Le socialiste Pedro Sanchez est arrivé dimanche soir en tête des élections législatives espagnoles sans obtenir une majorité pour gouverner. Le scrutin a été marqué par une très forte poussée du parti d’extrême droite Vox. L’instabilité politique pourrait profiter aux partisans de l’ordre, pour tenir tête au retour des vieux démons il est urgent pour Pedro Sanchez de négocier.

 

Si le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sanchez a remporté dimanche 10 novembre les quatrièmes législatives en quatre ans en Espagne,  il n’a pas amélioré ses chances de gouverner. A la faveur de la crise catalane, le parti d’extrême droite Vox  devient la troisième force politique du pays.

Après le dépouillement de près de 100 % des bulletins de vote, le Parti socialiste (PSOE) de Pedro Sanchez, qui espérait obtenir une majorité claire pour mettre fin au blocage politique qui mine le pays depuis 2015, ne compte plus que 120 députés contre 123 après le précédent scrutin, en avril.

Sous les cris d’encouragement de ses partisans, il s’est engagé à « débloquer la situation politique et à former un gouvernement progressiste ». S’il parvient à être reconduit au pouvoir par la chambre des députés, ce qu’il n’avait pas réussi à faire après le scrutin d’avril, Pedro Sanchez devra se contenter d’un fragile gouvernement minoritaire obligé de négocier des appuis au cas par cas au Parlement.

Un retour de l’extrême droite

Vox, formation ultranationaliste et anti-immigration fondée il y a cinq ans, a poursuivi son ascension et plus que doublé son nombre de sièges à 52 élus (24 en avril). Elle devient ainsi la troisième force politique d’un pays où l’extrême droite était, avant son irruption, marginale depuis la fin de la dictature de Franco (1939-1975).

C’est l’ascension « la plus fulgurante de la démocratie espagnole », s’est écrié, devant des centaines de militants brandissant des drapeaux espagnols, son chef Santiago Abascal, dont le résultat a été salué par les leaders d’extrême droite français Marine Le Pen et italien Matteo Salvini.

Vox a bénéficié de l’émoi suscité par la crise en Catalogne qui a dominé la campagne après les nuits de violences ayant suivi la condamnation mi-octobre de neuf dirigeants indépendantistes à de lourdes peines de prison pour la tentative de sécession de 2017.

Ancien membre du PP, le chef de Vox Santiago Abascal a martelé son discours virulent sur la Catalogne prônant l’interdiction des partis séparatistes, la suspension de l’autonomie de la région et l’arrestation de son président indépendantiste Quim Torra. Il s’en est aussi vivement pris aux immigrés illégaux qu’il accuse d’une prétendue hausse de la délinquance.

La promesses du président du gouvernement, Pedro Sánchez, d’exhumer les restes de Francisco Franco pour les envoyer dans un cimetière plus discret, a été respectée mais elle pourrait bien avoir bénéficié au parti d’extrême droite, en permettant de remettre cette question sur le devant de la scène. C’est en effet la  stratégie du parti d’extrême droite qui manie l’idée que le franquisme a sauvé l’Espagne du communisme et d’une situation d’ingouvernabilité, en remettant de l’ordre qui semble avoir payé.

 

Légère progression des séparatistes catalans

Les conservateurs du Parti populaire (PP, 87 sièges) ont eux redressé la barre après le pire résultat de leur histoire en avril (66 sièges) tandis que la gauche radicale de Podemos a perdu sept députés (35 contre 42 en avril) et que les libéraux de Ciudadanos se décomposent et tombent de 57 à 10 députés.

Ni un bloc de gauche (PSOE, Podemos et sa liste dissidente Mas Pais) ni une alliance des droites (PP, VOX et Ciudadanos) n’atteignent la majorité absolue de 176 sièges sur 350.

Cependant au total les partis de droite qui prônaient tous une politique dure contre les séparatistes catalans n’ont progressé que de deux sièges, en raison de la déroute de Ciudadanos.

En face, les partis indépendantistes catalans ont consolidé leur représentation : à trois, ils totalisent 23 sièges (contre 22 en avril) sur les 42 qui étaient en jeu en Catalogne.

Poursuite de l’instabilité politique

Durant la campagne, Pedro Sanchez a tenté de mobiliser son électorat contre la montée de Vox, qu’il présentait comme un retour du franquisme, en dénonçant la droite qui n’a pas hésité à s’allier avec ce parti pour prendre le contrôle de l’Andalousie, la région plus peuplée d’Espagne, de la région de Madrid, la plus riche, et de la mairie de la capitale.

Le résultat de ces élections augure d’une poursuite de l’instabilité politique. Par la voix de son chef de file Pablo Iglesias, la formation Podemos a fait savoir qu’elle était prête à négocier « dès demain » la formation d’un gouvernement avec les socialistes, après avoir échoué à le faire à l’issue du scrutin précédent. Si cette hypothèse se concrétisait, l’apport de ces sièges serait toutefois insuffisant pour garantir une majorité absolue.

Le dirigeant du PP, Pablo Casado, qui a rejeté à maintes reprises par le passé tout soutien à Pedro Sanchez, a estimé qu’il serait désormais encore plus difficile de sortir de l’impasse. « Sanchez a perdu (…) L’Espagne ne peut pas attendre plus longtemps, mais elle ne peut pas être otage des intérêts partisans (de Sanchez) », a-t-il dit.

« Le futur a gagné et le passé a perdu », avait lancé Pedro Sanchez à l’issue du scrutin en avril dernier, désormais, il va devoir en faire la démonstration.

Avec AFP et Reuters

Photo dr. Le secrétaire général de Vox Javier Ortega Smith dans son nouveau costume

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