires pour contrer « l’opération » de Carolis qui ne manquerait pas de réjouir le microcosme médiatique bien en cour en cas de victoire.

Morgan G.

Notes:

  1. Source : « 20 minutes »
  2. Source : « 20 minutes »
  3. Débat sur France 3, 18 juin 2020
JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"