Les Suds à Arles, c’est une aventure qui dure depuis 25 ans… et une certaine forme de retour à la liberté en cet été 2021. Ce ne sont pas les milliers de spectateurs qui ont dansé le 15 juillet lors du fabuleux concert survitaminé de Goran Bregovic et de son « Orchestre des mariages et des enterrements » qui nous démentiront.


 

La manifestation consacrée aux musiques du monde — son maître mot est « faire humanité ensemble » — bénéficie certes de lieux emblématiques dans une ville classée depuis 40 ans au patrimoine mondial de l’Unesco (le Théâtre antique, les Alyscamps, l’Espace Van Gogh…), mais elle essaime aussi partout dans la cité, de la Place Voltaire au Musée départemental de l’Arles antique, le fameux Musée bleu posé au bord du Rhône. Les Suds ne se résument pas à des concerts à la nuit tombée dans le cadre du Théâtre antique qui a séduit le chanteur-guitariste-harmoniciste Piers Faccini :  « j’ai déjà joué dans des lieux extraordinaires, mais alors là… ». Ils donnent à entendre la musique partout, quasiment à toutes les heures, au touriste de passage comme aux autres, sur une Place Voltaire aux cafés bondés où le Café de la Paix affiche fièrement un « Fichez-nous la paix » que l’on peut entendre de mille manières en ces temps, disons pudiquement, compliqués.

Festival Les Suds Arles 2021
Goran Bregovic et l’orchestre des mariages et des enterrements pour une soirée électrisante. DR

Sur cette place comme en d’autres lieux — la Croisière, à deux pas de l’historique Tour des Mourgues —, les concerts gratuits sont tout sauf au rabais, à l’image de la remarquable prestation du groupe Crimi, quelque part entre Sicile et rock oriental. Au fil de la journée, le festivalier local ou l’estivant en quête de Sud peut goûter aux petits déjeuners orientaux du Bureau du festival, tout proche de la Place de la République, écouter la matinale de la Radio des Suds, s’adonner aux plaisirs de l’apéro-découverte à l’Espace Van Gogh ou de la sieste musicale en ce même lieu qui a « accueilli » l’immense Vincent.

Les plus courageux-courageuses participent à des stages et master classes d’instruments (fanfare des Balkans, gamelan de Java, chants et percussions africaines…), de danses, de voix.

 

L’esprit de métissage

Les Suds cultivent l’esprit de métissage dans le croisement des expressions musicales. Souvent, cet esprit habite les groupes eux-mêmes, comme chez l’Anglais d’origine italienne installé dans les Cévennes, Piers Faccini qui conjugue tarantelles du Sud de l’Italie, influences orientales (le guembri de Malik Ziad) et idiome rock, sublimé par le violon alto de Séverine Martin et le violoncelle de Juliette Serrad. Le chanteur invite sur scène la Réunionnaise Oriane Lacaille et fait l’éloge du groupe féminin Atine qui explore les musiques d’Iran et de Palestine.

 

Festival Les Suds Arles 2021
Le duo occitan Cocanha, une des grandes révélations des Suds. DR

Dans un savant mélange entre têtes d’affiche (la Brésilienne Flavia Coelho, Goran Bregovic, Souad Massi) et découvertes, le festival arlésien ne se contente pas de valeurs sûres et sans risque. Et au chapitre des révélations, le duo féminin Cocanha qui avait la lourde tâche de se produire le 15 juillet avant Goran Bregovic, a emporté l’adhésion du public avec ses chants occitans revisités. « Notre sport favori c’est de changer les paroles des chansons traditionnelles », soulignent Lila Fraysse et Caroline Dufau. À coup de percussions, de rythmes hypnotiques et de polyphonies complices, leur musique inventive explose l’opposition éculée entre tradition et modernité. Sans frontières on vous dit, comme le roboratif concert de Goran Bregovic, ses acolytes souffleurs et batteur serbe et ses  deux voix bulgares. Bella Ciao, entre autres, dans un Théâtre antique comble, ça vaut tout l’or du monde. Les vieilles pierres en tremblent encore et d’autres émotions sont à venir jusqu’au dimanche 18 juillet.

J-F Arnichand

 

(Photos Stéphane Barbier, Les Suds)

JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"