Nous, organisations, collectifs, entreprises, associations et syndicats, demandons au Parlement et au gouvernement français d’interdire tout usage sécuritaire de dispositifs de reconnaissance faciale actuels ou futurs.

Nous constatons que de telles technologies sont aujourd’hui déjà largement déployées en France. Outre les portiques « Parafe » présents dans plusieurs aéroports et gares, le fichier de traitement des antécédents judiciaires permet depuis 2012 à la police et à la gendarmerie de recourir à la reconnaissance faciale à partir d’images prises dans la rue par des caméras, ou encore obtenues sur les médias sociaux. D’autres expérimentations ont déjà été menées ou sont programmées.

La multiplicité des dispositifs déjà existants, installés sans aucun véritable encadrement juridique, transparence ou réel débat public, ne satisfait pourtant pas nombre d’acteurs publics et industriels. En se fondant sur le fantasme d’un développement inéluctable de la technologie et sur des arguments purement sécuritaires et économiques, ils souhaitent accélérer et faciliter le déploiement de ces dispositifs, au détriment des conséquences pour nos libertés et notre modèle de société.

La reconnaissance faciale est une technique exceptionnellement invasive et déshumanisante qui permet, à plus ou moins court terme, la surveillance permanente de l’espace public. Elle fait de nous une société de suspect-es. Elle attribue au visage non plus une valeur de personnalité mais une fonction de traceur constant, le réduisant à un objet technique. Elle permet un contrôle invisible. Elle impose une identification permanente et généralisée. Elle abolit l’anonymat.

Aucun argument ne peut justifier le déploiement d’une telle technologie : au-delà de quelques agréments anecdotiques (utiliser son visage plutôt que des mots de passe pour s’authentifier en ligne ou activer son téléphone…), ses seules promesses effectives sont de conférer à l’État un pouvoir de contrôle total sur la population, dont il ne pourra qu’être tenté d’abuser contre ses opposant-es politiques et certaines populations. Puisque l’utilisation de la reconnaissance faciale à des fins sécuritaires est par essence disproportionnée, il est vain d’en confier l’évaluation au cas par cas à une autorité de contrôle qui échouerait en pratique à suivre chacune de ses nombreuses nouvelles applications.

C’est pourquoi nous vous demandons d’interdire tout usage sécuritaire qui pourrait en être fait. De telles interdictions ont déjà été décidées dans plusieurs villes des États-Unis. La France et l’Union européenne doivent aller encore plus loin et, dans la lignée du règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), construire un modèle européen respectueux des libertés.

Il conviendra par ailleurs de renforcer les exigences de protection des données à caractère personnel et de limiter les autres usages de la reconnaissance faciale : qu’il s’agisse d’authentification ou d’identification privée, l’ensemble de ces dispositifs ne sont pas assez protecteurs des atteintes à la vie privée ; ils préparent, et banalisent une société de surveillance de masse.

Nous appelons à l’interdiction de tout usage sécuritaire de la reconnaissance faciale.

 

Lettre commune de 80 organisations, dont l’Observatoire des libertés et du numérique

Paris, le 19 décembre 2019

 

Liste des premiers signataires : Abilian, Acat France, Access now, Action droits des musulmans, Altairis, Antanak, Article19, Association for civil rights (ADC), Association dédale, Association for progressive communications (APC), Assodev-Marsnet, Attac France, BEhAV Consulting & Coaching, Bee Home, Cecil, Cerveaux non disponible, Cliss XXI, CNLL, Comité local Attac du 78 Sud, Creis – Terminal, Droit au logement (Dal), Electronic frontier foundation (EFF), Entr’ouvert, Emmabuntus, FACil, FAIbreizh, FDN, Fédération nationale des arts de la rue, FFDN, Framasoft, Franciliens.net, Genepi, Generation-s, Gisti, Globenet, Happyculture, Hermes center, Hoga, Icare (UVSQ), Illyse, In memoris fondation, Indie hosters, Internet Bolivia, INP-net, IP Solution, L’Auberge des migrants, La Boussole, La Cimade, La Quadrature du Net, Le groupe parlementaire LFI, Le Mouton numérique, Le Parti communiste Français, Les-Tilleuls.coop, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Lorraine data Network, Mailden, Mailo, Mouvement écologiste indépendant, Mycélium, Numericatous, Observatoire des libertés et du numérique, Ouvaton, Parti pirate, Ploss Auvergne Rhône-Alpes, ReAct, Résistance à l’agression publicitaire, Ritimo, Root66, Sherpa, Solidaires informatique, Sursiendo (Chiapas, México), Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, Tech trash, Technologos, Technopolice, Toile-libre, Union syndicale Solidaires, Usuarios digitales de ecuador, Vanoix, Vélorution Paris Île-De-France, Altermidi,

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