Le décret actant la création d’un fond d’indemnisation des victimes de pesticides a enfin été publié le 27 novembre par le ministère de la Santé. Les acteurs mobilisés sur le sujet sont déçus. Le gouvernement a placé la barre le plus bas possible. La réparation des personnes touchées par la toxicité de certains produits agricoles n’est que très partiellement reconnue.


 

La route a été longue et ponctuée d’étapes comme la reconnaissance en 2015 du caractère professionnel de la maladie du lymphome malin non hodgkinien chez les agriculteurs ou celle de la maladie de Parkinson reconnue en 2013 comme maladie professionnelle pour les agriculteurs, toujours à cause de l’exposition aux produits chimiques.

L’inscription au tableau des maladies professionnelles permet à de nombreuses victimes d’obtenir une prise en charge des soins liés à leur pathologie, ainsi que l’attribution d’une indemnisation. En ce sens, le décret publié le 27 novembre par le ministère de la Santé actant la création d’un fonds d’indemnisation des victimes de pesticides est une bonne nouvelle. Mais le texte s’est fait beaucoup attendre et laisse les agriculteurs et toutes les victimes indirectes des pesticides sur leur faim.

Dans les colonnes de Libération, Julien Guillard, vice-président de l’association Phyto-victimes et ancien salarié agricole, lui-même atteint à 37 ans d’un lymphome non-Hodgkinien causé par l’exposition aux pesticides, dénonce :

« Les amendements d’amélioration obtenus au Sénat ont été tout simplement retirés en lecture définitive. Aux victimes de pesticides, on nous dit : circulez il n’y a rien à voir !». Sans amélioration apportée par le gouvernement dans les prochains mois, « on se réserve la possibilité d’utiliser tous les recours possibles ».

 

Qui se contente de belles paroles risque d’attendre fort longtemps

 

Même réaction de Valérie Murat, présidente de l’association Alerte aux toxiques !, qui a été auditionnée par la mission de préfiguration du fonds : « Il n’y a aucune volonté politique dans ce dispositif. C’est de la poudre aux yeux. Il arrive beaucoup trop tard et c’est le meilleur moyen pour que les responsabilités pénales des firmes de l’industrie chimique et des services de l’État qui homologuent les pesticides ne soient jamais inquiétées et dégagées. »

Calqué sur celui de l’amiante qui permet d’indemniser de manière intégrale les victimes, le fonds imaginé, avec l’appui de l’association Phyto-victimes, était censé être financé par les fabricants de produits phytosanitaires. L’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn et le gouvernement étaient opposés à ce dispositif. Le texte proposé a donc été édulcoré pour réduire la responsabilité des firmes de l’industrie chimique. La taxe est maintenue, mais simplement pour indemniser de façon forfaitaire une catégorie précise de personnes, en excluant la réparation intégrale.

Selon un proverbe indien : « la reconnaissance est le paiement du pauvre », on ne peut pas mieux dire concernant les agriculteurs français, particulièrement en Occitanie1. L’enjeu de cette reconnaissance sociétale et économique est de taille aujourd’hui, à l’heure où le lobby de l’industrie agro-alimentaire impose sa vision à Bruxelles, où les petits exploitants soucieux de mettre en œuvre des mesures respectueuses de l’environnement subissent les pertes de rendement qui ne sont pas compensées par les fonds de l’UE.

Jean-Marie Dinh

 

Communiqué Association  Phyto-Victimes

Mise en place du fonds d’indemnisation des victimes des pesticides

Après 11 mois de retard, le décret concernant le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides vient d’être publié. Bien qu’il ne soit pas à la hauteur des attentes, ce fonds d’indemnisation devrait permettre une meilleure prise en charge des victimes des pesticides.

 

Qui est concerné ? Quelles évolutions ?

Ce nouveau dispositif centralisera les demandes des salarié-e-s et non-salarié-e-s du régime général et agricole, de la métropole et de l’Outre-Mer. Seul-e-s les salarié-e-s de la fonction publique et des régimes spéciaux sont exclus de ce fonds. Néanmoins, nous déplorons que ce fonds ne donne pas lieu à une réparation intégrale des préjudices subis par les victimes, ni aucune amélioration d’indemnisation pour les salarié-e-s.

Des évolutions sont tout de même à noter pour les victimes des pesticides. Dorénavant, seront pris en charge, « les anciens exploitants, leurs conjoints et les membres de leur famille bénéficiaires d’une pension de retraite agricole qui ont cessé leur activité non salariée avant le 1er avril 2002 », ainsi que les enfants (exposés in utero) dont un des deux parents a été exposé professionnellement. Ce fonds permet également aux non-salarié-e-s agricoles de pouvoir bénéficier d’une indemnisation à partir de 10 % d’incapacité (au lieu de 30 %). De plus, ils pourront également bénéficier d’une indemnisation complémentaire.

Ce fonds d’indemnisation sera géré par un conseil de gestion où Phyto-Victimes siégera. Ce nouveau dispositif sera financé par les cotisations AT/MP et l’indemnisation complémentaire et celles des enfants seront financées par le relèvement de la taxe de phytopharmacovigilance. Nous déplorons que l’État reste absent du financement.

 

Un appel à l’ensemble des victimes des pesticides

L’association Phyto-Victimes se laisse le temps d’analyser la loi et le décret, de manière à donner à chaque victime faisant appel à l’association, la juste information. La création du fonds n’est qu’une étape : il faudra suivre, améliorer, corriger ce nouveau dispositif. Néanmoins, nous invitons chaque personne qui se sent concernée par ce dispositif (non salarié-e-s, enfants, parents, victimes des pesticides déjà reconnues, Outre-Mer, etc.) à se faire recenser auprès de l’association Phyto-Victimes. Un nouveau dispositif dit aussi des possibilités de jurisprudence pour les autres victimes, n’y allez pas seul et sans accompagnement !

Merci à tous ceux (parlementaires, avocats, etc.) qui se sont battus aux côtés de Phyto-Victimes pour que ce fonds d’indemnisation puisse exister !

Nous répondrons à l’ensemble de vos questions au 06.40.19.87.98 ou par mail à servicevictimes@phyto-victimes.fr.

Notes:

  1. En France, selon l’Insee, 20 % des agriculteurs perçoivent 450 euros par mois. La plupart flirtent avec le seuil de pauvreté (867 euros). La région Occitanie est particulièrement concernée. Historiquement, le revenu agricole moyen en Occitanie a toujours été en dessous de la moyenne française (entre 60 et 75 % du revenu national). La région enregistre régulièrement le revenu le plus bas de France.
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.