Budget de la Sécurité sociale : Borne engage à nouveau la responsabilité du gouvernement par le 49-3, sur l’ensemble du texte.  Fidèle à sa feuille de route libéral, le chef de l’État qui s’exprimait hier sur France 2 tente de composer avec des députés LR, notamment les sarkozystes peu nombreux mais pivots à l’Assemblée.


 

Il s’agit du troisième engagement de responsabilité du gouvernement Borne sur les textes budgétaires, après ceux sur les parties recettes du budget de l’État et de celui de la Sécurité sociale la semaine dernière adoptés en première lecture après le rejet de motions de censure.

Élisabeth Borne a de nouveau engagé, mercredi 26 octobre au soir à l’Assemblée, la responsabilité de son gouvernement, via le 49.3, sur l’ensemble du projet de budget 2023 de la Sécurité sociale, concluant une séance hachée et houleuse à l’Assemblée, en l’absence volontaire de nombreux députés.
Le texte final « tient compte de vos échanges en commission », a assuré Élisabeth Borne aux députés restants dans l’hémicycle peu après 23H30.

« Le gouvernement nous a autorisés à examiner 9 articles sur 53, il a fait son tri dans les amendements à sa convenance. Progrès social ? Non. Arnaque sociale et sanitaire », a critiqué le député communiste Pierre Dharréville. « La cheffe du gouvernement a notamment cité des mesures pour le “meilleur financement des services à domicile”, “l’accroissement des contrôles des Ehpad”, “le renforcement de la permanence des soins”, “une meilleure prise en charge des enfants en situation de polyhandicap”, ou encore “la prise en charge à 100 % des prothèses capillaires pour les femmes atteintes de cancer” ».

 

« On ne souhaite pas participer à cette mascarade »

 

Invoquant les « 1 160 amendements restants », et « les délais fixés par la Constitution », elle a invoqué l’article 49 alinéa 3 de la Constitution sur l’ensemble du texte, qui permettra son adoption sans vote à 23h41 jeudi soir, selon la présidente de l’Assemblée, sauf si une motion de censure était déposée d’ici là. La gauche est divisée sur la question. Les députés écologistes n’en déposeront pas, a confirmé mercredi à l’AFP la cheffe de file Cyrielle Chatelain, les autres groupes de la Nupes n’ayant pas encore officiellement fait connaître leur décision, tout comme le RN.

Les débats avaient atteint un pic de tension en fin de soirée vers 23h00, les députés de la coalition de gauche Nupes dénonçant la « mascarade » de débats qui allaient immanquablement se solder par un 49.3. Après avoir demandé à plusieurs reprises, et sans succès, des prolongations et des séances supplémentaires pour examiner le millier d’amendements — une demande également formulée par Les Républicains —, les députés de gauche ont finalement quitté l’hémicycle.

 

« À la brutalité du 49.3, ils ont ajouté l’humiliation »

 

La présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain a demandé du « respect pour la représentation nationale ». « À la brutalité du 49.3, ils ont ajouté l’humiliation », a déploré le socialiste Jérôme Guedj. « Tous les articles ont été votés, nous avons tous pris part aux votes. On a fait le boulot sincèrement avec honnêteté. En réponse, on a de la malhonnêteté », a abondé l’insoumise Ségolène Amiot. Les députés RN étaient également absents de l’hémicycle lors de la déclaration de la Première ministre.

Avant l’interruption, un amendement issu d’un travail transpartisan a été adopté pour rehausser par décret chaque année le « tarif plancher » national par heure d’intervention des services d’aide à domicile (à 23 euros en 2023). Les députés ont également approuvé une réforme du complément de libre choix du mode de garde, visant à harmoniser le reste à charge entre garde en crèche et chez une assistante maternelle, malgré les alertes de l’opposition sur le nombre de perdants avec la réforme. Il prévoit aussi son extension aux enfants de 6 à 12 ans pour les familles monoparentales.

Contre l’avis du gouvernement, un amendement Renaissance a été adopté pour expérimenter un don de jours de congé interentreprises pour des salariés aidant un proche en situation de handicap ou en perte d’autonomie — et non plus seulement au sein d’une même entreprise. Le gouvernement a fait voter la création d’un parcours de réadaptation et de rééducation pour les enfants polyhandicapés ou ayant une paralysie cérébrale. Après un débat houleux sur le Ségur de la Santé, l’opposition a fait voter la remise d’un rapport sur les soignants « oubliés » du dispositif.

Le 49.3 permettra au gouvernement de choisir la version du texte sur laquelle il engage sa responsabilité, en plus de tenir des délais. Le projet de loi doit en effet passer en commission au Sénat mercredi prochain. Le projet budget de la Sécurité sociale anticipe une forte baisse du déficit à 7,2 milliards en 2023 (17,8 milliards cette année), reposant sur une fonte spectaculaire de la facture Covid. Il prévoit d’améliorer la prévention, avec des rendez-vous aux âges clés de la vie, et de réformer la formation des généralistes en ajoutant une quatrième année avec des stages « en priorité » dans les déserts médicaux. Il entend également accroître la lutte contre les « abus » d’arrêts de travail prescrits lors de téléconsultations.

 

Emmanuel Macron tend la main à la droite

 

En confirmant la relance d’une réforme de retraites, le président de la République, qui s’exprimait sur France 2 mercredi 26 octobre, a tendu la main à la droite pour légiférer. Emmanuel Macron n’a pas abandonné son programme présidentiel : passer l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 65 ans en 2031, progressivement à partir de l’été 2023. Plus globalement, cette mesure s’inscrirait dans une volonté d’augmenter le nombre d’heures travaillées tout au long d’une vie. « On n’a pas d’autre choix que de travailler davantage », a-t-il martelé, en mêlant les réformes de l’apprentissage et du lycée professionnel, de l’assurance-chômage et des retraites.

Emmanuel Macron a défendu les grandes orientations économiques du gouvernement d’Élisabeth Borne en écartant toutes les alternatives, du blocage des prix à l’indexation des salaires sur l’inflation. Tout en assumant une plus grande dose de protectionnisme, le chef de l’État demeure fidèle à son tropisme libéral : inciter (prime « Macron » par exemple) et non pas contraindre ; donner la priorité au dialogue social dans les entreprises, et non aux négociations de branche ou à la loi. « Nous ne sommes pas une économie administrée », a-t-il rappelé.

Ce discours converge avec celui des Républicains, mais aussi avec la pratique du PS au gouvernement depuis le « tournant de la rigueur » de 1983. Emmanuel Macron a été très dur envers le PS et EELV qui seraient passés « du côté du désordre et du cynisme ». En vantant la « France du travail et du mérite » et en citant la présidence de Nicolas Sarkozy au sujet de la défiscalisation des heures supplémentaires, c’est surtout à la droite que le chef de l’État a tendu la main.

 

Avec AFP