Un témoignage des habitants du camp de réfugiés de Jénine après l’attaque militaire menée par les forces israéliennes en Cisjordanie occupée les 3 et 4 Juillet : une Nakba1 2023.


 

Alors que l’armée israélienne a annoncé s’être retirée de la ville et de son camp de réfugiés à Jénine au matin du 5 Juillet, le bilan est terrible de cette opération militaire la plus importante depuis au moins 20 ans, depuis 2002 lors de l’opération « rempart » pendant la seconde intifada.

12 Palestiniens assassinés, 150 blessés, la destruction des routes, des infrastructures du camp de réfugiés : 3 500 habitant.e.s du camp ont subi un déplacement forcé imposé par l’armée qui voulait fouiller les maisons, les détruire ou les endommager.

Pendant ce temps la communauté internationale se contente d’exprimer son inquiétude et les USA, le UK et l’Allemagne ajoutent qu’Israël a le droit de se défendre. Pire la France a demandé conseil à Israël pour réprimer les émeutes suite au meurtre du jeune Nahel.

Lors d’une mission effectuée en 2016 en Cisjordanie j’ai eu l’occasion de rencontrer Najet, responsable d’une association de femmes du camps de réfugiés de Jénine gérant un centre bien nommé « la maison chaleureuse ». Ce soir du 5 Juillet j’ai cherché à la joindre pour qu’elle me raconte, car, me disait elle, «  on a que le chemin du témoignage ».

« J’étais en France du 18 au 30 Juin avec mon association et une quinzaine de femmes pour témoigner de notre travail en Savoie, et comme tu le sais, pour sortir de la Cisjordanie et aller à l’étranger nous n’avons pas le droit de sortir par Israël et sommes obligées de passer par la Jordanie. En rentrant, le pont de Jordanie était fermé et j’ai appris par ma famille que 1 000 soldats israéliens étaient rentrés dans le camp de réfugiés, par différents points d’attaque. Ma sœur, mes enfants avaient dû quitter la maison pour aller dans une deuxième puis dans une troisième, étape par étape, les israéliens donnant à chaque fois 2 heures de préavis pour évacuer avant bombardement. Mon mari est malade et doit faire l’objet de dialyse régulière, mes enfants l’ont porté car il ne marche plus, dans des rues défoncées par les énormes bulldozers israéliens. Ils n’ont rien pu prendre comme affaires ont dû tout laisser pour porter leur père.

Même en 2002 quand les haut-parleurs annonçaient l’obligation de quitter nos maisons on n’avait pas obéi, mais là impossible, tout le monde cherchait comment rentrer dans le camp, rejoindre sa famille, chacun.e de nous était perdu.e et ne pouvait pas voir sa famille. Quand les israéliens se sont retirés, de bon matin j’ai vu la terre creusée, les routes défoncées, les voitures ne pouvaient plus passer, ils ont tout détruit les voitures, casser leurs vitres, ouvert même les murs des maisons. On a plus d’eau, d’électricité, ils ont explosé les conduites et les canalisations en creusant partout, toute la nourriture des frigos est à jeter, ils ont mis à sac toutes les infrastructures.

On ne dort plus : ils ont ciblé des points dans tout le camp, les malades, les enfants, c’est une situation impossible, on est fatigué. Les forces israéliennes attaquent toujours le camp de Jénine en disant que c’est un camp de terroristes, mais si on compare les forces en présence c’est inimaginable, leur technologie, leurs énormes bulldozers, les avions, les drones, tout ça contre des pierres ! Nous sommes rentrés dans nos maisons car on ne peut pas vivre ailleurs, c’est notre destin, personne ne peut oublier son quartier, sa maison, mon fils de 20 ans, né après la seconde intifada, m’a dit que c’était la première fois qu’il sentait en lui quelque chose de changé en portant son père pour fuir l’attaque israélienne. »

Jénine est-elle la prochaine étape de l’apartheid ; après avoir chassé les palestinien.ne.s de leurs villages faut-il maintenant les exterminer de leurs camps en s’attaquant à leur résistance ? Les Palestinien.ne.s des villes de Cisjordanie découvrent ils.elles que si leur expulsion n’est pas possible, la « gazaouisation » serait leur futur ?

Recueilli par Brigitte Challande

Pour en savoir plus Agence Média Palestine

Notes:

  1. catastrophe
Avatar photo
Compte contributeurs. Ce compte partagé est destiné à l'ensemble des contributeurs occasionnels et non réccurents d'altermidi. Au delà d'un certain nombre de publications ou contributions, un compte personnalisé pourra être créé pour le rédacteur à l'initiative de la rédaction. A cette occasion, nous adressons un grand merci à l'ensemble des contributeurs occasionnels qui nous aident à faire vivre le projet altermidi. Toutefois, les contenus des contributions publiées par altermidi n'engagent pas la rédaction.