Parti sur les chapeaux de roues, le projet de réforme des retraites par points du premier quinquennat a fini dans les choux, empêché par les divergences de vues au sein du gouvernement et crucifié par la crise sanitaire. Le scénario pourrait-il se répéter avec le report envisagé de l’âge légal à 64, voire 65 ans ?


 

Les fêtes de fin d’année ne sont pas terminées et il est encore permis de croire au père Noël. Mais surtout, la propension du gouvernement à faire varier ses éléments de langage — il fallait d’abord faire une réforme pour plus de justice sociale, pour ensuite sauver les finances d’un régime en péril, augmenter le taux d’emploi des seniors ou encore préserver les niveaux de pension — et sa tendance à changer de braquet en fonction de l’actualité font apparaître des premiers grains de sable dans la belle mécanique huilée.

L’alerte est venue mi-décembre lorsque la présentation de la réforme par la Première ministre a été reportée un mois plus tard. Pour ne pas gâcher la finale au Qatar ? Pour trancher les derniers ajustements, signe de fébrilité au sein du gouvernement ?

On laissera les politistes lever ce coin de mystère. Mais on ne s’étonnera pas, quelques minutes après la défaite de l’équipe de Didier Deschamps, de voir cet internaute poster ce commentaire sur les réseaux : « Merci aux Bleus ! Nous venons d’échapper à la réforme des retraites ! » Quand d’autres ironisaient sur le geste de consolation d’Emmanuel Macron à l’attention d’un Mbappé effondré sur la pelouse du stade de Lusail : « T’inquiète Kylian, tu pourras encore jouer jusqu’à 65 ans. »

 

Les syndicats en ordre de bataille

 

Évidemment, à l’heure où nous écrivons, le gouvernement doit encore présenter ses arbitrages le 10 janvier. Comme dans toute bonne négociation, il devrait vraisemblablement proposer 65 ans pour obtenir 64. Et on saura s’il faudra travailler trois ou quatre mois de plus par an si la réforme devait entrer en application, comme prévu, à l’été 2023.

L’exécutif espère sans doute faire avaler la pilule grâce à la retraite minimale à 1 200 euros — les fameux 85  % du Smic promis et votés depuis 2003 —, quelques mesures sur la pénibilité, un assouplissement du dispositif carrières longues et une meilleure prise en compte des congés parentaux. De quoi essayer d’amadouer la CFDT pourtant liée par le vote de ses militants lors du dernier congrès : pas question d’un report de l’âge ni d’une prolongation de la durée de cotisation.

Au mieux, le gouvernement peut-il espérer que la centrale de Belleville n’appelle pas à descendre dans la rue. Mais pour l’heure, dans une unanimité assez rare pour être saluée, tous les syndicats sont prêts à riposter. « Le jour où le gouvernement dit feu, eh bien on fera feu », a déclaré Frédéric Souillot, le leader de FO, dans Les Échos.

Certes, les manifesations monstres de millions de personnes ne sont pas un gage de réussite. Chacun se souvient que Nicolas Sarkozy avait sifflé la fin de la récré’ en 2010. Malgré l’opposition, sa réforme des retraites a été adoptée. Et de nombreux experts ont vu là le signe que désormais les Français exprimeraient leur mécontentement ailleurs que sur le pavé.

Mais la crise des gilets jaunes est venue démentir les pronostics. En outre, passer de 60 à 62 ans n’est pas la même chose que de passer de 62 à 65. Et surtout, il n’y avait à l’époque ni guerre en Ukraine, ni inflation, ni crise de l’énergie.

Tabler sur la résignation de Français anesthésiés est un sacré coup de poker. Car en plus d’être impopulaire, la réforme ne jouit pas d’une forte crédibilité. Ni sur le fond : toutes les alternatives au report de l’âge pour équilibrer le système ont été balayées. Ni sur la forme : les Français goûtent de moins en moins les 49.3 et les passages en force.

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